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Actualités - REPORTAGE

Amoureux de la nature libanaise, les touristes verts fleurissent Les merveilles de Aammiq révélées avec Cyclamen

Dans le vacarme assourdissant, le tumulte politique, la pollution envahissante, certains se sont frayé une échappatoire : la nature. Ce sont les « touristes verts », communément appelés écotouristes. Curieux de découvrir les espaces naturels du pays, captivés par la beauté qui s’en dégage, ils voyagent au cœur du Liban, emmenant avec eux tous ceux qui désirent en explorer les merveilles. Parce que ces merveilles sont là. Elles perdurent à travers les reliefs ternis où l’homme a laissé les marques hideuses de son passage. À l’ouest de la Békaa, jouxtant l’autoroute qui traverse la vallée, s’étendent les marécages de Aammiq. Ces nappes d’eau couvrant 850 m2 renferment d’innombrables espèces d’oiseaux, d’herbes, d’insectes, de fleurs, d’animaux... comme si la nature s’y était réfugiée. À l’initiative de Cyclamen, une association libanaise qui organise depuis 2002 des journées de découverte du patrimoine naturel libanais, un groupe d’une quarantaine de personnes intéressées a visité récemment la région de Aammiq. L’occasion de savourer une journée au soleil, où l’admiration que suscitent les paysages se mêle à celle qu’inspire le travail des organisations environnementales. Si certaines, telle que A Rocha-Liban, luttent pour la création d’espaces protégés et la préservation de richesses territoriales souvent ignorées (l’exemple de Aammiq en est particulièrement révélateur), d’autres, comme Cyclamen, s’acharnent à encourager le tourisme vert, encore assez restreint pour le public libanais. Un trésor en attente du printemps Les marécages de Aammiq sont de larges étendues de terrain couvertes d’eau stagnante d’une profondeur pouvant atteindre les 4 mètres. Seul marécage significatif du pays, l’un des rares du Moyen-Orient, cette parcelle a acquis la caractéristique de domaine international marécageux par la convention de Ramsar (Iran) en 1971. L’unicité de ces marais réside essentiellement dans la biodiversité qu’ils renferment, révélant un inventaire riche et rare de faune et de flore (herbes rares, arbres imposants). Station principale pour les oiseaux migrateurs entre l’Afrique et l’Europe, lieu de prédilection d’environ 256 espèces de volatiles, dont plusieurs globalement menacées, Aammiq a été internationalement qualifiée de « zone importante pour les oiseaux ». Pourtant, cette zone a longtemps été en proie à des menaces dangereuses : activités de chasse non contrôlées, promenades et pique-niques polluants, usage abusif de l’eau des marais pour l’irrigation, pâturages dégradants, autant de méfaits humains qui ont conduit à l’assèchement progressif du marécage. Cette situation s’est poursuivie jusqu’à l’intervention, en 1996, de A Rocha-Liban. A Rocha International, association originairement portugaise, a été fondée en vue de l’étude et de la préservation de l’environnement. Ses analyses scientifiques sur le terrain et ses démarches concrètes de sensibilisation sont mues par un esprit de pluralisme et d’engagement. Ces enjeux se reflètent à travers l’action de A Rocha-Liban, consacrée initialement au ravivage du marécage de Aammiq. Les travaux, tant de A Rocha que des Nations unies (de 2004 à 2007), ont porté leurs fruits : les marécages de Aammiq sont aujourd’hui une zone protégée. Le concept de zone protégée se substitue à la notion de réserve naturelle quand il s’agit de propriétés privées, la loi libanaise interdisant la création de réserves sur des terrains n’appartenant pas à l’État. Actuellement, c’est A Rocha qui s’occupe de la garde du terrain ; cette garde demeure cependant insuffisante, un incendie ayant été par exemple provoqué en octobre 2007. « On ne peut contrôler tout le monde. C’est à l’État de le faire, du moins de nous aider », explique l’écologue qui veille sur le marécage, Fayçal Halabi. Selon lui, « beaucoup restent inconscients de la valeur des lieux et ne coopèrent pas avec nous, notamment certains chasseurs et autres locaux », ce qui expliquerait les « quelques déchets rencontrés malheureusement sur les lieux ». En traversant les allées de terre humide, qui longent les marais, la sérénité de la nature nous pénètre. Mais les bourgeons n’ont pas encore éclos et la symphonie des oiseaux reste timide, dans l’attente du souffle printanier. La saison du printemps certes, mais aussi la chaleur des hommes et l’attention effective de l’État. « Finalement, nous révèle Fayçal, cette terre n’est pas une propriété privée, elle est la propriété de tous les yeux. » Des pionniers aux pouces verts Si la présence de l’État ne se fait pas directement ressentir dans certains secteurs de l’environnement, l’initiative privée n’est pas entravée. D’ailleurs, ce sont les initiatives de quelques passionnés de la nature qui commencent à tracer au Liban les contours de l’écotourisme. Le responsable des projets de Cyclamen, Nassim Yaacoub, explique que le terme d’écotourisme n’est pas très adéquat : la pratique d’un vrai écotourisme ne se fait que dans une réserve naturelle close. L’exploration de la nature fait partie, plus généralement, du tourisme vert, ou de ce que M. Yaacoub se plaît à nommer « le tourisme responsable : ce que nous recherchons dans nos activités, c’est la responsabilisation des Libanais à l’égard de l’environnement qui les couve. Ce but peut être atteint à travers la découverte des beautés de la nature libanaise et la sensibilisation des visiteurs à sa valeur et sa fragilité ». Toujours dans cette perspective, M. Yaacoub déclare avoir pour but ultime « l’autosuffisance de l’homme rural libanais, de façon à ce qu’il n’éprouve plus le besoin d’aller en ville, et cette autosuffisance serait nourrie par les visites des touristes verts aux maisons locales, maisons d’accueil et de générosité ». Ce contact de l’homme avec l’homme, et de l’homme avec la nature ne peut être que source d’épanouissement et de paix. « La nature est un endroit où l’homme se dépasse continuellement », explique pour sa part Bouchra Wazen, jeune guide et organisatrice dans Cyclamen. « C’est malheureux que beaucoup soient encore inconscients, ou peu informés de l’importance du tourisme d’aventure », poursuit-elle. « Dans le but de promouvoir ses activités, Cyclamen organise des excursions à l’occasion de journées internationales, comme la journée internationale des marécages. Le Liban a beaucoup à offrir au tourisme vert. Donnons-lui sa chance. Œuvrons pour l’entretien et la protection du pays », ajoute Nassim Yaacoub. Le tourisme vert est une expérience prenante pour l’individu, aisément accessible et véhiculant un sens de l’engagement envers les précieux éléments qui se dévoilent sous nos yeux, mais dont nous n’avons pas toujours conscience. Sandra NOUJEIM
Dans le vacarme assourdissant, le tumulte politique, la pollution envahissante, certains se sont frayé une échappatoire : la nature. Ce sont les « touristes verts », communément appelés écotouristes. Curieux de découvrir les espaces naturels du pays, captivés par la beauté qui s’en dégage, ils voyagent au cœur du Liban, emmenant avec eux tous ceux qui désirent en...