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Actualités - OPINION

La différence par le droit : un objectif pour le Liban… à Rome… Ziyad BAROUD

«Tous les chemins mènent à Rome »… Ceux de la Justice aussi, semble-t-il et, en l’occurrence, ceux d’une justice libanaise en quête d’appui technique, loin des manœuvres politiciennes et des agendas cachés. Une justice dont le rôle dans l’édification d’un État de droit demeure incontestable. Comment substituer l’État de droit à l’État de la loi quand cette loi n’est plus au service du droit ? Du 27 février au 1er mars 2008, s’est tenue à Rome la Réunion du groupe des experts internationaux (RGEI) organisée sous les auspices de l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD) et sous le thème : « Assistance technique au système-justice au Liban ». De par sa vocation, l’OIDD est une organisation internationale et intergouvernementale qui œuvre en faveur de la promotion de l’État de droit et pour la bonne gouvernance dans les pays en développement, en transition économique ou sortant de conflits armés (si la définition des pays « entrant » dans des conflits armés s’applique au Liban, l’assistance de l’OIDD serait, décidément, écartée… D’ailleurs, aucune assistance ne servirait plus à grand-chose, le cas échéant !). Fondée aux Pays-Bas en 1983, l’OIDD a formé, à ce jour, plus de 17 000 professionnels du droit, originaires de plus de 165 pays, bien que l’organisation ne compte que 18 États membres. En 1988, une convention multilatérale a conféré à l’OIDD le statut d’organisation intergouvernementale et, en 2001, l’Assemblée générale des Nations unies lui a accordé le statut d’observateur. L’organisation siège à Rome et œuvre à travers deux centres régionaux, l’un situé au Caire et l’autre à Sydney. L’OIDD a donc convié une délégation libanaise constituée de représentants de la magistrature, de l’ordre des avocats, de l’université et de la société civile. Cette délégation a compté parmi ses membres : Joseph Chaoul (ancien ministre de la Justice et doyen de la faculté de droit de l’USEK), Antoine Kheir (président du Conseil supérieur de la magistrature et premier président de la Cour de cassation), Ghaleb Ghanem (président du Conseil d’État), Ralph Riachy (président de la chambre criminelle à la Cour de cassation et délégué du ministre de la Justice, le Dr Charles Rizk), Sami Mansour (président de l’Institut des études judiciaires), Raymond Chedid (ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Beyrouth et délégué du bâtonnier en exercice, Me Ramzi Joreige), Micheline Braidi (conseillère à la Cour de cassation et déléguée du procureur général près la Cour de cassation, M. Saïd Mirza), Zouheir Chokr (recteur de l’Université libanaise), Philomène Nasr (doyenne de la faculté de droit de l’Université libanaise), Raymond el-Hachem (avocat et chargé de cours à l’USEK) et Ziyad Baroud (avocat et chargé de cours à l’USJ). La RGEI était l’occasion pour la délégation libanaise d’échanger et de se concerter avec des experts internationaux que sont : le ministre Renzo Rosso (représentant le gouvernement italien), l’ambassadeur Antonio Baidini, le professeur Alessandro Costa (université Parthenope, Naples), Me Alexandre Cordahi (avocat au barreau de Paris), le professeur Fadhel Moussa (directeur des programmes du bureau de l’OIDD au Caire), le juge Amady Ba (chef du département francophone de l’OIDD). William Loris, directeur général de l’OIDD, assisté par Arianna Fraschetti, a activement rendu la réunion hautement efficace. En vue de mettre en chantier un projet d’appui technique au système judiciaire libanais, il a été sollicité des experts libanais un état des lieux préalable. Trois journées de travail ont abouti à une série de recommandations. La réflexion s’est articulée autour de quatre axes qui ont fait l’objet d’une déclaration finale que je reproduis ci-après : 1 - Le cadre institutionnel et la fonction législative Les exposés et les discussions ont permis de dégager un consensus des experts sur l’objectif de renforcement de l’État de droit au Liban, qui prendrait en considération les spécificités de la société libanaise. La diversité communautaire ne peut être un obstacle au fonctionnement d’un modèle de démocratie ni au renforcement d’un État de droit qui assurera la cohésion et la solidarité sociales, a-t-on conclu. Trois axes majeurs ont été retenus pour ce thème : a. Dresser un état des lieux afin d’identifier les réformes institutionnelles nécessaires à la consolidation de la justice, à partir de l’accord de Taëf. b. Adapter continuellement le droit aux changements sociaux, et ce, pour contribuer à une cohésion sociale accrue. c. Promouvoir la transparence du processus législatif, d’une part, et la nécessité de mobilisation de la société civile dans ce processus, de l’autre. 2 - L’accès à la justice Les présentations et les discussions ont porté sur l’examen des moyens de garantir le droit et l’effectivité de l’accès à la justice et d’empêcher toute forme ou risque de déni de justice. Une investigation plus poussée serait opportune pour mieux cibler les mesures avec précision. Quatre axes majeurs ont été retenus sous ce thème : a. L’adaptation du droit national aux standards internationaux relatifs au droit d’accès à la justice. b. Le renforcement de la confiance et de la satisfaction des justiciables et ce, avec le concours de la société civile. c. La modernisation du service public de la justice et de ses moyens d’action. d. La réduction des coûts de la justice. 3 - L’indépendance et l’impartialité de la magistrature Une distinction est faite entre l’impartialité, qui est un devoir et donc une qualité largement personnelle du magistrat, et l’indépendance, qui doit être assurée par un cadre juridique plus renforcé. Le code de déontologie judiciaire adopté au Liban en 2005 a été présenté, discuté et salué comme initiative positive, mais qui gagnerait à être plus connu. Trois axes majeurs ont été retenus sous cet angle : a. Le renforcement des institutions d’appui et de protection de l’indépendance des juges. b. L’amélioration du cadre juridique en vue de garantir l’indépendance des juges. c. La promotion du soutien de la magistrature à travers une synergie avec la société civile. 4 - La formation des acteurs du système judiciaire L’institut des études judiciaires au Liban n’étant pas autonome et indépendant, il connaît des difficultés portant sur le manque de moyens matériels, logistiques, financiers et humains, ainsi qu’un manque de programme de formation performant. La crise actuelle au Liban entrave le bon fonctionnement de l’école. Bien que le cadre institutionnel soit actuellement instable, il n’est pas souhaitable d’attendre le retour à la stabilité pour adopter les projets de textes lui conférant une autonomie administrative, pédagogique et financière. Deux axes majeurs et complémentaires ont été retenus : a. La nécessité de lancer un projet de renforcement du cadre pédagogique et technique, en partenariat avec l’OIDD et des bailleurs de fonds impliqués dans l’appui au système judiciaire au Liban. L’appui professionnel du Barreau et l’implication de la société civile sont appelés par l’ensemble de la délégation à jouer un rôle durant cette période de transition. b. La recommandation est forte et se traduit, dans l’immédiat, par la préparation d’une mission sur le terrain de la part des experts de l’OIDD pour évaluer les besoins et entamer un projet pluriannuel de renforcement des capacités de l’Institut des études judiciaires. Pour clore, les experts participants à la RGEI et l’OIDD ont renouvelé leur attachement à la modernisation du système judiciaire au Liban et ont réaffirmé leur volonté de poursuivre le processus de collaboration avec l’OIDD, dans le courant de l’année 2008. L’objectif est de préciser le contenu du plan d’action sur la base des axes retenus par la RGEI et au vu des conclusions détaillées arrêtées au cours de cette réunion. *** « Faire la différence par le droit », un slogan de l’OIDD, est aujourd’hui un objectif pour le Liban. Aux différends qui nous opposent, opposons le droit à la différence. Faisons de celle-ci un pluralisme digne, dont la gestion repose sur la justice. Serait-il béat et naïf de parler de justice, à l’heure des batailles sans cesse annoncées ? Peut-être que l’affirmative s’impose : l’État de droit n’est pas un luxe ; de sa destinée dépendrait la nôtre… Article paru le jeudi 13 mars 2008
«Tous les chemins mènent à Rome »… Ceux de la Justice aussi, semble-t-il et, en l’occurrence, ceux d’une justice libanaise en quête d’appui technique, loin des manœuvres politiciennes et des agendas cachés. Une justice dont le rôle dans l’édification d’un État de droit demeure incontestable. Comment substituer l’État de droit à l’État de la loi quand...