Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVAL AL-BUSTAN - À l’Assembly Hall (AUB) Deux pianos parlent avec éclat des intermittences du cœur…

Une fois de plus, le piano dispense magie et féerie bienheureuses… C’est un moment hors du temps quand deux pianos décident de parler, avec un incroyable éclat et une singulière éloquence, des intermittences du cœur. Public relativement peu nombreux, mais sélect à l’Assembly Hall (AUB) dans le cadre du Festival al-Bustan pour la prestation d’un duo de pianistes, Aglika Genova et Liuben Dimitrov, qui ont offert à l’auditoire, dans un menu savamment concocté, des pages de Ravel, Liszt et Bernstein. Des pages qui évoquent l’amour à travers un vibrant et sensuel pas de deux sur les touches d’ivoire visitées par le souffle des passions dévorantes, les serments éternels, les soupirs d’anges incompris, les tourmentes des plaisirs contrariés et l’esprit des amants transis d’amour… Foulard rouge autour du cou et broche scintillante à l’épaule gauche sur une robe longue noire moulante pour Aglika Genova, et pochette rayée rouge et noir sur pantalon et veste noirs pour Liuben Dimitrov aux cheveux à la brosse parfaitement à l’aise dans une corpulence aux confins « falstaffiens »… Deux Steinways à queue en un tendre face-à-face sur la scène, sous deux spots érigés en réverbères dardés sur les tuyaux des orgues, pour des partitions où les jeux de l’amour et du hasard (ici l’extrême précision du clavier !) ont des miroitements envoûtants… Premières mesures sur accords caverneux de la Suite n° 2 de Daphnis et Chloé de Maurice Ravel (arrangements Leon Roques) où planent déjà les brumes et la lumière d’un monde mythique et mystérieux. Et se dévoile peu à peu la beauté d’un paysage bucolique et secret, où Daphnis et Chloé vivent des amours tumultueuses avec le dieu Pan, des pâtres, des bergers, des faunes et des nymphes. Remuante sarabande colorée pour des images charmantes et un rêve étoilé dans un monde enchanteur et enchanté. Tout cela à travers un ballet tout en mouvements gracieux dominé surtout par la délicatesse de ce frémissant Lever du jour qui ouvre une partition à l’affût d’un conte merveilleux. En touches rapides et aux sonorités volatiles et légères, se font entendre le chant des oiseaux et le rire cristallin des ruisselets amassés par la rosée qui coule des roches… Une prestation au-dessus de tout éloge… Dans un registre de bravoure absolue et soutenue au clavier suivent les vertigineuses et imposantes Réminiscences de Don Juan de Franz Liszt. Mozart revisité par le plus virtuose des pianistes pour un moment de nostalgie dans les souvenirs du plus impénitent des séducteurs. Pages éblouissantes de virtuosité (et de force de contorsions dans les doigts et les arpèges nacrés qui n’en finissent pas !) pour cette déroutante promenade conjuguant admirablement entre les frasques du libertin Don Juan et l’inspiration de la musique du divin génie de Salszbourg. On reste pantois devant cette œuvre chargée certes d’emphase, mais marquée surtout par la troublante originalité à combiner des thèmes à la fois graves et légers… Grave avec la présence, terrible comme une redoutable épée de Damoclès, du Commandeur, et léger comme celui de conter intarissablement, et non sans une certaine espièglerie, fleurette à tout ce qui porte jupons… Brillantes et habiles variations sur une œuvre maîtresse de Mozart où Liszt, le plus grand prince du clavier, coule tout son époustouflant et décoiffant savoir-faire… pianistique ! Effets garantis ! Après l’entracte, place à une écriture moderne et sensuelle, où les amours de rue des Portoricains du Nouveau Monde, nouveaux Roméo et Juliette des mégalopoles américaines, vivent à travers la superbe musique aux rythmes métissés de Leonard Bernstein. On l’aura deviné, il s’agit du célèbre West Side Story porté avec un succès phénoménal au grand écran en 1961 par Jerôme Robbins et Robert Wise. Par-delà les visages de Nathalie Wood et Richard Beymer campant les rôles de Maria et Tony, voilà une version inédite ici pour deux pianos où Maria, Tcha-tcha et Rumba restent, par-delà des mélodies jazzy joliment chaloupées, des moments d’émotion intense, avec claquements de doigts pour battre la mesure des clans Jets et Sharks… Pour conclure, juste retour à Ravel qui revisite le pays de Lorca avec l’esprit et le regard d’un Français, tout en n’oubliant pas les origines basques du compositeur de Ma mère l’Oye. La Rhapsodie espagnole avec ses quatre mouvements (Prélude à la nuit, Malaguena, Habanera et Féria) reste un vrai morceau d’anthologie musicale, écrit initialement en 1907 pour deux pianos, mais ensuite orchestré. Somptueuse narration mêlant subtilement accents modernes et esprit ibérique à la française…Esprit scintillant d’images sonores, originales, qui puisent aussi bien dans le patrimoine folklorique ibérique que dans les rythmes et mélodies modernes. Subtil mélange qui va de la vivacité la plus ardente à la sensualité la plus provocante pour finir sur cette incandescente « féria », véritable feu d’artifice aux rythmes les plus impétueux, les plus fougueux. Tonnerre d’applaudissements pour deux virtuoses du clavier, au-dessus de tout éloge, dont la complicité, la synchronisation, les moments d’indépendance et l’harmonie sur scène ont ravi l’auditoire. Deux bis, dont ce merveilleux Summertime de Gershwin, avec son immortelle et langoureuse mélodie se déployant sur fond de rivière aux poissons frétillants et champs de coton à l’infini d’horizon. Délicieux prolongement d’une invitation à un rêve tendrement impalpable... Edgar DAVIDIAN
Une fois de plus, le piano dispense magie et féerie bienheureuses… C’est un moment hors du temps quand deux pianos décident de parler, avec un incroyable éclat et une singulière éloquence, des intermittences du cœur. Public relativement peu nombreux, mais sélect à l’Assembly Hall (AUB) dans le cadre du Festival al-Bustan pour la prestation d’un duo de pianistes, Aglika...