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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Le directeur de rédaction des « Cahiers du Cinéma », Jean-Michel Frodon, à Beyrouth Et si on parlait cinéma ?

Invité par le cinéma Métropolis à présenter un programme de six films dans le cadre du cycle « Histoires de cinéma », Jean-Michel Frodon, directeur de la rédaction des « Cahiers du Cinéma », a saisi cette opportunité pour faire la connaissance de cinéastes libanais et aller à la rencontre de tous les amoureux des films. «Partager une réflexion au sujet d’une œuvre cinématographique en reproduisant cette pensée par l’écriture, tel est le rôle d’un critique », affirme Jean-Michel Frodon. Un rôle qui se base, selon lui, sur le principe d’une rencontre entre un film et un regard. « La critique n’a nullement une fonction supplétive de la publicité. Elle ne consiste pas à envoyer des personnes au cinéma – quoiqu’on aime bien contribuer au développement artistique du spectateur, ajoute-t-il en rigolant – mais à essayer de traduire une émotion vécue et, au-delà, une pensée par le moyen de l’écriture. » Le geste critique est donc un geste individuel, selon Frodon, qui ne propose pas des réponses radicales à une œuvre, mais un certain regard, nourri d’une culture cinématographique ainsi que d’une capacité à écrire. Ce regard amène à une réflexion et une compréhension plus large de la lecture d’un film. La question essentielle serait de savoir non pas si un film est bon ou non, mais si l’élément « cinéma » existe dans ce film. « Il arrive donc, signale le journaliste, qu’on puisse avoir une large culture cinématographique sans pour autant savoir écrire. On ne serait alors qu’un simple, mais bon cinéphile. À mon avis, l’envie d’écrire supplante tout. Cette envie doit être nécessairement étayée par une émotion. Le bon critique est celui qui entreprend non un rapport glacé et simplement savant, mais un rapport affectif avec le film. Il doit savoir exprimer sa fureur, son enthousiasme, sa joie, sa tristesse à la vue d’un film et traduire ainsi toutes ces émotions. » Une tradition respectée C’est au fil des pages, dans cette revue cinématographique, appelée Cahiers du Cinéma, créée en 1951, que Jean-Michel Frodon (né Billard, mais ayant emprunté son pseudonyme au Seigneur des anneaux) essaye tous les jours de remplir ce rôle. Journaliste, critique et historien de cinéma, Frodon portera tour à tour les casquettes d’éducateur et de photographe avant de devenir critique de cinéma à l’hebdomadaire Le Point dont son père, Pierre Billard, était l’un des fondateurs et rédacteurs en chef. Occupant ce poste jusqu’en 1990, le journaliste devient responsable de la rubrique cinéma de 1994 à 2002 pour enfin être à la tête de la rédaction des Cahiers quatre ans après le rachat de la revue par le groupe Le Monde. Portant le nom modeste de Cahiers, un terme qui évoque l’atmosphère des bancs d’école et les devoirs d’élèves, la prestigieuse revue, qui a connu au fil du temps des collaborations importantes, comme celles de François Truffaut, Jean-Luc Godard ou Claude Chabrol, a installé sa notoriété grâce à des principes qui n’ont pas varié depuis. Une rigueur et une authenticité dans le travail qui font dire au journaliste, nourri de la culture des Cahiers depuis l’âge de quinze ans et qui accompagne le cinéma dans son évolution : « Certes, l’expérience vécue avec les cinéastes de la nouvelle vague était unique et n’arrivera plus jamais, mais il serait absurde de vouloir répéter artificiellement cette expérience qui a correspondu à une certaine époque. En revanche, les Cahiers ont continué leur travail dans la même direction en étant fidèles à une tradition dans l’écriture. » Une écriture qui propose un espace privilégié aux films de cinéma et qui les distingue de l’invasion des images de toutes sortes et de toute provenance. « L’équipe des Cahiers (composée d’une quinzaine de journalistes) n’est pas formée de clones, poursuit Jean-Michel Frodon. Chacun apporte sa propre sensibilité et son vécu par rapport aux films. » Un regard nourri d’émotions C’est dans cette optique que le critique, qui se dit ne pas détenir la vérité ultime (car les règles d’un film ne sont pas des dogmes), propose au sein de la revue une distribution des tâches qui s’accorderait avec la capacité de chaque journaliste à lire une œuvre. Ainsi, au cours des débats de la revue, qui se déroulent un mois auparavant, le critique, le plus apte à expliquer une œuvre donnée (indépendamment du fait qu’il l’ait appréciée ou non), choisit de l’analyser. Si Cahiers du Cinéma, qui grâce à Jean-Michel Frodon a retrouvé son format d’origine (équilibre entre la revue et le magazine), se propose de réinventer la lecture des films, la revue mensuelle se veut aussi d’être à l’écoute tant des grosses productions françaises et américaines que de celles des œuvres radicales d’artistes de pays lointains. « Il s’agit de regarder les films un par un sans leur apposer des étiquettes d’origine , dit Jean-Michel Frodon. Non unanimiste et non dogmatique, le cinéma est un espace d’art ouvert à tous et où chacun pourrait trouver des réponses à ses questions », choisir son couloir de circulation et rejoindre l’autre à tout hasard. « À l’heure où, paradoxalement, la diffusion s’uniformise et la production se diversifie sans cesse, le cinéma demeure, selon le journaliste, un outil universel  pour aider à comprendre le monde dans lequel on vit. » Colette KHALAF
Invité par le cinéma Métropolis à présenter un programme de six films dans le cadre du cycle « Histoires de cinéma », Jean-Michel Frodon, directeur de la rédaction des « Cahiers du Cinéma », a saisi cette opportunité pour faire la connaissance de cinéastes libanais et aller à la rencontre de tous les amoureux des films.
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