Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Objectif : faire de tous les étudiants des citoyens sensibles au vécu des populations du Liban Reconstruire sous les bombes : l’Opération 7e Jour à l’USJ

Reconstruire sous les bombes. C’est le défi que l’Université Saint-Joseph a relevé lors de l’offensive israélienne de juillet-août 2006, offensive meurtrière et vaine pour détruire l’infrastructure du Hezbollah, anéantir la résistance et qui n’aura servi qu’à détruire l’infrastructure du Liban, notamment routière ; qui n’aura été, surtout, qu’une succession de massacres et de crimes contre l’humanité, perpétrés impunément par l’une des plus puissantes armées de la région, aux yeux du monde entier. La réaction à cette agression fut rapide, presque aussi foudroyante que l’attaque. Dès le premier lot de réfugiés, les responsables de l’USJ comprirent que l’université ne pouvait assister, indifférente, à l’exode et au malheur de la population. Une autre forme de résistance s’organisa : accueil de la population, hébergement, alimentation des familles, distribution des secours. Ces secours d’urgence évoluèrent en quelque chose de plus élaboré. La reconstruction allait plus loin que le logement et la nourriture indispensables. Il fallait également reconstruire la capacité de résistance, les liens sociaux, la confiance en l’avenir, la santé physique et mentale. Ce fut l’Opération 7e jour. Née dans l’urgence, l’Opération 7e jour fut une expérience pionnière, exemplaire, une expérience profondément humaine rejoignant l’intuition première des fondateurs de l’USJ : faire de l’université non pas seulement une machine à diplômes, mais une pépinière d’hommes d’action profondément engagés dans le service désintéressé du Liban, dans toute sa richesse humaine et religieuse. C’est le souvenir de ces journées fiévreuses que l’université a voulu évoquer, samedi dernier, dans un effort pour les fixer afin de les transmettre aux générations suivantes, d’y associer ceux qui ne les ont pas connues ou qui les ont côtoyées dans l’indifférence. L’idée centrale étant, en dernière analyse, d’inscrire cet élan de l’université vers les populations, dans les habitudes et traditions universitaires, de susciter de nouveaux élans non seulement vers le Sud, mais vers toutes les régions où une présence dynamique de l’université peut faire une différence. « La » différence. « Une intuition des fondateurs » Prenant la parole samedi, le recteur de l’USJ, le père René Chamussy s.j., a affirmé : « La manifestation qui nous permet de nous retrouver ce soir revêt pour moi une grande importance. Elle nous permet dans un premier temps de découvrir ce qui s’est passé à l’USJ alors que le Liban vivait un drame de grande intensité ; elle nous invite aussi à comprendre combien toute cette mobilisation nous importe pour l’avenir. « L’Opération 7e jour, c’est avant tout le fruit de vos mobilisations et de votre générosité. Vous avez compris que ce qui était vécu, et vécu dramatiquement, dans ce pays, vous concernait. Vous nous avez du coup aidés à formaliser une des intuitions essentielles de nos fondateurs : les études à l’USJ ne doivent pas seulement conduire à la formation de professionnels de grande qualité, elles doivent aussi faire de tous les étudiants des citoyens, des citoyens engagés, sensibles au vécu de toutes les populations du Liban. « (...) L’Opération 7e jour doit continuer, ici et là, dans tout le Liban, sous quelque forme que ce soit. Les cellules qui se sont déjà formées peuvent muer, se transformer, l’important est qu’elles demeurent le lieu où se retrouvent le plus grand nombre possible d’étudiants, d’enseignants, de membres du personnel, d’anciens tout aussi bien. Les engagements peuvent être bénévoles ou plus institutionnels – des travaux pratiques, des stages –, l’importante est qu’ils demeurent et fassent comprendre à tous que l’université est au service du Liban. » « Travailler dans l’inédit » Une présentation exhaustive des résultats de l’Opération 7e jour a suivi le mot du recteur. C’est Carmel Wakim, directrice du service social de l’USJ, l’un des acteurs principaux de l’opération, qui l’a assurée. « Lancée dans l’urgence, réadaptée rapidement pour répondre aux besoins générés par la crise, l’Opération 7e jour est avant tout un défi qu’un grand nombre d’acteurs universitaires ont accepté de relever (...) », a précisé Mme Wakim. À l’agression, à la situation d’urgence qu’elle avait créée, a-t-elle expliqué, l’USJ se devait de réagir, « de tendre la main ». Et de rappeler le premier appel à la mobilisation de toutes les énergies lancé par le recteur : « Les temps ne sont pas ordinaires et les événements dramatiques qu’ensemble nous avons vécus, nous appellent maintenant à travailler dans l’inédit. » Mme Wakim a ensuite présenté les diverses formes prises par les interventions en urgence : accueil, pourvoi aux besoins des familles déplacées sur le plan médical et de l’hygiène, activités récréatives destinées aux enfants, présence, écoute, soutien psychologique, etc. Les axes d’intervention ont été classés comme suit : reconstruction et réhabilitation, santé, action sociale, éducation et loisirs, environnement et tourisme, formation humaine et professionnelle, citoyenneté et droits de l’homme, dialogue. Une trentaine de villes et villages ont été couverts par les bénévoles de l’USJ, qui étaient donc présents dans les dix cazas de Beyrouth, Baabda, Saïda, Tyr, Bint Jbeil, Marjeyoun, Hasbaya, Baalbeck, Chouf et Aley. Au total, l’opération devait toucher 7 500 bénéficiaires. L’opération vue par un chercheur mexicain Dans le cadre de ses études de mastère, Gisela Hernandez-Herrerias, une étudiante à l’Institut de recherche José María Luis Mora au Mexique a étudié l’opération à partir du vécu des différents acteurs. Elle ne cache pas son admiration pour cette expérience « presque unique au monde », selon elle. Pour son étude, la chercheuse a recueilli ses données dans des entretiens et de « Focus Group » menés auprès d’étudiants, de professeurs, de professionnels et d’anciens de l’USJ. L’analyse de contenu a été réalisée sous la supervision de Jamilé Khoury et Claire Zablit, doyenne de la faculté des sciences infirmières. Les résultats de cette étude montrent que « la conscience citoyenne et le sens national, le sentiment de solidarité et d’altruisme en temps de crise et de chaos et un vouloir agir » ont été les principaux facteurs qui ont motivé les participants à s’engager dans l’opération. Les participants ont affirmé que l’Opération 7e jour leur a permis de développer « un sentiment d’empathie » par rapport aux besoins et conditions de vie de la population et d’ouverture aux problèmes de la société, « de développer de nouvelles compétences » et de « raviver l’image de marque de l’université ». Pour eux, « la qualité de l’engagement » de différents acteurs, la présence d’un « leader fédérateur » et « le pilotage méthodique » des actions engagées ont été des facteurs essentiels du succès de l’opération. « Ces résultats vont servir de guide aux responsables académiques pour l’institutionnalisation de l’opération à l’USJ », conclut la chercheuse. C’est le défi que l’université se propose de relever, sachant que l’Opération 7e jour initiale (2006-2007) a mobilisé 359 étudiants, 44 anciens, 52 enseignants, 59 membres du personnel, 52 professionnels et une cinquantaine d’amis. Quelques réalisations – Visites médicales scolaires dans 6 écoles ciblant 1 400 élèves. – Consultations pédiatriques pour 150 enfants . – Prévention et dépistage des maladies cardio-vasculaires auprès de 564 personnes. – Dépistage ophtalmologique pour 350 personnes. – Dépistage des maladies de la femme pour plus de 300 femmes. – Consultations psychologiques pour 50 personnes. – Plus de 30 séances éducatives et causeries sur : les maladies sexuellement transmissibles, les accidents domestiques, les maladies cardio-vasculaires, l’usage des pesticides, la santé mentale… – Une enquête de santé auprès de 500 familles. – Aménagement de l’hôpital de Cana. – Un colloque « Éducation à la citoyenneté » s’adressant à 700 enseignants et cadres scolaires. – Un projet de développement communautaire : 7 actions portées par 7 stagiaires dans 7 villages. – Forum de dialogue en ligne, disponible aux étudiants de l’USJ : 104 inscrits. – Aménagement d’une salle informatique à l’école de Yarine. – Équipement d’un espace de jeux et de sport à l’école de Yarine. – Aménagement de deux bibliothèques : à Cana et Yarine. – Activités récréatives et éducatives touchant plus de 2 000 enfants et jeunes : kermesse, rallye-paper, fête de Noël, excursions, débats... – Un week-end de cueillette d’olives : 50 jeunes (étudiants et bénévoles) au service de 5 agriculteurs. – Huit plans de maisons individuelles et de bâtiments d’habitation proposés aux autorités locales dans différents cazas. – Un projet d’architecture et de structure répondant aux besoins, exigences et réglementation des régions détruites. – Formation de plus de 200 ingénieurs et architectes sur « les techniques de renforcement et de réhabilitation des ouvrages en béton armé ». – Création d’un Centre de formation chrétienne pour les villages frontaliers du Liban-Sud : 128 participants en 2006-2007. – Trois formations à la santé mentale pour des éducateurs et des cadres scolaires. – Formation sur « l’intervention sociale en situation d’urgence et de crise » pour 30 acteurs sociaux. – Formation à « l’action volontaire en situation d’urgence » pour 30 bénévoles. – Un grand événement culturel et touristique : la fête du printemps à Cana avec 450 participants. Fady NOUN
Reconstruire sous les bombes. C’est le défi que l’Université Saint-Joseph a relevé lors de l’offensive israélienne de juillet-août 2006, offensive meurtrière et vaine pour détruire l’infrastructure du Hezbollah, anéantir la résistance et qui n’aura servi qu’à détruire l’infrastructure du Liban, notamment routière ; qui n’aura été, surtout, qu’une...