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Actualités - OPINION

IMPRESSION Rouge ou blanc ?

C’est un journaliste chiite de l’opposition qui commentait les obsèques de Moghniyé sur une chaîne de l’opposition. Il disait en substance qu’il était temps pour les résistants de récolter le fruit de leur sacrifice. Que la communauté du Sud a trop longtemps été laissée pour compte et que l’heure avait sonné pour elle d’imposer sa loi et de faire valoir ses droits. On lui reproche sa haine de Kaslik et de Monnot. Il confirme : il « hait » Kaslik et Monnot. En l’écoutant, je pense à cette publicité pour un vin libanais qui montre une jeunesse en conflit… sur le choix de ses lieux de loisirs. Monnot ou Gemmayzé ? Fakra ou Faraya ? Drôle de cliché pour cette génération labourée par l’incertitude, privée de perspectives et dont le vrai dilemme se pose en d’autres termes : accepter de vivre dans une logique de guerre ou partir. La Saint-Valentin vient nous rappeler quelques vieilles constantes du sentiment amoureux. « Il n’y a pas d’amour, dit-on, il n’y a que des preuves d’amour. L’amour se mesure au sacrifice qu’on est prêt à lui consentir. » D’une part, l’amour de la patrie ne se conçoit que jaloux, sanglant et létal. De l’autre il est hédoniste et romantique. Question de tempérament ? Question de proximité géographique avec, d’un côté, un voisin qui de son balcon adresse des regards et des gestes concupiscents à la terre adorée, et, de l’autre, un cousin qui promet en la caressant de la protéger des indélicats. Les ombrageux veillent, l’arme au poing, tandis que loin des zones frontalières, les autres, non moins cocus, croient prouver leur amour en parant la belle de babioles économiques et culturelles. Athènes est dans Sparte et inversement. Monnot et Kaslik. Deux quartiers aujourd’hui en quasi déshérence, mais désignés par le journaliste cité plus haut comme les symboles d’une société « parler français » (sic) ramollie, faut-il le croire, par l’excès de confort, et qui a eu la chance de s’instruire parce qu’elle avait, elle, l’électricité quand les régions des confins en étaient privées (re-sic). Je ne m’attarderai pas ici sur les abus commis par les seigneurs féodaux avec le consentement béat de leurs ouailles. Quatre cents ans de domination ottomane, trente ans de mandat français, trente autres de tutelle syrienne ont trop laissé de mauvaises habitudes, et cette jeune république est encore trop immature pour s’en débarrasser. Prébendes, contrebandes, querelles, gabegie et pots-de-vin sont les sables mouvants sur lesquels nous avons assis nos structures. La mauvaise répartition des richesses n’est que le résultat de ces pratiques mafieuses dont les chefs des localités savaient se dédouaner en accusant un rival. Les féaux n’en faisaient alors qu’une bouchée, sans pour autant résoudre leurs problèmes. Il leur suffisait de porter leur protecteur au Parlement, au gouvernement ou à quelque présidence pour que se ferment les yeux des percepteurs et que s’ouvre le sésame des emplois, de l’électricité, de l’eau, et curieusement de l’asphalte, cet emblème du village qui a réussi. Ainsi donc, nous serions en présence de deux cultures, l’une pacifiée par la prospérité et l’autre aguerrie par les privations ? Il va de soi que la première est aussi terrifiée par la guerre que la deuxième par la paix. Sachant que ce n’est pas l’argent qui manque au Hezbollah, la notion de prospérité n’est pas à comprendre ici en termes de finances, mais de mode de vie. Le guerrier trouve indécente la propension du reste du monde à prouver sa vitalité dans les concerts, les restaurants et les boîtes de nuit. L’heure n’est pas aux loisirs, gronde-t-il. Le sera-t-elle jamais ? Il faut lire le témoignage de Yussef Bazzi (Yasser Arafat m’a regardé et m’a souri, Verticales, 2007) pour comprendre l’acception de la fête selon le combattant. La guerre est une grande récréation à côté de laquelle Woodstock serait à peine un thé dansant. « Que ma quille éclate ! » rêvent les uns. « Que j’aille à la mer ! » soupirent les autres. C’est le double désir du « Bateau ivre ». Qu’en feront les courants ? Fifi ABOU DIB
C’est un journaliste chiite de l’opposition qui commentait les obsèques de Moghniyé sur une chaîne de l’opposition. Il disait en substance qu’il était temps pour les résistants de récolter le fruit de leur sacrifice. Que la communauté du Sud a trop longtemps été laissée pour compte et que l’heure avait sonné pour elle d’imposer sa loi et de faire valoir ses...