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Actualités - CHRONOLOGIE

HAUTE COUTURE Au printemps 2008, on aime les robes gemmes Élie Saab Page réalisée par FIFI ABOU DIB

Il y a les hystériques, les excessifs, les tourmentés, les ébouriffants, les ébouriffés, les misogynes, les génies méconnus, les divins, les divas, les narcissiques, les démiurges. Il y a aussi Élie Saab, un couturier force-tranquille, phénomène discret, totalement à part dans la planète électrique de la mode. À quarante-quatre ans, le parcours de cet autodidacte est aussi exemplaire qu’atypique. Tout se passe comme s’il était né avec un dé à coudre greffé au doigt. Enfant, il rejoue la « Mélodie du bonheur » en taillant des robes dans les rideaux pour sa mère et ses sœurs. Dans le cercle des intimes se forme déjà un noyau d’inconditionnelles. À 18 ans, pressé par les commandes, Élie Saab se retrouve à la tête d’un atelier de 12 couturières. Il aurait voulu être architecte, il n’en est pas moins un artiste. Inscrit dans la durée Pour avoir grandi et fait ses premières armes au Liban, pays voué aux crises et à l’incertitude, Saab apprend à gérer les risques. Il garde la tête froide, improvise, acquiert les bons réflexes, accepte et relève les défis. Son style reflète ses valeurs. La maison cultive un rapport de fidélité et quasiment d’amitié avec la clientèle. Ici, les habituées ont un mannequin d’atelier moulé à leurs mesures : économie d’essayages et de déplacements, rapidité de livraison, mais surtout respect du corps et exaltation de la silhouette. La robe rectifie les petits défauts et sublime comme par magie la femme qui la porte. Ni régime, ni liposuccion, en Élie Saab on reste soi-même et on laisse faire. On a pu reprocher au couturier libanais un style trop identifiable. De fait, glamour et Hollywood grande époque ont toujours guidé le fil de Saab. Encore une fois, l’instabilité du Liban semble marquer ce créateur jamais économe d’effets précieux, mais toujours soucieux d’échapper à la précarité de la mode. Ses robes sont tout sauf jetables. Derrière chaque création, il y a une telle somme de réflexion, une telle étude de structure, un tel investissement d’heures, de travail et de matière qu’elle en acquiert la valeur d’une pièce de joaillerie. Robes couleur du temps, de soleil ou de lune, Peau d’âne elle-même n’en croirait pas ses yeux. Intemporel comme un conte de fées, volontairement, Élie Saab s’inscrit dans la durée. Architecte de son univers Pari gagnant : le petit atelier des débuts occupe désormais le premier étage d’un immeuble dédié à la maison de couture, au centre-ville de Beyrouth. Tout comme à Paris, 1, rond-point des Champs-Élysées, l’élégance et la sobriété de l’architecture reflètent un parti pris artistique rigoureux. Pas une faute de goût, pas un couac, rien qui heurte le regard. Juste une sensation de luxe feutré au cœur d’un univers minimaliste taillé dans le « wengé » et le travertin, et reflété à l’infini par le jeu des miroirs. Seule note de couleur à part les robes exposées, des parterres fleuris émergent du bois ou du marbre si brillant par endroits qu’il donne l’impression de marcher sur l’eau. En dépouillant l’atmosphère de toute référence au monde extérieur, Saab crée l’irréalité. L’architecte en lui se soumet aux caprices du styliste. Schizophrénie heureuse pour ce perfectionniste qui développe, dit-on, une ligne de meubles pour son propre plaisir. « Le porte-bonheur des stars » La chanteuse française Nadia, une inconditionnelle de Saab, a récemment déclaré : « On ne porte pas une robe d’Élie Saab, on est porté par elle. » Tout le talent de Saab est dans ce sentiment de sécurité, cette assurance infaillible que procure la justesse du vêtement. Elle est longue la liste des stars qui viennent à Saab en quête de leur robe porte-bonheur. Depuis le triomphe de Halle Berry aux Oscars en 2000, dans une mousseline bordeaux de la maison libanaise, pas un tapis rouge, pas une cérémonie internationale sans une création d’Élie Saab. Catherine Zeta-Jones, Emmanuelle Béart, Beyonce, Teri Hatcher, Diane Kruger, Eva Longoria, Dita von Teese, Christina Aguilera, Sophie Marceau, Marie Gillain et Jennifer, la petite dernière, ne jurent que par lui. On ne compte plus les têtes couronnées, les princesses du Golfe, les milliardaires russes ou américaines qui font appel à son talent. Plusieurs centaines de modèles sont livrés par les ateliers de Beyrouth, de Paris et d’Italie chaque saison. Un succès que le créateur met souvent au service de causes qui le touchent, de levées de fonds pour la femme et l’enfance et l’aide aux jeunes talents. Cette solidarité est elle-même le talisman de la maison. L’image Élie Saab en est fortement marquée. La haute couture printemps-été 2008, une collection inspirée du diamant Facettée, biseautée, déclinée dans toutes les nuances rares du diamant de couleur, la collection haute couture printemps-été 2008 magnifie les pastel. Jaune japonais, rose cuisse-de-nymphe, bleu horizon, gris pâle, ivoire tendre, vert aquatique soulèvent une fraîcheur poudrée et irradient d’une lumière intrinsèque. Les cristaux brodés structurent les tenues en produisant des effets graphiques, tantôt chevrons, tantôt entrelacs de branchages. L’architecte n’est pas loin : comme toujours, la robe se plie à la morphologie, épouse la silhouette, allège le mouvement. Parfois camouflés dans la doublure, les motifs de cristal jouent les bijoux de peau. Ailleurs ils réapparaissent en surface, surprenants comme une eau qui remonte à la source, une veine qui révèle une mine. Partout, des brassées d’organza, de taffetas, de tulle, de mousseline et de lurex de soie effleurent le sol de leurs traînes, soutiennent une légèreté savante et jouent les fondus-enchaînés. On l’aura compris, plus que de parer la femme, Saab ce printemps la transforme en gemme. Somptueux.
Il y a les hystériques, les excessifs, les tourmentés, les ébouriffants, les ébouriffés, les misogynes, les génies méconnus, les divins, les divas, les narcissiques, les démiurges. Il y a aussi Élie Saab, un couturier force-tranquille, phénomène discret, totalement à part dans la planète électrique de la mode. À quarante-quatre ans, le parcours de cet autodidacte est...