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Actualités - CHRONOLOGIE

PERFORMANCE Francesca Pierwoss dissèque 200 « manakiches »

Armée d’un couteau, une jeune fille découpe consciencieusement des « manakiches », 200 en tout. L’une après l’autre, avec la minutie d’un boucher hachant son faux-filet menu menu, façon « chawarma ». Elle s’attaque à chaque morceau, l’air concentré, ignorant les promeneurs de la rue Hamra, qui s’arrêtent devant ce magasin du centre Saroulla, interloqués, croyant au premier abord passer devant une boulangerie. Les murs blancs, la grosse planche de bois posée sur un socle, les piles de « manakiches au zaatar », dont l’odeur si particulière envahit les lieux, font croire, en effet, à un de ces « fours » typiquement libanais qui offrent ce snack national. Mais voilà : la « boulangère », Francesca Pierwoss, est en total look noir, du sommet de sa frange jusqu’aux bouts de ses bottes en caoutchouc, « mes chaussures doudou, ils me font sentir en sécurité », a-t-elle confié avant de s’attaquer à la performance. Autre indice, de taille, qui turlupine le voyeur : ce dépeçage systématique, acharné des pizzas libanaises pour en faire des amoncellements. « Chou hayda ? » : dérouté, amusé ou carrément interloqué, le passant n’a que cette question aux lèvres. La « boulangère » observant un mutisme tenace, ce sont les anciens observateurs qui informent les nouveaux venus. Les discussions vont bon train. Certains s’enhardissent à piocher un ou deux bouts de manakiches, d’autres sont pris d’empathie pour cette jeune fille qui est là depuis plusieurs heures, à répéter ce geste machinal et absurde. Ils lui offrent alors un café, une boisson, un morceau de gâteau. Un poète, passant par là, lui écrit même un poème sur un bout de papier. « Rester douze heures à mimer une “loop-machine” n’est pas facile, en effet », reconnaît l’artiste au lendemain de sa performance qui aura duré de midi à minuit. « L’énergie, ce sont les passants qui me l’ont communiquée. » Francesca Pierwoss est une étudiante à l’Académie des arts visuels de Leipzig. Elle suit actuellement des cours à l’Université libanaise (beaux-arts), dans le cadre d’un programme d’échange entre les deux universités. Sa performance s’attaque évidemment à un symbole typiquement libanais : la « man’ouché ». Mais pourquoi les diviser et en faire des montagnes ? L’artiste sourit. Elle répond, presque en rougissant de timidité : « Vous avez très bien choisi les mots de votre question. » À méditer. Maya GHANDOUR HERT
Armée d’un couteau, une jeune fille découpe consciencieusement des « manakiches », 200 en tout. L’une après l’autre, avec la minutie d’un boucher hachant son faux-filet menu menu, façon « chawarma ». Elle s’attaque à chaque morceau, l’air concentré, ignorant les promeneurs de la rue Hamra, qui s’arrêtent devant ce magasin du centre Saroulla, interloqués,...