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Actualités - OPINION

Les pleurs d’Achtarim

Sorti de la mer il y a plusieurs milliers d’années, le Liban, une montagne pas comme les autres, une nation pas comme les autres, émergea d’une région qui fut durant longtemps le berceau de l’humanité et son centre de gravité. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’un groupe tout aussi exceptionnel que la géographie du Liban fasse son apparition : les Phéniciens, un peuple de la mer. Inventeurs de l’alphabet, du verre, de la pourpre, perfectionnistes de la navigation et pères du commerce au sens profond : un partage équitable basé sur le respect mutuel et les échanges culturels. Une des constantes dans l’histoire des Phéniciens qui me marque énormément est cet attachement organique qu’ils avaient pour la liberté. Un attachement qui, naturellement, se manifesta très tôt par leur ouverture vers la mer et ses horizons, esquivant ainsi toute confrontation avec les peuples du « hinterland » largement plus nombreux. L’exemple le plus marquant est celui d’Achtarim, princesse de Saydoun. Celle-ci fut désignée par la cité pour diriger les armées et affronter Xerxès, l’envahisseur perse. Pour les Sidoniens de l’époque, se livrer à l’ennemi et vivre subjugués, sans liberté, sans dignité, dans la honte et le déshonneur étaient impensables. Sous les ordres d’Achterim, la ville, avec ses richesses, ses enfants et ses infirmes, partit en fumée. Les assaillants firent face à un peuple qui n’avait plus aucune raison de se rendre et à qui il ne restait plus que l’honneur, la fierté et la liberté à défendre à n’importe quel prix. Saydoun fut rasée, mais son honneur resta sauf. Quel triste sort que de voir les petits-fils de ces hommes fiers et libres devenir, des siècles plus tard, de simples masses brailleuses et criardes au service de chefs incultes, égoïstes et souvent féodaux, renforçant ainsi les rouages d’un système sectaire archaïque, autodestructif. Les exemples de courage, de fierté et d’amour de la liberté abondent tout au long de notre histoire, les Maradas et Fakhreddine n’en sont qu’un exemple. Cependant la « real politique », celle des magouilles confessionnelles et desseins de lâches ayant pour seul but l’appât du pouvoir, a souvent corrompu cet idéal. Et par malheur, c’est cette école de pensée qui ne fait qu’étendre son terrain d’influence. Les ombres de notre tableau politique actuel ne sont que le résultat de cette tendance gangreneuse à croître d’une façon ou d’une autre sur de dérisoires dissimilitudes de notre société. Depuis, le Liban n’est plus qu’une succession de tragédies écrites en larmes et en sang. Le changement, le vrai, cette révolution identitaire dont rêvent tous les jeunes Libanais, ne peut commencer que par l’esprit. C’est le concept de nation que l’on doit restructurer dans la pensée de tout Libanais en redéfinissant pour le Liban les rails du progrès, l’image et le rôle que l’on veut donner à notre pays. Cette image du Liban ne pourra se peindre et se réaliser qu’avec des responsables et une classe politique luttant pour ces mêmes idéaux. Il est grand temps pour nous de renouveler cette classe politique ou, tout au moins, d’établir des critères de sélection bien plus sévères pour nous bâtisseurs de rêves et d’ambitions. Ils se doivent d’être dignes de la responsabilité qui leur est confiée par la majorité des Libanais, celle de diriger notre petit pays, cette grande nation qu’est la nôtre. Ils se doivent de n’avoir en perspective que le Liban et ses intérêts, que les Libanais et leurs intérêts. Tous les autres intérêts, qu’ils soient arabes, saoudiens, français, malais ou papous, ne devraient prévaloir sur leur véritable devoir, qui est d’œuvrer pour la prospérité du Liban. Nos responsables se doivent d’être des ascètes au service du pays. Seuls leurs politiques transparentes et leurs exploits redonneront confiance à la population en son gouvernement, qui demeure aujourd’hui corrompu jusqu’à la moelle. Que celui qui pense que cela est trop demander laisse la place aux autres. Ceux qui se croient plus compétents que les occupants du Sérail se préparent pour les élections législatives de 2009, de 2010, ou de n’importe quelle date fixée en vertu de cette chose que l’on nomme démocratie et qui veut que la voix du peuple, aussi rauque soit-elle, soit honorée tout au long d’un terme de quatre ans. Nous avons de trop grandes ambitions, nous ne pouvons nous contenter de nabots politiques, de faux dévots, ni d’insolents écervelés. Nous voulons, nous réclamons et de juste droit, des hommes et des femmes qui soient à la hauteur des épreuves auxquelles fait face notre nation, des hommes et des femmes dont le regard fixe l’horizon et vise au-delà. Et que l’on cesse de nous bombarder de slogans totalement dépassés, tels qu’arabisme et arabité. Car il me semble que c’est le libanisme qui se retrouve noyé dans cet océan de paradoxes et de mensonges. Karim HONEIN
Sorti de la mer il y a plusieurs milliers d’années, le Liban, une montagne pas comme les autres, une nation pas comme les autres, émergea d’une région qui fut durant longtemps le berceau de l’humanité et son centre de gravité.
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’un groupe tout aussi exceptionnel que la géographie du Liban fasse son apparition : les...