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SOCIÉTÉ - Le système pénitentiaire dispense une formation musicale aux détenus La « réhabilitation » par le rap dans les prisons cubaines

À 23 ans, Julio César en compte déjà plusieurs derrière les barreaux. Mais il espère bien qu’à sa sortie de prison, il fera un tabac avec son groupe de rap, né, dit-il, grâce à la formation musicale dispensée par le système pénitentiaire cubain. Quitte à ulcérer les anciens prisonniers politiques, pour qui les prisons sont un « enfer » et les efforts de réhabilitation une « farce ». Vêtus de leur uniforme gris bleu de détenus, les quatre membres du groupe Poder con Senti (Pouvoir avec du sens) entonnent Adelante, comandante (En avant, commandant ; le titre de Fidel Castro) devant les 1 500 détenus de la prison de Guamajal, à Santa Clara. « En avant, commandant, de 26 en 26 (juillet, la fête nationale à Cuba), on continuera de l’avant/Et contre l’impérialisme, Cuba empoignera la batte (de base-ball) », psalmodie le groupe sur scène, avec toute la gestuelle des « pros » du rap. Dans la salle, exceptionnellement ouverte à la presse étrangère par les autorités, Silvio Rodriguez, 61 ans, écoute avec attention : le chanteur officiel a ouvert le concert, et conclut ici une tournée dans sept provinces et devant 16 000 prisonniers, dans le cadre d’un programme de réhabilitation des détenus. « On est ici parce qu’on croit en vous », a-t-il lancé à l’ouverture sous les applaudissements. À la presse, il confiera : « Avoir une population pénitentiaire aussi importante que celle de Cuba, c’est, sans aucun doute, quelque chose d’inconfortable. Mais cela nous concerne et on doit faire face. » Cuba, selon la Commission pour les droits de l’homme et la réconciliation nationale (CCDHRN), organisation illégale mais tolérée, compte quelque 80 000 détenus pour 11,2 millions d’habitants, dont 234 « politiques ». L’un des rappeurs, Leandro, 24 ans, « tire » sa neuvième année des 11 infligées – il ne dira pas pourquoi – et considère, lui, que « la liberté est une chose à laquelle on aspire, mais rester sans liberté de cette façon, c’est productif ». « Avant, poursuit-il, on était complètement détraqués, des minus. Ici, j’ai étudié et je me suis concentré sur ce qui me plaisait. Ça m’a ouvert les méninges », dit-il, assurant avoir « l’idée fixe de continuer en musique ». « On étudie la musique, on va à l’école et on se prépare physiquement », explique Duniesky Vargas, 22 ans, troisième larron du groupe. « On est créatifs », assure Julio César : le répertoire du groupe comprend 37 morceaux de rap et de reggaeton. Dans l’assistance, José Gustavo Valdés, 41 ans, qui purge sa troisième année de sa peine de quatre ans pour vol, trouve que ces concerts « servent à la formation des détenus parce que la culture est une manière de changer la façon de penser ». Libéré en août de l’an dernier, après 13 ans et 3 mois de prison, Francisco Chaviano – ex-plus ancien prisonnier de conscience au monde –, n’en croit rien : « Tout cela, c’est une façade, de l’imposture », dit-il. « Les prisons à Cuba sont un enfer », assure-t-il, évoquant leurs « conditions terribles » et « leur état totalement désastreux ». « Ils sont quelques-uns parmi les détenus à avoir un traitement privilégié, en vendant leur âme (...) Ils racontent ce que le gouvernement veut leur faire dire », dit cet ex-professeur de 54 ans, condamné pour avoir révélé des « secrets d’État ». Autre opposant, Guillermo Farinas, n’a fait, lui, « que » quatre ans dans les prisons cubaines en plusieurs séjours, de 1996 à 2002. Pour cet ancien psychologue de 45 ans, vétéran de la guerre en Angola, c’est « une grande hypocrisie d’aller chanter pour les prisonniers sans voir leurs conditions ». Y sévissent, selon lui, « la répression, la mauvaise alimentation, le manque d’eau, d’humanité et de respect des propres lois du socialisme », ainsi que le pouvoir discrétionnaire des « matons », le « matonismo ». Mais à Cuba, « on n’a pas de prisonniers politiques, on a des prisonniers contre-révolutionnaires et de droit commun », assure le lieutenant-colonel Rafael Garcia.
À 23 ans, Julio César en compte déjà plusieurs derrière les barreaux. Mais il espère bien qu’à sa sortie de prison, il fera un tabac avec son groupe de rap, né, dit-il, grâce à la formation musicale dispensée par le système pénitentiaire cubain. Quitte à ulcérer les anciens prisonniers politiques, pour qui les prisons sont un « enfer » et les efforts de...