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Actualités

L’effet Werther

Le roman de Goethe Les souffrances du jeune Werther, publié en 1774, raconte l’histoire d’un jeune homme qui, le cœur brisé par une liaison sentimentale qui s’est mal terminée, se suicide. La publication de ce livre eut un effet dévastateur sur la société de l’époque. Outre le succès considérable que cette œuvre apporta à Goethe, elle suscita parallèlement une vague de suicides à travers l’Europe au point que, dans certains pays, les autorités firent tout simplement interdire le livre. David Philips, célèbre sociologue américain, dans son travail de recherche sur le pouvoir du langage « évocatif », a baptisé ce phénomène « l’effet Werther ». Philips examina la façon par laquelle « l’effet Werther » se manifeste dans les temps modernes. Comment, par exemple, l’histoire d’un suicide qui fait la une d’un journal va augmenter le nombre de suicides parmi les lecteurs de ce journal. Il trouva même des similarités frappantes entre ce premier suicide largement commenté et ceux qui l’avaient suivi quant à l’âge et la classe sociale des victimes. Philips ne s’est pas arrêté là, il a poursuivi ses recherches pour montrer quelques années plus tard que « l’effet Werther » s’applique également à d’autres événements, tels que les actes de violence ou d’héroïsme. Il suffit pour cela que deux conditions préalables soient remplies : a) que beaucoup de publicités entourent l’acte initial ; b) que le lecteur ou le téléspectateur ressemble ou ait l’impression de ressembler aux acteurs du récit d’origine. Les éléments de preuve apportés par Philips font bien voir la force de ces mécanismes d’identification et leur pouvoir d’évocation. Sans vouloir en aucun cas renier la gravité des actes de violence que nous nous devons de dénoncer, actes qui nécessitent une action énergique à plusieurs niveaux, en faisant la une dans votre dernière publication d’un épisode de violence relatif à des adolescents, en décrivant les faits d’après un scénario très visuel et évocateur, vous n’aurez servi la cause ni des victimes ni de la société au sens large. Le risque serait même de favoriser le déclenchement d’un « effet Werther » à travers des mécanismes de projection et d’identification appelant un comportement d’émulation chez certains jeunes lecteurs convaincus de se retrouver – agresseurs ou agressés – dans une histoire qui les touche et les concerne. Citer un fait est quelque chose et le décrire imagé en détail est autre chose. Il aurait été plus utile de s’arrêter sur les mesures susceptibles d’améliorer les comportements de la jeunesse libanaise dans un environnement aussi permissif et laxiste qu’est le nôtre. « Le plus important, disait un psychothérapeute éminent, c’est ce que vous allez faire de ce que les autres ont fait de vous. » Lourde responsabilité que nous assumons tous et notre quotidien avec nous. Bernard FATTAL École de Palo Alto
Le roman de Goethe Les souffrances du jeune Werther, publié en 1774, raconte l’histoire d’un jeune homme qui, le cœur brisé par une liaison sentimentale qui s’est mal terminée, se suicide.
La publication de ce livre eut un effet dévastateur sur la société de l’époque. Outre le succès considérable que cette œuvre apporta à Goethe, elle suscita parallèlement une...