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Actualités - REPORTAGE

184 pays ont ratifié la convention de l’organisation et 851 biens sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial Objectif de l’Unesco : sauver l’héritage et la mémoire de l’humanité

Luxembourg, de May MAKAREM Après le succès du premier colloque international qui s’est déroulé au Canada, en mai 2005, sur le thème « Journalisme et patrimoine mondial », la chaire du patrimoine culturel de l’Unesco de l’Université Laval, Québec, a tenu une seconde édition au Luxembourg, ville du patrimoine mondial et capitale européenne de la culture 2007. La rencontre, placée sous le patronage de la grande-duchesse Maria Teresa, ambassadrice honoraire de l’Unesco, avait deux objectifs : parfaire la connaissance de 26 journalistes, venus d’Afrique, d’Amérique, d’Asie, d’Europe et du Moyen-Orient, sur la conservation et la protection du patrimoine mondial, et approfondir cette notion riche et complexe, qui comporte la mémoire de l’homme. La rencontre, qui a duré six jours, a mobilisé des responsables du Centre du patrimoine mondial et du Conseil international des monuments et des sites (Icomos), des chercheurs, des enseignants et des experts internationaux. Tous ont exposé la valeur sans prix de ce dépôt sacré, témoin d’une diversité culturelle inscrite au cœur des sociétés humaines qui fait leur richesse. Ils ont expliqué son importance sur la vie politique et sociale, et son impact sur le tourisme, créateur d’emplois et facteur de développement économique. Les intervenants ont également mis l’accent sur l’approche stratégique du Centre du patrimoine mondial pour sensibiliser le public et encourager les universités à se doter d’un programme d’enseignement supérieur pour mieux comprendre les instructions normatives de l’Unesco. Les principaux partenaires organisateurs de ce colloque étaient la ville de Luxembourg, la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Luxembourg, l’Université Laval (Canada), la Grande Région transfrontalière (Luxembourg et des régions de l’Allemagne, la Belgique et la France) et l’Organisation des villes du patrimoine mondial (OVPM). Un aperçu historique de la convention du patrimoine mondial a été donné par Marielle Richon, spécialiste du programme, qui a souligné que « les œuvres culturelles de l’homme et les paysages naturels d’exception n’appartiennent pas aux États sur le territoire desquels ils se trouvent, mais à l’ensemble de l’humanité. Ils constituent des richesses qui nous sont confiées pour être transmises aux générations futures, dont elles constituent l’héritage légitime ». Le manifeste de l’Unesco remonte à l’entre-deux guerres. Il est la conséquence d’un besoin de protéger les monuments et les sites naturels que menaçaient les nouvelles mutations socio-économiques à une époque où les anciennes valeurs étaient parfois rejetées pour faire place à du neuf ou en vue d’un bénéfice immédiat. Au cours des années, l’idée, comme une semence plantée, a fait son chemin et s’est développée. En 1959, la construction du barrage d’Assouan, qui menaçait d’inonder la vallée où se nichait le temple d’Abou-Simbel, trésor de la civilisation égyptienne, suscite alors une prise de conscience générale. La campagne internationale lancée par l’Unesco met tous les États à contribution et permet de récolter 80 millions de dollars pour « démonter, déplacer et réassembler » ce beau morceau de l’histoire. « Le succès de l’opération révélera l’importance d’un partage des responsabilités pour sauver des sites culturels exceptionnels ». Une politique active en faveur du patrimoine est alors engagée, notamment à Venise, à Mohenjo Daro, au Pakistan et à Borobudur, en Indonésie. Avec l’aide de l’Icomos, l’Unesco amorce la préparation d’une convention sur la protection des biens culturels et naturels. Le projet, présenté à la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain, à Stockholm en 1972, est adopté la même année à la Conférence générale de l’Unesco, à Paris. Il entre en vigueur en 1975. En 1992, le Centre du patrimoine mondial est créé. Il joue le rôle de « secrétariat du Comité du patrimoine mondial » dont il organise les réunions statuaires, élabore les plans d’action pour la préservation des biens et leur inscription sur la liste du patrimoine mondial. Et « seuls les gouvernements qui ont signé la convention et se sont par là même engagés à protéger leur héritage naturel et culturel peuvent soumettre des propositions d’inscription de biens situés sur leur territoire… Ensuite, c’est le Comité du patrimoine mondial – composé d’élus des différents États – qui prend la décision finale », a fait observer un autre spécialiste du programme, Alessandro Balsamo. Les ensembles monumentaux et l’architecture vernaculaire, comme les superbes blasons des cultures du monde furent les premiers inscrits. Mais comme il fallait « encourager la diversification de la liste, et la rendre plus équilibrée et plus représentative de l’héritage universel », le comité, en coopération avec tous les États membres de la convention et trois organisations consultatives (Icomos, UICN et Iccrom), décide d’adopter « une stratégie globale » qui dépasse le cadre étroit des définitions du patrimoine, et concilie le développement économique et la protection de l’environnement. De nouvelles catégories de sites sont prises en compte : les paysages, les rizières en terrasses, les déserts, les sites marins côtiers, les réserves de la biosphère, comme celle de Rio Platano, au Honduras ; les zones de conservation et les parcs zoologiques, comme celui de Ngorongoro, en République de Tanzanie, où l’on trouve la plus forte concentration d’animaux sauvages au monde ; mais aussi les lieux de mémoire comme Auschwitz et Hiroshima ; et pour leur valeur documentaire sociologique, les grands complexes industriels et miniers, ou encore les œuvres architecturales comme celles d’Antoni Gaudi à Barcelone. Grâce à cette nouvelle politique, 184 pays font partie aujourd’hui de la convention et 851 biens, dont 660 sites culturels, 166 sites naturels et 25 mixtes, « d’une valeur universelle exceptionnelle », sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Ils représentent un argument commercial de poids pour le tourisme, un des plus importants secteurs économiques au monde. Triomphant du temps, ces sites, qui ont acquis par leur durée leur vraie valeur de permanence, prennent une dimension mythique, synonyme d’un ailleurs qui fait rêver. Ils sont devenus le centre d’attraction des voyageurs dont le nombre devrait tripler d’ici à 2020 (1,6 milliard, selon l’OMT). Les perspectives offertes sont donc très importantes, notamment dans les pays en développement où l’instauration d’un tourisme durable, c’est-à-dire axé sur la préservation des richesses, peut créer des emplois et faire reculer la pauvreté. Dans cet objectif, le Comité du patrimoine mondial a élaboré en 2001 un plan de gestion qui répond aux attentes économiques et aux exigences de la conservation des biens historiques et naturels, et au respect des populations dans leur environnement. Les sites inscrits sur la liste bénéficient par ailleurs de l’assistance internationale octroyée sur demande dans le cadre du Fonds du patrimoine mondial pour réparer les dommages causés par les catastrophes naturelles ou par l’activité humaine. Mais aussi des programmes régionaux et des ateliers techniques organisés pour la mise en valeur du patrimoine et la formation du personnel travaillant sur les lieux. En substance, la convention est plus qu’un simple texte. « C’est un système établi pour répondre efficacement à des besoins spécifiques de conservation », mais aussi aux problèmes soulevés par le « trafic illicite » et les « conflits armés », soulignent les experts, rappelant que lorsqu’un héritage culturel est mis en péril, « l’Unesco tire la sonnette d’alarme et demande des comptes à l’État concerné, et peut même aller jusqu’au déclassement si les autorités en question font fi des normes et des recommandations ». La diversité culturelle à l’heure de la mondialisation Et ce n’est pas tout. Dès 2001, prenant en compte l’urbanisation et l’émigration économique, les risques d’homogénéisation et de repli identitaire liés à la mondialisation, l’Unesco a axé son engagement sur « la promotion et la protection des expressions culturelles et des systèmes de connaissances traditionnels pour un dialogue interculturel et un développement sociable durable ». La convention portant sur cette stratégie est entrée en vigueur en mars dernier et a été ratifiée par plus de 75 États, dont l’Union européenne. Ce patrimoine, dit « immatériel », comprend les traditions vivantes dans les domaines de la musique, de la danse et du théâtre ; les pratiques sociales et rituelles ; les langues et expressions orales ; les connaissances et le savoir-faire transmis de génération en génération, comme les corps de métier, la pharmacopée, la médecine traditionnelle, le chamanisme, la cosmologie, les sciences ésotériques, les rites initiatiques, pour ne citer que quelques exemples. « La préservation de cet héritage relève d’un impératif éthique servi par un dispositif d’instruments normatifs, et constitue le fondement et la finalité de l’ensemble du programme culturel de l’Unesco ». Le 21 mai a été déclaré « Journée mondiale de la diversité culturelle ». Patrimoine africain en péril Dans quel état est l’Afrique ? Dans quel monde s’insère-t-elle ? Les guerres et les crises politiques, la déforestation, le manque de ressources financières et humaines mettent en péril de nombreux sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial, dont cinq au Congo et deux en Côte d’Ivoire. Aucune juridiction n’existe pour interdire la destruction et l’exportation des richesses du continent noir, aucune mesure d’urgence n’est prise pour enrayer les maux infligés à son environnement, souligne, dans son éclairage sur « Le patrimoine en droit international », Rachel Ahoyo, chargée de cours à l’Université Laval. Pour ne citer qu’un exemple, Ginette Karirekiynana, présidente de l’Agence consultative en éthique de coopération internationale, Québec, révèle l’effroyable incurie de la Banque mondiale qui hypothèque l’avenir de 600 000 pygmées, en autorisant l’exploitation forestière commerciale sur et autour des lieux où ils vivent. D’autre part, faute d’archivage, les recensements réalisés lors des quarante dernières années, et constituant d’importants documents et données démographiques et socio-économiques sur les sociétés africaines sont voués à la destruction. Les intervenants ont lancé un appel pour sauver ce patrimoine démographique « unique » et d’un intérêt capital pour le suivi des politiques et programmes de développement… avant que les comportements arbitraires, inconsidérés des gouvernants ne créent une situation irréversible. Et que notre legs aux générations futures ne soit pas l’histoire d’une terre désolée, fragilisée par les guerres, les pollutions, le déboisement et la désertification. May MAKAREM Les Libanais du grand-duché En feuilletant un magazine luxembourgeois datant de novembre, on tombe sur un reportage consacré à des Libanais résidant dans la capitale du grand-duché : Amine Béchara, directeur de la BEMO Europe, installé depuis 23 ans au Luxembourg, raconte que « les liens avec le Liban restent solides » et que ses trois fils apprennent l’arabe et « adorent passer leurs vacances au pays ». Dans un autre encadré, on apprend que Roland et Nayla Medawar habitent depuis 35 ans un des quartiers les plus chics de la ville. Albert Samaha, originaire de Baalbeck, est marié à une Luxembourgeoise. Le couple a quitté Beyrouth en 1992 pour s’installer au Luxembourg où Albert enseigne l’arabe et organise des voyages au Moyen-Orient. Un article est également consacré à Amine Jaber et Beryl Koltz (de mère libanaise et de père luxembourgeois), qui partagent une passion commune pour le cinéma. Scénariste, Koltz réalise des courts-métrages et des documentaires. Son dernier opus, Starfly, a remporté de nombreux prix dans des festivals internationaux. Son collaborateur en charge du montage est Amine Jaber, dont les parents avaient quitté le pays au milieu des années soixante-dix. « En vrais Libanais, ils se disputent, crient, font beaucoup de bruit, mais finissent par faire des compromis autour d’un bon repas », selon le magazine qui signale que 250 Libanais habitent le Luxembourg et cite, dans l’ordre suivant, les célébrités du pays du Cèdre : Gibran Khalil Gibran, Mika, Carlos Ghosn, Charles Malek, Nicolas Hayek, Feyrouz, Élissa, Jamie Farr (acteur, MASH), Paul Anka et Hassan Kamel al-Sabbah (inventeur). Regards croisés sur le patrimoine Luxembourg étant l’une des quatre villes formant le Quattro Pole avec Metz, en France, Sarrebruck et Trèves, en Allemagne, le colloque était « mobile » et s’est déroulé dans ces différentes villes où des sites sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial, comme l’usine sidérurgique de Volgen (Surrabruck) et l’abbaye médiévale de Neumünster, ceinturée par les casemates de l’ancienne forteresse de Luxembourg. Le thème choisi, « Regards croisés sur le patrimoine », a permis de mettre en lumière les particularités de Luxembourg et de la Grande Région transfrontalière, les biens qui constituent leur patrimoine commun et les faits historiques légués à partir de points de vue divers, selon l’appartenance nationale des acteurs. Le Gibraltar du Nord Inscrite sur la liste du patrimoine mondial depuis 1994, la vieille ville de Luxembourg s’est développée autour d’un château construit en 963 par le comte ardennais Sigefroid sur le rocher du Bock. Elle s’impose encore par les murailles qui firent d’elle, dans l’histoire, une importante citadelle. Les casemates furent construites en 1644, sous la dominations des Espagnols, agrandies 40 ans plus tard par l’ingénieur militaire et bâtisseur des fortifications Vauban puis, au XVIIIe, siècle par les Autrichiens. Le système de défense s’étendait sur plusieurs étages et comportait des galeries creusées jusqu’à 40 mètres de profondeur. En raison de ces bastions impressionnants, la ville fut nommée le « Gibraltar du Nord ». Le charme de Luxembourg vient notamment de la cohabitation harmonieuse entre son patrimoine historique et ses quartiers modernes, qui abritent son Musée d’Art moderne (Ming Pei), son opéra (Christian de Portzampac) et les sièges d’une centaine de banques multinationales également conçus par des architectes de grande renommée. Ville natale d’un des pères fondateurs de l’Europe unie, Robert Schuman, elle est également l’un des trois sièges officiels de l’Union européenne, et héberge ses institutions juridictionnelles et financières. Les participants Les tables rondes avaient pour modérateurs MM. Claude Dubé, titulaire de la chaire en patrimoine culturel de l’Université Laval, Québec, Lucien Kruger, doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Luxembourg, Charles Moumouni, professeur au département d’information et de communication de l’Université Laval et coordinateur du colloque, et Zdravka Konstantinova, maître de conférences à l’Université de Sofia. Plus de trente conférenciers ont participé aux débats, parmi lesquels Marielle Richon, Alessandro Balsamo, Christian Manhart et Hervé Barré, spécialistes du programme au Centre du patrimoine mondial ; Jean-Pierre Kraemer, président de la Commission luxembourgeoise pour l’Unesco ; Patrick Sanavia (président de la commission parlementaire des Sites et Monuments, Luxembourg) ; Roland Pinnel, directeur du Luxembourg City Tourist Office ; Victoire Adégbidi (École du patrimoine africain, Bénin), Fabien Nkot, (Université de Yaoundé) ; Richard Marcoux et André Cassault (Université Laval) ; Thomas Werquin (Université de Montréal et acteur principal de l’association Axeculture ); Harlan Koff et Michel Pauly (Université de Luxembourg ); Anouar Moalla (directeur au département d’ethnologie, Abou Dabi) ; Monica Sassatelli (Université Taramo, Italie) ; Moncef Ben Slimane (École nationale d’architecture et d’urbanisme de Tunis) ; Réjean Lemoine (historien et chroniqueur à Radio-Canada, Québec), Simone Weny (historienne de la politique du patrimoine) et Blanche Weber (présidente du Mouvement écologique luxembourgeois.
Luxembourg, de May MAKAREM

Après le succès du premier colloque international qui s’est déroulé au Canada, en mai 2005, sur le thème « Journalisme et patrimoine mondial », la chaire du patrimoine culturel de l’Unesco de l’Université Laval, Québec, a tenu une seconde édition au Luxembourg, ville du patrimoine mondial et capitale européenne de la culture 2007. La...