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Une grande figure de la renaissance des lettres arabes décédée à l’âge de 30 ans De Zahlé à Rio, une étoile filante appelée Fawzi Maalouf

La littérature arabe de la Renaissance (Nahda) a fleuri dans l’émigration libanaise aux XIXe et XXe siècles en Amérique du Nord et en Amérique du Sud, en particulier dans les deux grands pays que sont les États-Unis et le Brésil. Ainsi, c’est à New York qu’a été fondé, à la fin de la Première Guerre mondiale, le Pen-Club (Al-Rabita al-Qalamiyya), par les prestigieux Khalil Gibran, Amine Rihani, Mikhaël Naaimé et d’autres grands écrivains, dont la production littéraire a fait le tour du monde. En parallèle, à São Paulo, se constituait en 1933 la Liga Andaluza de Letras Árabes (Ligue andalouse des lettres arabes), en souvenir des gloires arabes anciennes, et ce à l’initiative de Michel Neman Maluf, Chicralla et Akel el-Jorr, Chafic, Riad et Fawzi Maalouf, et plus de 70 autres écrivains libanais. La production littéraire arabe a ainsi fleuri au Brésil où elle a été immortalisée par des poèmes adaptés à la littérature occidentale et brésilienne en particulier, formant un style propre avec un nouveau langage poétique. Parmi tant d’écrivains libanais de l’émigration au Brésil figure Fawzi Maalouf, né à Zahlé en 1899 et décédé jeune à Rio de Janeiro à l’âge de 30 ans. Fils du grand savant et historien Issa Iskandar Maalouf et de Afifé Ibrahim Maalouf, Fawzi a étudié à l’École orientale de Zahlé puis à l’École des frères maristes à Beyrouth. Dès l’âge de 14 ans, il compose son premier poème, Les misères de la vie, se penchant sur les profondeurs de l’âme humaine et en donnant une vision réaliste et de compassion, qui marquera tous ses écrits. À l’âge de 17 ans, il écrit sa première pièce de théâtre, La colombe dans la cage, qui remporta un grand succès au Liban et plus tard au Brésil. Fawzi, qui a reçu une solide formation générale, notamment linguistique et littéraire, était également brillant dans ses écrits historiques. Il écrivit ainsi de nombreux textes sur l’époque des Omeyyades et sur la Grenade arabe, célèbre cité espagnole dont il décrivit les merveilles naturelles et le magnifique palais de l’Alhambra. Fawzi était aussi l’un des premiers à avoir parlé du rôle des Libanais d’outre-mer, avant même d’émigrer. Dans le journal al-Chark, il écrit en 1920 : « À ceux-là qui, sur tous les continents, ont fait honneur au Liban et qui promènent sous tous les cieux, à tous vents, ce Liban audacieux habitué à regarder vers le large, nous disons de tout cœur : Le Liban vous attend certes, mais attend beaucoup de vous… Vous êtes les fiers représentants d’un Liban ouvert à toutes les civilisations et destiné à communiquer avec tous les peuples du monde. » En 1921, Fawzi Maalouf émigra à São Paulo, laissant un grand vide à Zahlé, sa ville natale, pour laquelle il eut cette pensée : « Si douloureux qu’il me soit de me séparer de vous, je ne puis que vous avouer que les plus belles choses ne sont pas dépourvues d’amertume et qu’il faut savoir s’accommoder de ces alternatives de joies communes et de séparations. Dieu m’a préparé de longue date à l’émigration, à l’absence… Nous nous retrouverons sans doute un jour sous notre beau ciel du Liban… Je reviendrai, j’irai à vous, vous à moi. Je vais devant moi comme la feuille que le vent emporte et vous devinez, sans doute, le tourment continuel que sera ma vie.» Au Brésil, Fawzi travailla dans le commerce et monta ensuite une grande industrie de soie artificielle avec plus de quatre cents ouvriers. Contribuant ainsi au développement de l’industrie et des affaires commerciales brésiliennes, il n’abandonna pas cependant sa vocation culturelle et fonda en 1922 le Cercle culturel de la jeunesse zahliote à São Paulo, avant d’être l’un des prédécesseurs de la « Liga Andaluza de Letras Árabes ». La sensibilité de Fawzi Maalouf et ses idées humanistes ont conquis la société libano-brésilienne. Ses écrits romantiques ont spiritualisé l’amour et la femme, témoignage d’une époque marquée par le lyrisme. Il a créé une nouvelle école littéraire, changeant les modes de la pensée orientale à travers sa poésie chargée de symbolisme, tout en gardant la tradition poétique libanaise et orientale. Ainsi à Beyrouth, en contemplant le coucher du soleil, il écrivait : « Regardons le soleil déjà très bas qui glisse vers l’eau, entraînant après lui tout l’horizon en flamme ; le vent devient plus frais, la plage plus violette et peu à peu la brume du soir monte : bientôt on ne voit plus que la ceinture blanche de l’écume autour de la Grotte aux pigeons et je suis là, perdu dans la nuit, avec mes souvenirs sous les grandes ondes lumineuses du phare de Beyrouth. Je ne saurais trouver nulle part dans le monde un coucher de soleil plus féerique et plus impressionnant. » Le but de Fawzi était de réformer la société arabe, dépassant son côté superficiel. Ses écrits laissent à montrer que la raison du plus fort n’est pas la meilleure et que le bon sens de la justice doit régner, les hiérarchies sociales ne justifiant pas la discrimination envers les plus petits. Son chef-d’œuvre est un long poème intitulé Aala Bisat el-Rih (Le tapis volant). Fawzi monta un jour à bord d’un avion à Rio de Janeiro et, survolant la mer, la forêt et les montagnes de la région, eut une inspiration. Il composa alors une épopée en quatorze parties, écrite avec sensibilité et réalisme, et développant une série de thèmes philosophiques : Dieu, la vie, l’homme, le destin et la mort. Dieu : « Si parfois, vous avez porté vos yeux sur la beauté des astres, si vous vous êtes demandé quel est celui qui a semé le ciel de telles fleurs, s’il vous arrive de faire le même voyage que moi, vous reconnaîtrez à coup sûr les merveilles de la nature, ce vaste amphithéâtre qui nous enchante et dans lequel nous avons pris place. » Le tapis volant a été publié après la mort du poète et traduit en plusieurs langues : portugais, espagnol, allemand, français, russe, anglais, roumain, etc. Aujourd’hui, un buste de Fawzi Maalouf, offert par les émigrants libanais du Brésil, trône à la rue Brasil, à Zahlé, devant l’hôtel Kadri, où coule le fameux fleuve Bardawni. R.Kh.
La littérature arabe de la Renaissance (Nahda) a fleuri dans l’émigration libanaise aux XIXe et XXe siècles en Amérique du Nord et en Amérique du Sud, en particulier dans les deux grands pays que sont les États-Unis et le Brésil. Ainsi, c’est à New York qu’a été fondé, à la fin de la Première Guerre mondiale, le Pen-Club (Al-Rabita al-Qalamiyya), par les prestigieux Khalil...