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Actualités - CHRONOLOGIE

Le dernier adieu au directeur des opérations de l’armée De Harissa à Rmeich, en passant par Baabda, l’hommage populaire au général François el-Hajj

Sous une pluie battante, le Liban a fait un dernier adieu hier au responsable des opérations de l’armée libanaise, le général François el-Hajj, assassiné mercredi dans un attentat à la voiture piégée. Le pays a vécu une longue journée de deuil, qui a été entamée dès 7h 30 à l’hôpital militaire de Badaro et qui s’est achevée douze heures plus tard à Rmeich, village natal du général el-Hajj. Tôt le matin donc, les cercueils du général el-Hajj et de son chauffeur le sergent Khairallah Hedwan, enveloppés du drapeau libanais, ont été sortis de la morgue de l’hôpital militaire à Badaro. Ils ont été accueillis par le salut militaire et la sonnerie aux morts. Le cortège funèbre, survolé par trois hélicoptères de l’armée, s’est dirigé vers le lieu de l’attentat à Baabda. Au rond-point de Baabda, le cercueil a été descendu du corbillard pour être porté à bout de bras jusqu’au domicile du général assassiné, où il a été accueilli sous une pluie de pétales de fleurs et de riz, des applaudissements, des cris et des youyous. Le cortège s’est ensuite dirigé vers le littoral du Metn, le Kesrouan, pour arriver jusqu’à la basilique Notre-Dame de Harissa. Dès 9h, des embouteillages ont commencé à se former au niveau de Bkerké et de Harissa. Pluies torrentielles et vents violents n’ont pas empêché plusieurs dizaines de personnes de faire des centaines et des centaines de mètres à pied pour arriver jusqu’à la basilique Notre-Dame. Il y avait aussi plusieurs centaines d’officiers et de militaires, des diplomates, des délégations venues de plusieurs localités du Liban, des partisans du CPL avec leurs foulards, cravates et parapluies orange qui ont ovationné le général Michel Aoun quand il est arrivé à la basilique. Hier, à la basilique Notre-Dame de Harissa, il y avait des personnalités de l’opposition et de la majorité, notamment l’ancien président de la République Amine Gemayel qui était assis à côté du commandant en chef de l’armée Michel Sleimane, le chef du PSP Walid Joumblatt et le chef des FL Samir Geagea. Il y avait aussi les ministres démissionnaires, Yaacoub Sarraf et Mohammad Fneich, ainsi qu’une délégation du Hezbollah. Pour la première fois dans l’histoire du Liban, il y avait uniquement deux sièges et non trois censés accueillir les trois hauts responsables du pays ou leurs représentants… C’est que, depuis le 24 novembre dernier, le Liban n’a plus de chef d’État. Deux sièges donc, l’un consacré au Premier ministre, représenté par le ministre de la Défense Élias Murr, et l’autre au président de la Chambre, représenté par le député Antoine Khoury. C’est vers 10h que le cortège funèbre est arrivé à Harissa. Au son des cloches de Notre-Dame du Liban, le cercueil du général el-Hajj a été transporté jusque dans l’enceinte de la basilique. Des soldats, au garde-à-vous, n’ont pas pu réprimer quelques larmes, alors que la foule applaudissait la dépouille mortelle et jetait des pétales de fleurs. L’office religieux a été célébré par le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, en présence de représentants de toutes les communautés chrétiennes du pays. L’épouse et la mère du général assassiné, Laudy et Kafa, sont entrées à la basilique soutenues par des proches. Le fils du général el-Hajj, Élie, a servi une partie de la messe alors que sa fille, Rasha, a lu une intention priant pour l’armée et pour le Liban. Tout au long de l’office religieux, des officiers portant des épées dorées – compagnons d’armes du responsable des opérations de l’armée – ont fait une haie d’honneur autour du cercueil enveloppé du drapeau libanais et où des coussins portant les 26 décorations du général ont été posés. Il pleuvait des torrents quand la dépouille mortelle du général a été sortie de la basilique. « Il faisait aussi mauvais temps quand il s’était marié », soupire la cousine germaine du général el-Hajj, Yvette. « François était comme un frère. Il avait habité un an chez nous, la première année qu’il avait rejoint l’école militaire », raconte-t-elle. Un peu plus loin, Diana a les yeux bouffis. Elle parle avec un fort accent de la montagne. Elle vient de Sofar. « C’était un chic type, un homme d’exception, généreux et altruiste », dit-elle, indiquant : « Nos fils sont copains depuis longtemps… Il traitait mon fils comme s’il était le sien. » Sur le parvis de la basilique, des officiers ruisselant d’eau portent la dépouille mortelle du général el-Hajj. Les militaires jouent la sonnerie aux morts et la marche se poursuit jusqu’au corbillard noir, clairsemé de taches blanches formées par les graines de riz qui avaient été lancées tout au long du trajet. Le cortège funèbre quitte Harissa, le littoral du Mont-Liban et prend la route du Sud. Au Liban-Sud La première étape est à Saïda, où des personnes de toutes les confessions et de tous les courants politiques attendent à l’entrée de la ville. Parmi la foule, des religieuses appartenant à la congrégation des franciscaines missionnaires de Marie, venues de Aïn el-Delb. « Nous sommes ici pour marquer notre respect à l’armée libanaise », indique sœur Najah. « Il faut montrer le respect que nous portons à nos martyrs, car c’est ainsi que l’on marque notre amour pour le Liban », renchérit sœur Colette. Le cortège arrive, on applaudit, on lance du riz et des pétales de fleurs. La scène se répète ainsi dans plusieurs localités du Liban-Sud, de Tyr à Adloun, en passant par Tebnine jusqu’à Bint Jbeil, chef-lieu de caza. À Aïn Ebel, village exclusivement chrétien de la bande frontalière et village natal de l’épouse du général el-Hajj, les habitants se sont massés des deux côtés de la rue à proximité de l’église Notre-Dame. Les lieux sont décorés de rubans blancs et de portraits géants du général. Sur la route de Rmeich, un homme de l’association Offre-Joie indique : « Je me suis déplacé de Beyrouth pour les funérailles en guise de reconnaissance à cet homme et à cette localité du Liban-Sud. » Rmeich, un immense cimetière Rmeich, localité exclusivement maronite située à la frontière israélienne, était comparable à un immense cimetière. Elle ne portait pas le deuil, elle était le deuil même. À voir ses banderoles, Rmeich voulait accueillir l’enfant du pays, comme d’habitude durant cette saison, pour les vacances de Noël. Elle voulait le voir en commandant en chef de l’armée. Il y a quelques semaines, ce village maronite reculé du Liban-Sud rêvait de voir son héros, qui s’était battu à Nahr el-Bared, à la tête de l’armée libanaise. Hier, dès 16h, des femmes, des hommes, des enfants se sont massés à l’entrée du village pour accueillir la dépouille mortelle du général François el-Hajj. Malgré la pluie et le froid, des enfants en bas âge attendaient dans la rue avec leurs petits drapeaux libanais le passage du cortège. Un groupe de plus de soixante pleureuses, toutes vêtues de noir, chantaient des hymnes à la mort tout en marquant le rythme en tapant des mains. Sous les rubans blancs cintrant le ciel de la localité, les scouts de Rmeich portaient chacun une couronne de fleurs en forme d’immense croix. La dépouille mortelle a été portée à bout de bras dès l’entrée du village. Durant plus d’une heure trente, le cortège funèbre formé de milliers de personnes a sillonné le village, sous les feux d’artifice, les pluies de riz et de pétales de fleurs. Des femmes criaient, des gens applaudissaient, la fanfare jouait, les cloches du village sonnaient le glas. Les rues de Rmeich sentaient l’encens et les pétales de fleurs froissées et défraîchies, l’odeur même qui émane souvent des cimetières. Le cercueil du général el-Hajj est accueilli dans les maisons de ses proches par les applaudissements et les cris des femmes. La nuit est déjà toute noire quand le cortège funèbre arrive à l’église de la Transfiguration. Dans un coin du parvis, un immense sapin a été rangé. Les jeunes de la localité l’avaient décoré une semaine avant la mort du général el-Hajj, le plaçant devant l’église. Hier, dans ce coin du parvis, le sapin de Noël de Rmeich avait été transformé. Son étoile avait été remplacée par un drapeau du Liban, ses boules par des drapeaux frappés à l’emblème de l’armée et ses branches étaient cintrées par les rubans blancs du deuil. Patricia KHODER
Sous une pluie battante, le Liban a fait un dernier adieu hier au responsable des opérations de l’armée libanaise, le général François el-Hajj, assassiné mercredi dans un attentat à la voiture piégée. Le pays a vécu une longue journée de deuil, qui a été entamée dès 7h 30 à l’hôpital militaire de Badaro et qui s’est achevée douze heures plus tard à Rmeich, village natal...