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Actualités - REPORTAGE

Reportage À Bagdad, les passionnés du jogging bravent tous les dangers

Courez à deux, soyez prudents et ne vous aventurez pas hors des sentiers battus : ces conseils semblent appropriés à ceux qui trottinent dans la zone verte, l’enclave bétonnée au cœur de Bagdad abritant diplomates, militaires américains et officiels irakiens. « Et faites attention aux obus de mortier », ajoutent les vétérans à l’intention des nouveaux venus. Un avis sans doute légitime: la zone verte, ou zone internationale, est le quartier le plus systématiquement bombardé de la capitale irakienne, mais le risque d’être au mauvais endroit, au mauvais moment, est le même pour ceux qui marchent, conduisent ou courent. Les larges avenues de ce qui fut un des domaines de Saddam Hussein portent les traces de ces attaques meurtrières, mais il semble que ce soit insuffisant pour dissuader les passionnés de la course à pied. Quelques-uns bravent chaque jour l’intense circulation de véhicules militaires, le vrombissement des hélicoptères, les rouleaux de barbelés et les barrages de contrôle pour sacrifier à leur passe-temps sportif. L’expérience en vaut la peine, entre les logis grandioses du dictateur déchu, des monuments à sa gloire et à celle des prouesses militaires irakiennes, le bâtiment éventré du siège du parti Baas et les villas sur les bords du Tigre où vivaient les dignitaires du régime. L’un des lieux les plus prisés des joggers, hommes et femmes en short et tee-shirt, est une vaste perspective sur laquelle Saddam Hussein aimait à organiser des parades militaires. L’esplanade de la Victoire, longue d’un peu plus d’un kilomètre, est interdite à la circulation et elle est bordée de terrains vagues où poussent quelques palmiers. Le lieu, témoin des fastes mégalomaniaques du dictateur, est dominé par une arche immense formée de deux avant-bras portant deux sabres croisés. Les mains qui se lèvent vers le ciel sont celles de Saddam, qui avait voulu que cet arc de triomphe célébrant la victoire sur l’Iran soit également un monument à sa gloire. « C’est le meilleur endroit pour courir, commente Frank Hallen, un militaire américain qui parcourt l’esplanade en petites foulées. Il n’y a pas de circulation et vous pouvez avoir la paix. » Pour les deux jeunes femmes qui courent à ses côtés et préfèrent que leurs noms ne soient pas cités, le problème est les automobilistes qui ralentissent et les abordent. « Nous courons toujours avec un homme, ajoute l’une d’elles. Sinon, nous nous faisons accoster en permanence, et c’est très ennuyeux. » Tous ceux qui viennent ainsi se détendre sur la zone verte ont des souvenirs d’épisodes périlleux à raconter. « Je courais avec un officier de l’armée de l’air lorsqu’un obus de mortier a explosé à côté de nous, raconte un employé de l’ambassade des États-Unis, qui s’identifie seulement par son prénom, David. Nous avons vu un Irakien se réfugier dans une maison et nous l’avons suivi. Nous nous sommes retrouvés face à face avec une famille d’Irakiens qui se demandait ce que nous faisions chez eux. Nous n’avions jamais réalisé qu’il y avait des familles qui vivaient dans la zone internationale. » Chaque premier vendredi du mois, l’ambassade américaine organise une course dans le périmètre du palais qu’elle occupe, avant de déménager bientôt dans un nouveau bâtiment dont la construction a coûté plus de 600 millions de dollars. À 6h, quelque 200 participants s’alignent pour cinq kilomètres de course. « Très peu d’employés de l’ambassade osent sortir du périmètre du palais et s’aventurer dans la zone internationale », poursuit David, derrière des lunettes noires. « Lorsque je leur dis que je vais courir dans la zone verte, ils me prennent pour un héros », dit-il. Mais pour David et les autres, la témérité a des limites. Ils s’en tiennent aux avenues ou à l’esplanade de la Victoire, et évitent de partir en exploration dans ce qui est pourtant l’îlot le plus protégé de la capitale irakienne. Bryan PEARSON (AFP)
Courez à deux, soyez prudents et ne vous aventurez pas hors des sentiers battus : ces conseils semblent appropriés à ceux qui trottinent dans la zone verte, l’enclave bétonnée au cœur de Bagdad abritant diplomates, militaires américains et officiels irakiens. « Et faites attention aux obus de mortier », ajoutent les vétérans à l’intention des nouveaux venus.
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