Protéger l’avenir

Nos dirigeants, qui se considèrent comme étant des politiciens à l’esprit avisé, devraient savoir que le Liban a toujours un rôle régional important à assumer, et cela dans tous les domaines. Ils devraient savoir aussi que des parties tentent par tous les moyens de nous diviser, jusqu’à même, si nécessaire, nous détruire afin de nous enlever le privilège d’une présence effective et grandissante sur les marchés de la région. Les risques politiques sont bien réels et la présente situation, créée par la question d’une présidentielle qui, en définitive, relève de la compétence du Parlement, est désastreuse. Cela pourrait conduire à un désastre irrémédiable qui nous ferait perdre les avantages patiemment accumulés tout au long des seize années passées et mettrait en péril l’avenir même du pays. À cet égard, il me semble opportun de citer le livre de Ghassan Tuéni, Une guerre pour les autres, contenant un appel à la raison inspiré de sa sincérité et de son expérience. Dans cet ouvrage donc, dédié à son fils Gebran dont la mémoire demeure vivace dans le cœur de tous les Libanais, l’auteur nous donne une vision précise de la situation sur laquelle nous devrions méditer si nous avons à cœur la sauvegarde de notre pays. Il faut souhaiter que se produise le plus rapidement possible une entente entre nos leaders afin d’assurer l’élection, dans les meilleures conditions, d’un nouveau président de la République, mais aussi l’avènement d’un gouvernement nouveau, comprenant des ministres compétents, capables d’assumer leurs obligations et donc d’être à la hauteur de la mission qui leur incombe. Après les terribles épreuves qu’il vient de connaître, le Liban a prouvé sa capacité à retrouver sa place de carrefour du monde des affaires en raison de la qualité des services irremplaçables qu’il peut assurer et de l’existence du marché représenté par une entreprise de reconstruction dont le coût est évalué à quelque 30 milliards de dollars. Il nous revient ainsi qu’actuellement, de nombreux promoteurs étrangers sont en train de se porter acquéreurs, à des prix forts, des terrains, des immeubles et des complexes commerciaux situés en plein centre de Beyrouth et dans la périphérie de la capitale. Il serait nécessaire de mentionner les données essentielles qui, à notre avis, favorisent le marché local : – En général, l’industrie libanaise fournit à l’exportation un produit de qualité apprécié et à un prix compétitif. – La réputation des bureaux d’études et d’entreprises est considérée bonne en ce qui concerne leur compétence dans les domaines de la recherche, l’analyse, la création, la réalisation, etc. – Le secteur bancaire est régi par des lois et/ou règlements qui rassurent les hommes d’affaires étrangers dans leurs échanges et les encouragent à développer leurs opérations avec le Liban. – Enfin, le Liban n’est certainement pas considéré comme engagé dans une guerre qui porterait préjudice à des pays directement impliqués dans un tel conflit. À notre avis, trois des pays du Moyen-Orient et du Golfe ont subi de lourdes destructions occasionnées par la guerre : l’Irak, le Koweït et le Liban. Les pays de la région peuvent être classés en deux groupes bien distincts : ceux détruits par la guerre et les autres, dont l’évolution se poursuivra au rythme habituel, selon leur capacité ou moyens. Il est difficile en ce moment d’avancer une estimation des travaux de reconstruction qui se chiffreraient en milliards de dollars. Mais ce qui est certain, c’est que des groupes appartenant à différents pays sont déjà formés et en pleine activité pour évaluer les contraintes financières et économiques. Ces équipes, dont l’expérience est basée sur des méthodes et des moyens de calcul sophistiqués, constituent une entité intégrée d’ingénieurs, d’économistes, d’analystes financiers et de techniciens dans toutes les disciplines. D’où la nécessité, malgré la conjoncture actuelle, de préparer dès à présent la mise en place d’une « cellule » dynamique capable d’analyser le risque, d’informer, d’introduire et d’aider à la concrétisation des affaires dans les deux secteurs privé et public. Rudolph A. MANASTERSKI Ancien conseiller à la réforme de l’État