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Actualités - REPORTAGE

Reportage Camp Cropper : une prison américaine « modèle »

En file indienne, des hommes en combinaison jaune marchent pas à pas le long d’une barrière de barbelés. Leurs pieds et mains sont enchaînés. Bienvenue à Camp Cropper, l’une des deux immenses prisons gérées par l’armée américaine en Irak. À peine descendus d’un minibus, les nouveaux arrivants savent ce qui les attend. Mains sur la tête, encore en vêtements civils, les futurs pensionnaires sont immédiatement pris en main par les soldats américains. « Une trentaine de nouveaux détenus arrivent chaque jour à Camp Cropper », explique le lieutenant-colonel Malcolm McMullen, l’un des commandants de cette immense prison militaire installée près de l’aéroport de Bagdad. La visite était organisée par l’armée et il n’a pas été permis de parler aux prisonniers. La plupart d’entre eux y restent en moyenne 311 jours, avant d’être libérés s’ils sont reconnus innocents, selon les statistiques de l’armée américaine. Près de 26 000 personnes sont actuellement détenues en Irak par les forces américaines : 4 000 à Camp Cropper et 22 000 à Camp Bucca, près de Bassora (Sud). Dissimulé derrière des murailles de sacs de sable et d’imposantes clôtures de barbelés, Camp Cropper se divise en quatre blocs de béton gris : l’un pour les détenus « extrémistes », un autre pour les « modérés », un troisième pour les mineurs et un dernier pour les prisonniers « spéciaux », essentiellement des combattants étrangers. Les nouveaux arrivants sont dirigés vers de vastes tentes. Déshabillés, ils pénètrent dans une « chambre des cicatrices », où on vérifie vigoureusement chaque marque sur leur corps. Chaque prisonnier reçoit alors son inévitable combinaison jaune, des sandales en plastique, des couvertures en laine, une brosse à dents et du dentifrice. Il doit ensuite passer à l’identification biométrique, avec empreintes digitales et photos des yeux. Une dizaine de soldats américains s’affairent entre les prisonniers. Les murs sont recouverts d’affiches en arabe intitulées : « Faire et ne pas faire », les règles de conduite à observer dans la prison. « Il est autorisé d’être propre, il est interdit de posséder un couteau ou de corrompre ses gardiens », résume en souriant un interprète irakien. Les données collectées permettront de suivre à la trace les détenus libérés, en cas de récidive. « Mais ces récidives sont rares », assure un officier. Les prisonniers subissent ensuite un examen médical complet, avec radio des poumons pour détecter les cas de tuberculose. Comme n’importe quelle prison, Camp Cropper dispose d’une infirmerie. Le malade y reçoit un « traitement identique à celui d’un soldat américain », affirme le lieutenant-colonel McMullen. À l’intérieur, quelques prisonniers attendent la consultation, assis tranquillement sur un banc. Un colosse a une attelle à la jambe. Sur un lit, un autre a le ventre bandé. D’une simple prison, l’armée américaine voudrait faire également de Camp Cropper un centre de réhabilitation modèle préparant au retour à la vie civile. Certains détenus peuvent recevoir la visite de leur famille dans une grande pièce rectangulaire, avec parloirs vitrés et téléphones au mur. Chaque jour, 48 prisonniers y parlent avec leurs proches, selon l’armée américaine. D’autres prisonniers suivent un programme éducatif pour lutter notamment contre « l’extrémisme ». « Nous voulons les changer de l’intérieur. Faire qu’ils ne soient plus une menace », explique le général Douglas Stone, qui dirige les prisons américaines en Irak. Le prisonnier est informé régulièrement des raisons de son maintien en détention et peut à cette occasion exprimer son opinion. « Cela n’a jamais été fait auparavant. Nous avons compris que beaucoup de prisonniers étaient furieux car ils ne comprenaient pas pourquoi ils étaient derrière les barreaux. » Le commandement américain se dit cependant inquiet du nombre croissant de mineurs détenus : d’une centaine au début de l’année, ils sont désormais près de 950. Reconnaissables à une combinaison rouge, ces adolescents, détenus pour avoir pris part à l’insurrection, sont séparés du reste des prisonniers. Jay DESHMUKH (AFP)
En file indienne, des hommes en combinaison jaune marchent pas à pas le long d’une barrière de barbelés. Leurs pieds et mains sont enchaînés. Bienvenue à Camp Cropper, l’une des deux immenses prisons gérées par l’armée américaine en Irak.
À peine descendus d’un minibus, les nouveaux arrivants savent ce qui les attend. Mains sur la tête, encore en vêtements civils, les futurs...