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Actualités - CHRONOLOGIE

Droits de l’homme - Human Rights Watch a publié hier son rapport sur les réfugiés Misère ou prison, le triste destin des Irakiens au Liban

Des milliers d’Irakiens réfugiés au Liban vivent dans la peur d’être forcés à retourner dans leur pays, ravagé par la violence, ou de rester sous les verrous pour une période indéterminée, indique un rapport de l’ONG Human Rights Watch publié mardi. Le rapport, qui dresse un tableau exhaustif de la situation des réfugiés irakiens, dénonce l’exploitation dont ils sont victimes, par leurs employeurs, leurs sponsors et les propriétaires d’appartements. S’il estime que les autorités libanaises font preuve de tolérance à l’égard de ces personnes, forcées de fuir leur pays à cause de la guerre et des attentats réguliers, il relève qu’elles n’ont rien fait en revanche pour légaliser cette tolérance, qui reste aléatoire en l’absence de textes légaux. Human Rights Watch souligne aussi la responsabilité de la communauté internationale à l’égard des réfugiés irakiens. Dans ce document de 66 pages intitulé « Pourrir ici ou mourir là-bas : les tristes choix des réfugiés irakiens au Liban », l’organisation accuse les autorités libanaises d’arrêter les réfugiés irakiens sans visa valable et de les détenir « indéfiniment pour les obliger à retourner en Irak », à leurs frais. « Les personnes qui entrent illégalement au Liban dans le but de fuir les persécutions ou celles qui entrent avec un visa mais qui restent au-delà de la période de séjour accordée sont traitées comme des immigrés clandestins et sont arrêtés, emprisonnés, refoulés ou payent des amendes », relève le rapport, même s’il estime qu’« en pratique, les autorités libanaises ont fait preuve d’une tolérance à l’égard de la présence irakienne ». « Les Forces de sécurité intérieure n’arrêtent pas systématiquement les Irakiens qui n’ont pas de cartes de séjour ou de visas d’entrée au Liban sur leurs passeports. Le Liban n’a cependant pas reconnu officiellement le droit des Irakiens qui ont besoin d’une protection internationale à être présents sur leur sol et n’ont pas adopté les décisions nécessaires pour que ces personnes ne soient pas arrêtées », explique Human Rights Watch. Ainsi, alors que des Irakiens, sans papiers officiels, sont autorisés à poursuivre leur chemin au niveau de certains barrages de l’armée ou de la police, d’autres sont arrêtés, jugés « sommairement » et emprisonnés pour entrée illégale au Liban. Le rapport déplore l’incarcération des réfugiés irakiens avec des détenus de droit commun, mais signale qu’ils sont bien traités par les gardiens de prison. À cause de cette situation, les 50 000 réfugiés qui se trouvent au Liban vivent dans l’incertitude et la peur constante d’être arrêtés, affirme le rapport. « Un choix répugnant » « Les réfugiés irakiens au Liban (...) se voient offrir un choix répugnant : ou bien rester en détention indéfiniment ou accepter de retourner à leur pays. C’est un choix qui ne mérite pas son nom », dénonce l’organisation de défense de droits de l’homme, après avoir expliqué que selon la procédure juridique libanaise, les réfugiés qui ont purgé leur peine sont pris en charge par la Sûreté générale. Selon le rapport, les Irakiens sont surtout victimes de l’incohérence des textes juridiques libanais. Comme le Liban ne refoule pas les personnes dont la vie ou la liberté seraient en danger dans leur pays d’origine, la Sûreté générale ne les libère pas, sauf s’ils acceptent de retourner de leur propre gré en Irak, ou si un employeur les cautionne et régularise leur situation. « Mais en les plaçant devant ce choix, le Liban pratique en réalité le refoulement », note le rapport. Beaucoup d’Irakiens choisissent toutefois de rester en prison plutôt que d’avoir à rentrer chez eux, quoique les conditions d’emprisonnement soient déplorables : lorsqu’ils purgent leur peine, les réfugiés doivent normalement être transférés à la prison de la Sûreté générale, mais comme celle-ci est normalement bondée, ils restent à Roumieh où ils sont plusieurs à partager une cellule exiguë. Selon l’organisation, 580 réfugiés irakiens sont aujourd’hui en prison au Liban, qui n’est pas « membre de la Convention des Nations unies sur le statut des réfugiés de 1951 et (...) qui n’a aucune loi concernant les réfugiés ». Human Rights Watch estime que « le Liban se doit d’adopter une différente approche concernant la présence de réfugiés irakiens dans le pays. Il doit leur offrir la protection dont ils ont besoin et adhérer à la convention de l’ONU avant de promulguer des lois relatives à la présence de réfugiés. Le Liban devrait tout au moins délivrer aux réfugiés enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) des permis de circuler. Conformément aux lois internationales sur les réfugiés, il ne devrait pas sanctionner les Irakiens entrés illégalement au Liban ou les poursuivre en justice. Membre du Pacte international des droits civils et politiques, il devrait aussi cesser de soumettre les réfugiés irakiens à une détention à durée illimitée ». Pour Human Rights Watch, les autorités judiciaires libanaises ont un rôle important à jouer à ce niveau. « Survivre au Liban » « Survivre au Liban » est le titre d’un chapitre du rapport qui relate les conditions de vie des Irakiens, au plan social. « Les réfugiés irakiens font face à de nombreux obstacles dans leurs tentatives de réaliser une autosuffisance. Du fait même qu’ils n’ont pas de statut légal et en raison des risques d’arrestation, ils sont vulnérables à l’exploitation et aux abus. Dans leurs efforts de relever ces défis, ils essaient de s’adapter à des situations qui sapent davantage leur dignité », affirme Human Rights Watch, en expliquant que les réfugiés organisent leur vie de manière à diminuer au minimum les risques d’arrestation. « Plusieurs parmi eux se sont installés dans la banlieue sud de Beyrouth. Ceux-là se sentent relativement en sécurité du moment que les autorités libanaises ne s’aventurent pas généralement dans cette région contrôlée par le Hezbollah. Pour éviter d’être arrêtés, les réfugiés irakiens évitent de sortir de ce secteur », poursuit le texte qui cite le témoignage d’un réfugié : « Je suis au Liban depuis 11 ans et je m’éloigne rarement de la banlieue sud. Vous pensez que nous sommes libres, mais nous sommes en fait en prison. » « Parce que les femmes risquent moins que les hommes d’être arrêtées, le plus souvent, ce sont elles qui travaillent et leurs époux, pères ou frères restent à la maison », indique le rapport, soulignant que cette même peur des arrestations empêche les Irakiens de solliciter l’assistance des autorités libanaises lorsqu’ils en ont besoin. Un réfugié n’a pas pu ainsi enregistrer la naissance de son fils auprès de l’ambassade de son pays, parce que celle-ci lui avait demandé un certificat de naissance authentifié par le ministère des Affaires étrangères. Une mère de famille n’a pas pu porter plainte auprès de la gendarmerie pour le viol de sa fille, parce qu’elle avait peur de se retrouver en prison, comme elle n’avait pas de papiers. Un jeune adolescent qui s’est fait renverser par un chauffard et qui a eu la jambe fracturée n’a pas porté plainte pour les mêmes raisons et il a perdu de surcroît son travail. Certains patrons tirent profit de la situation illégale des réfugiés irakiens et de l’absence de toute voie de recours en cas de violation de leurs droits. « Ces derniers sont contraints de travailler pour des salaires inférieurs à ceux qui sont donnés aux Libanais qui exercent la même activité. Parfois, les employeurs refusent même de leur payer leurs salaires (...). Le salaire minimum au Liban est de 300 000 livres (200 dollars). Certains réfugiés sont payés moins que cette somme. Certains patrons, sachant à quel point leurs employés souhaitent désespérément être en règle, réclament des frais pour cautionner une demande de régularisation de situation et obligent ces derniers à verser eux-même à la Banque de l’habitat la caution de 1 000 dollars qu’ils sont censés eux-mêmes payer », déplore Human Rights Watch qui cite un employé : « Mon sponsor était une femme. Je travaillais pour elle. J’ai payé 1 000 dollars à la Banque de l’habitat et j’ai donné 300 dollars de “récompense” à la dame. Mon application a été refusée et mon sponsor a refusé de me remettre les 1 300 dollars. » En raison de cette même situation, les réfugiés irakiens n’ont pas accès facilement aux soins de santé et ont des difficultés à faire scolariser leurs enfants, même s’ils bénéficient de l’aide de plusieurs ONG, explique aussi Human Rights Watch. Tout en invitant le Liban à prendre une série de mesures pour venir à bout de ces problèmes, l’ONG met l’accent également sur la responsabilité de la communauté internationale, qu’elle invite notamment à fournir une assistance financière aux organes des Nations unies qui s’occupent de ces personnes, ainsi qu’aux gouvernements des pays qui les accueillent. Elle cite particulièrement les États-Unis et la Grande-Bretagne, dont l’intervention militaire en Irak a été à l’origine du problème et les invite à accueillir sur leur sol les réfugiés en danger de refoulement.
Des milliers d’Irakiens réfugiés au Liban vivent dans la peur d’être forcés à retourner dans leur pays, ravagé par la violence, ou de rester sous les verrous pour une période indéterminée, indique un rapport de l’ONG Human Rights Watch publié mardi. Le rapport, qui dresse un tableau exhaustif de la situation des réfugiés irakiens, dénonce l’exploitation dont ils sont...