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FESTIVAL MP 5 - Le Brésilien Bruno Beltrao et sa troupe au Madina Danses de rue hybrides

Marcher les bras ballants, les épaules incurvées, l’allure nonchalante. Puis, comme piqué aux orteils par un hamster, bondir dans tous les sens. La Street Dance, c’est une attitude, un pas, une gestuelle. Et la compagnie brésilienne Grupo de Rua de Niteori maîtrise ces codes suffisamment bien pour insuffler à ses spectateurs un vent de dynamisme joyeusement communicatif. Mais attention, Bruno Beltrao et ses quatre compères ne se limitent pas à faire exploser leur peps sur scène. Ils déconstruisent aussi (et surtout) avec beaucoup d’ironie les codes et clichés de la danse urbaine. Ils nous ont ainsi offert, dans le cadre du festival d’art contemporain Meeting Points 5 (en collaboration avec Ashkal Alwan et le Young Arab Theater Fund), un spectacle en trois actes à la fois drôle, tendre ou féroce. Une plongée dans l’univers viril et explosif du hip-hop et de la Street Dance, qui s’accompagnait, cerise sur le gâteau, de réflexions philosophiques. «Le hip-hop a mis sur orbite un vocabulaire riche et innovant. Il nous faut maintenant mettre le hip-hop en crise. En distanciant et disséquant son vocabulaire, on peut découvrir de nouvelles esthétiques. » Voilà le credo de Bruno Beltrao. Depuis sept ans, ce jeune chorégraphe brésilien cherche à ériger des passerelles entre une danse de rue « toilettée » de ses stéréotypes et l’atmosphère expérimentale de la danse contemporaine. Par ce biais, il voudrait également affirmer sa croyance dans la possibilité d’une rencontre entre la rue et la philosophie. Le résultat prend la forme d’une danse hybride, énergisante et originale. Le tout sur un ton (pas si) gentiment moqueur. Car le chorégraphe aurait aussi, durant ses recherches, découvert qu’une certaine manière d’organiser le plateau génère, la plupart du temps, un résultat ironique. Un résultat non délibéré, mais n’est-ce pas grâce à cette ironie-là qu’il arrive, justement, à mettre en crise et en question des situations précises, des convictions et des événements. Trêve de palabres, voyons ce qui nous a été présenté sur les planches du Madina. Premier acte : Too Legit to Quit, une chorégraphie impliquant cinq danseurs et qui, à sa création en 2002, a marqué un nouveau tournant dans la démarche artistique du groupe. C’est en assistant à The Show Must Go On de Jérôme Bel et en voyant tous les clichés de la culture pop recomposés de façon critique, solennelle et humoristique que Bruno Beltrao a voulu faire la même chose avec le hip-hop : identifier les éléments et exposer leurs contradictions. Il s’est donc lancé dans cette tentative : élaborer avec quatre autres danseurs ayant chacun son style et sa couleur leur propre position critique. Le quintet martèle les planches à force de Popping, de Brazilian Dance, de Top Rock, de Foot Work et de Power Dance, sur les rythmes de la chanson de MC Hammer, Too Legit to Quit. « Du Popping au pop » C’est pour donner un nouveau visage au hip-hop que Beltrao a créé From Popping to pop or vice versa. C’est qu’il en avait marre de « tous ces moyens de communication de masse, décatis, qui traitaient de tout superficiellement, y compris du hip-hop ». Fort de son expérience à la faculté de danse de l’Université de Rio, il déconstruit les phrases de la Street Dance, abusant de répétitions et de silences successifs. Lorsque la musique passe, les deux danseurs sont accroupis à même le sol. Lorsque la musique se tait, les deux fauves bondissent et exécutent leur numéro. Ressources éculées en danse contemporaine, elles n’avaient jamais été exploitées dans le hip-hop. Le duo final Me and my Choreographer in 63, qui est plutôt un solo accompagné, est né d’une expérience particulière. Bruno Beltrao s’est inspiré de la personnalité d’un de ses danseurs, Eduardo Hermanson, dit Willow. « Face à sa manière peu commune d’organiser ses pensées, à sa façon étonnante et unique de bouger, à ses problèmes personnels – très inhabituels pour un garçon de son âge – je ne cessais de me demander quelle était la relation entre tous ces éléments et comment sa vie pourrait être transformée en danse riche et ouverte. J’étais en train de discuter avec lui dans une chambre d’hôtel de São Paulo et j’ai commencé à enregistrer à son insu tout ce qu’il disait. » Ensuite, il a juxtaposé en scène sa voix et sa danse. Avec cette danse, le chorégraphe a voulu montrer au public « comment établir des connexions entre une façon physique de se mouvoir et une façon orale de verbaliser ses idées philosophiques ». Ah Platon, quand tu nous fais danser… Maya GHANDOUR HERT
Marcher les bras ballants, les épaules incurvées, l’allure nonchalante. Puis, comme piqué aux orteils par un hamster, bondir dans tous les sens.
La Street Dance, c’est une attitude, un pas, une gestuelle. Et la compagnie brésilienne Grupo de Rua de Niteori maîtrise ces codes suffisamment bien pour insuffler à ses spectateurs un vent de dynamisme joyeusement communicatif. Mais...