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Actualités - REPORTAGE

LIBAN-SUD - Chebaa est le poste d’observation le plus élevé des Casques bleus Depuis neuf ans, le contingent indien de la Finul œuvre pour la sécurité et le bien-être de la population

Des cours de yoga, des leçons d’anglais et d’informatique, un vétérinaire au chevet des troupeaux et la sécurité à la frontière. Comme tous les contingents de la Finul déployés au sud du Litani, les Casques bleus indiens ne se contentent pas de leur mission de maintien de la paix à la frontière. Ils misent aussi sur l’action humanitaire. Présents au Liban avant l’adoption de la 1701, leur nombre a augmenté depuis septembre 2006. Aujourd’hui, 850 soldats indiens appartenant au bataillon d’infanterie du Pendjab sont déployés dans le secteur est, de Ibl el-Saki jusqu’à Chebaa. À Chebaa, le contingent indien est chargé du poste le plus élevé et probablement le plus reculé de la Finul. À partir de ce point d’observation stratégique, on peut distinguer des bornes peintes en bleu. Ce sont des pierres posées par les équipes conjointes de l’armée libanaise et de la Finul pour délimiter la ligne bleue. Ce marquage, au niveau de Chebaa, a été récemment effectué. C’est à partir de ce point d’observation que l’on réalise que le fil barbelé placé tout le long de la frontière entre le Liban et Israël ne constitue pas tout le temps la ligne bleue. Parfois, ce barbelé se trouve à l’intérieur du territoire israélien et non sur la ligne frontière entre l’État hébreu et le Liban, comme c’est le cas à proximité de plusieurs localités frontalières du Liban-Sud. Depuis la fin de la guerre de juillet 2006, l’armée libanaise est déployée dans ce secteur de Chebaa. L’une de ses positions se trouve au pied de la colline qui abrite celle de la Finul indienne. Un peu plus loin, à proximité de la frontière, un poste d’observation tenu par le Hezbollah – depuis le retrait israélien en 2000 jusqu’à la guerre de l’année dernière – n’existe plus. Toujours à partir de ce poste tenu par le contingent indien de la Finul, on distingue parfois de l’autre côté de la frontière des patrouilles de la Fnuod (Forces des Nations unies chargées d’observer le désengagement), créée en juin 1974 et déployée sur le Golan. Cette position inspectée au printemps dernier par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, n’est pas la seule tenue par le contingent indien à Chebaa. Dans le village, un groupe de soldats occupe la maison qui avait été habitée de 1969 à 1973 par le chef de l’OLP, Yasser Arafat, qui menait sa guerre contre Israël à partir du Fatehland libanais. C’est un brin de fierté dans la voix que l’officier indien chargé de la position raconte qu’il a choisi de dormir dans la même chambre qu’occupait Abou Ammar. Médecin, dentiste et vétérinaire Toujours à Chebaa, l’équipe médicale indienne, constituée de deux médecins et d’un dentiste, se rend tous les lundis dans le dispensaire de la localité. Depuis septembre 2006, les spécialistes indiens ont traité 2 301 patients. Le centre médical construit en 1982 a déjà accueilli d’autres équipes de médecins étrangers, notamment des Casques bleus norvégiens de la Finul qui étaient chargés de la zone avant l’arrivée du contingent indien. Le dentiste du contingent indien, le commandant Parag Dua, indique que ses patients ont des caries et des infections de la gencive. Parfois aussi ils ont besoin de dentiers. Ces derniers sont fabriqués dans le laboratoire médical, situé au quartier général du contingent indien à Ibl el-Saki. Un projet pour la fabrication de prothèses dentaires en céramique au QG du contingent indien est actuellement en cours d’étude. À Chebaa, l’un des médecins indiens, qui est une jeune fille, ausculte femmes et enfants. Ici, le travail des médecins de la Finul augmente en été. Ainsi, pour le seul mois de juillet, 290 personnes se sont faites soigner dans le dispensaire de la localité. Le commandant Sumit Sharma, responsable de la presse au sein du contingent, explique que l’équipe médicale de son pays se rend au moins une fois par semaine à Ibl el-Saki, Fardis, Kawkaba, Habbariyé, Halta, Rachaya al-Fakhar, Chebaa, Kfar Hamam, Kfarchouba, Mazraat Islamiya, Kunba et Bourhoz. Elle est accueillie dans des locaux mis à sa disposition par la municipalité. Elle reçoit également des patients au QG d’Ibl el-Saki. Depuis le déploiement de la Finul en 1978, le contingent indien, qui a remplacé les Casques bleus norvégiens en 1999, a été le premier à compter parmi ses militaires un officier vétérinaire, le commandant Shailender Kumar Chaubey. Le commandant Chaubey connaît quasiment tous les bergers et les propriétaires d’animaux domestiques dans la zone de déploiement de son contingent. Tous les jours, accompagné notamment d’un assistant et d’un traducteur, il effectue des visites médicales dans les étables et les bergeries de la région. Il a même écrit un manuel destiné aux propriétaires de troupeaux. Le commandant Chaubey a rédigé son livre en anglais. Il a été ensuite traduit vers l’arabe par le traducteur du contingent. Le manuel a été remis au directeur général du ministère de l’Agriculture et il devrait être prochainement distribué aux habitants intéressés. Évoquant son expérience depuis son arrivée au Liban, il y a presque un an, le commandant Chaubey indique : « Les gens traitent leurs animaux avec beaucoup de tendresse et d’affection, mais ils ne savent parfois pas prendre les précautions nécessaires pour ne pas contaminer tout un troupeau si une chèvre ou une brebis est malade. » Il raconte que depuis son arrivée au Liban-Sud en décembre dernier, il a traité 13 000 bêtes. Le vétérinaire parle du manuel qu’il a écrit : « Il s’agit de conseils sur la gestion sanitaire des troupeaux. Le livre contient des informations utiles relatives à plusieurs sujets, notamment la grossesse, les parasites, le traitement des pattes des animaux… », explique-t-il. Les cours de yoga Le contingent indien s’occupe également, à l’instar de la plupart des Casques bleus présents au Liban-Sud, du déminage de la région et du désamorçage des bombes non explosées. Les soldats aident aussi les habitants à reconstruire ce qui a été détruit, ou encore ils exécutent de nouveaux projets dans les villages. Le commandant Sumit Sharma cite dans ce cadre les projets à impact rapide exécutés par la Finul. Dans ce cadre, des canalisations ont été mises en place dans certains villages, des jardins publics et des espaces de jeux destinés aux enfants ont été construits dans plusieurs localités, notamment à Chebaa et à Fardis. La culture et l’éducation ne sont pas oubliées. Les soldats du contingent indien ont donné, dans nombre de villages, des leçons de langue anglaise ainsi que des sessions informatiques, notamment à Fardis, à Kfarhamam et à Kfarchouba. Dans chaque village, les classes étaient constituées de 30 à 40 personnes. Le contingent indien enseigne aussi une discipline de son pays aux habitants de la bande frontalière : le yoga. Les cours ont commencé l’année dernière dans une école de Fardis. Dispensés tous les matins par des soldats moniteurs, ils étaient initialement destinés aux jeunes élèves. La discipline indienne aide les jeunes à se concentrer, à se calmer et à avoir donc de meilleurs résultats scolaires. L’été dernier, des cours ont été dispensés tous les jours aux habitants d’Ibl el-Saki. Dans les villages, l’initiation au yoga est surtout suivie par les femmes et les jeunes en quête de spiritualité… et d’exercices physiques. Le contingent indien continuera à assurer la sécurité de la bande frontalière conformément à la 1701. Il poursuivra aussi son action humanitaire auprès de la population du Liban-Sud. L’unité indienne, actuellement postée dans le secteur est, est la neuvième du bataillon d’infanterie de Pendjab à se déployer au Liban-Sud depuis 1999. « Avant l’adoption de la 1701, nous étions 650 soldats à couvrir une zone plus large. Maintenant nous sommes à 850 soldats et la zone compte désormais un bon nombre de contingents », souligne en conclusion le commandant Sumit Sharma. Les prothèses de Jaipur Au cours du printemps dernier, 123 personnes, notamment des victimes de mines antipersonnel originaires du Liban-Sud, ont profité des membres artificiels de Jaipur. C’est à l’initiative du contingent indien déployé dans le secteur que le projet a été possible. La troupe a encouragé le séjour au Liban de cinq experts de Jaipur, spécialisés dans les prothèses. Elle a également réussi à trouver le financement nécessaire qui a été assuré par la Maison de la finance arabe. L’année dernière, le contingent indien a aidé les victimes de mines antipersonnel avec 22 jambes artificielles de Jaipur. Les prothèses sont fabriquées au Rajasthan, en Inde. Elles ont été créées par un habitant, Ram Charan Sharma, venant d’une famille de sculpteurs. Avec l’aide d’un chirurgien orthopédique, le Dr Sethi, il a pu lancer en 1968 ces membres artificiels fabriqués à partir de plastique, de bois et d’aluminium. Mais cette invention est restée presque inconnue jusqu’à la guerre d’Afghanistan en 1975, quand la Croix-Rouge internationale a découvert que les prothèses de Jaipur étaient les meilleures pour les handicapés des montagnes afghanes. C’est que ces membres artificiels sont très légers, ils permettent à ceux qui les utilisent de courir, grimper sur les arbres et pédaler sur leurs bicyclettes. Les prothèses ne coûtent pas cher. En Inde, le prix d’une jambe fabriquée au Rajasthan varie entre 20 et 28 dollars. Le quinzième bataillon d’infanterie du Pendjab Depuis neuf ans, des unités du quinzième bataillon du Pendjab se relaient au Liban-Sud. Dans l’armée indienne, ce bataillon est l’un des plus importants, car il a été le premier à se déployer hors de l’Inde et à prendre part à des guerres au-delà des frontières du pays. Fondé par Baba Alla Singh le 13 avril 1705, dans un village appelé Mehraj, au Pendjab, ce bataillon est composé uniquement de soldats de la communauté sikh. Initialement appelé l’armée de Patiala, le quinzième bataillon d’infanterie du Pendjab est le plus ancien et le plus décoré de l’armée indienne. Le Liban est la huitième mission étrangère de ce bataillon, qui s’est battu à l’étranger durant les deux guerres mondiales. L’unité, constituée de 850 hommes déployés au Liban-Sud, est dirigée par le colonel Advitya Madan. Patricia KHODER
Des cours de yoga, des leçons d’anglais et d’informatique, un vétérinaire au chevet des troupeaux et la sécurité à la frontière. Comme tous les contingents de la Finul déployés au sud du Litani, les Casques bleus indiens ne se contentent pas de leur mission de maintien de la paix à la frontière. Ils misent aussi sur l’action humanitaire. Présents au Liban avant...