Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

SOCIÉTÉ - Au Liban, les cas sont rares à moins qu’ils ne soient maquillés en suicides ou accidents Crimes d’honneur : l’injustice absolue que continuent de subir les femmes Nada MERHI

L’histoire se déroule au Liban, à la fin des années 1990. Une femme musulmane du Mont-Liban, que l’on appellera Mona, obtient son divorce quelques mois après son mariage. Aisée, ayant une carrière professionnelle réussie, elle a pu prendre son indépendance et retourner au foyer familial. Après le divorce, son ex-mari l’accuse d’avoir une relation avec un homme et soulève ses parents contre elle. Alarmés, ces derniers l’ont observée de plus près, guettant ses moindres gestes. De son côté, Mona réclamait sa liberté et son droit à refaire sa vie, d’autant qu’elle est divorcée, donc ne dépendant d’aucun homme. En vain. Mona ne réussit pas à convaincre sa famille de son droit à mener une vie normale selon ses propres critères. Un jour, au terme d’une longue dispute qui a tourné à la violence, elle décide de quitter la maison de ses parents. Elle range ses affaires, saisit les titres de propriété en son nom. Au moment de franchir le seuil, quinze coups de kalachnikov tirés par un proche lui transpercent le corps. L’histoire de Mona n’est qu’un récit parmi plus de 5 000 crimes dits d’honneur commis par an dans le monde, tel que répertoriés par Amnesty International. L’organisation cite entre autres l’Afghanistan, le Bangladesh, le Brésil, l’Égypte, l’Inde, l’Iran, Israël, la Palestine, la Jordanie, le Liban, le Nigeria, le Pakistan et le Pérou, soulignant que dans les pays occidentaux, ces crimes « se produisent au sein des communautés d’immigrés ». Toujours selon Amnesty International, « il est pratiquement impossible d’évaluer avec précision le nombre de crimes dits d’honneur », d’autant que les victimes « pensent “mériter” la punition, si bien que les témoins ne se manifestent guère et que les décès sont généralement classés parmi les accidents et les suicides ». Au Liban, les crimes d’honneur restent rares et les cas recensés par les Forces de sécurité intérieure se comptent sur les doigts (8 crimes et une tentative d’assassinat en 2005), à moins qu’ils ne soient maquillés en suicides ou accidents. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une pratique répugnante qui reste perpétrée surtout dans les régions éloignées du pays, comme au sein de certaines communautés fermées. Les motifs du crime ? Ils sont nombreux et varient d’une simple conversation avec le voisin à la perte de la virginité en dehors des liens du mariage, en passant par le refus des « avances » du mari et le fait d’avoir été violée… La loi au Liban reste indulgente envers les auteurs des crimes dits d’honneur, leur accordant depuis 1999 les circonstances atténuantes (après avoir été absolutoires dans le passé). Mis à part une fatwa émise récemment par l’uléma Mohammad Hussein Fadlallah, aucune autorité religieuse ou judiciaire n’a condamné ces coutumes. Dans un pays qui se veut moderne et démocratique, comment peut-on encore se taire face à cette pratique barbare et injustifiée envers les femmes ?
L’histoire se déroule au Liban, à la fin des années 1990. Une femme musulmane du Mont-Liban, que l’on appellera Mona, obtient son divorce quelques mois après son mariage. Aisée, ayant une carrière professionnelle réussie, elle a pu prendre son indépendance et retourner au foyer familial. Après le divorce, son ex-mari l’accuse d’avoir une relation avec un homme et soulève ses...