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Depuis plus de 100 jours, une crise aiguë oppose Flamands et Wallons La Belgique risque-t-elle l’éclatement ? Karine JAMMAL

Plus de 100 jours après le début de la crise politique en Belgique, le fossé reste profond entre francophones et Flamands. Alors que les législatives ont eu lieu le 10 juin dernier, une nouvelle coalition gouvernementale n’a toujours pas vu le jour. Les négociations, qui avaient été menées par Yves Leterme, l’homme fort du Parti démocrate-chrétien flamand CDV, sont officiellement suspendues depuis deux semaines, faute d’accord entre Flamands et Wallons sur une nouvelle réforme du très complexe système fédéral belge. Contraint de jouer un rôle de médiateur pour la première fois depuis le début de son règne en 1993, le roi des Belges, Albert II, a confié une mission « d’exploration » pour sortir de la crise à Herman Van Rompuy, l’expérimenté président de la Chambre des représentants. Si le pays continue, malgré tout, à fonctionner sous l’égide du gouvernement sortant de Guy Verhofstadt, la presse internationale ne cesse de rappeler le risque d’un éclatement du pays. Une telle option est-elle envisageable ? Comment sortir de la crise pour éviter le pire ? Un haut responsable belge tente d’apporter des réponses à ces questions brûlantes. La crise belge s’articule autour de deux éléments. Le premier est la langue. Soixante pour cent de la population belge est flamande. Depuis des années, la communauté néerlandophone se sent « lésée » car, dans la capitale, Bruxelles, le français est souvent privilégié, et dans les régions francophones, seule la langue française est employée, notamment en ce qui concerne les panneaux de signalisation ou sur les devantures des magasins. Dans les parties flamandes de ce royaume de 10,5 millions d’habitants, la quasi-totalité des panneaux portait des inscriptions dans les deux langues jusqu’à ce que les autorités flamandes, suite à la crise, retirent toutes les indications en français. Le second élément, fondamental, concerne l’économie. Les régions wallonnes, qui concentraient l’industrie lourde, ont été relativement épargnées par la Seconde Guerre mondiale. Rapidement, la partie francophone de la Belgique a été le théâtre d’un boom économique, alors que le côté flamand recensait les dégâts de la guerre, au nombre desquels la destruction du port d’Anvers. Tous les efforts ont donc été concentrés sur la reconstruction. L’erreur de la Wallonie a été de rester focalisée sur son industrie lourde sans développer une économie fondée sur les technologies modernes. Un manque de prévoyance que la région a payé au début des années 70, quand l’Europe fut touchée par une crise métallurgique. La Flandre, reconstruite et modernisée, a dès lors repris le flambeau de la croissance économique belge. Pour pallier ce déséquilibre entre les deux régions, l’État est intervenu en créant des emplois dans la zone francophone, notamment dans le secteur des chemins de fer, de la poste et de l’aviation avec la création de la Sabena. Ces mesures n’ont pas été suffisantes et la Wallonie est entrée dans une période de stagnation. Les réformes économiques requises par le processus de la construction européenne ont aggravé la situation. Contraint de privatiser de nombreux secteurs, le gouvernement belge ne pouvait plus créer d’emplois artificiellement en Wallonie par le biais de sociétés étatiques. La Flandre s’est donc trouvée dans l’obligation d’injecter de l’argent dans les caisses wallonnes. Une situation à l’origine de frustrations. Aujourd’hui, les Flamands demandent plus d’autonomie pour diriger leur région en ce qui concerne notamment le budget et le système économique et fiscal. Pour réaliser ce projet, une réforme de la Constitution est toutefois nécessaire. Cependant, pour amender la Loi fondamentale, une majorité des deux tiers au Parlement est requise. L’appui des francophones est donc indispensable. « Les francophones sont réticents à un tel amendement pour deux raisons », explique un haut fonctionnaire belge, contraint à l’anonymat en raison de sa position dans l’État. « Premièrement, ils craignent une baisse des ressources financières. Deuxièmement, ils craignent que les minorités francophones dans les enclaves flamandes de Bruxelles soient menacées. Ces minorités bénéficient d’un statut spécial. Alors qu’elles vivent en territoire flamand, elles sont inscrites sur les listes électorales wallonnes, donc votent pour des représentants francophones. Or, dans leurs revendications, les Flamands réclament une révision des arrondissements électoraux, plus précisément des régions francophones protégées », explique-t-il. La Belgique se retrouve donc dans une situation de blocage. Le royaume a déjà connu ce genre de crise, mais auparavant, « on n’était pas arrivé à un tel niveau de stagnation car on pouvait résoudre les crises par un système de compromis », souligne le haut responsable. Cette option a néanmoins engendré une série de mécanismes très compliqués, avec plusieurs Parlements et différentes commissions... « Aujourd’hui, si une des deux parties veut aller plus loin que ce système de compromis, il faudra toucher à toute la structure fondamentale de l’État », ajoute-t-il. Alors que, précisément, les partis politiques flamands se montrent bien plus durs et exigeants que par le passé, comment résoudre la crise ? « Nous avons un problème : notre économie à deux vitesses », note le haut responsable. « Pour commencer, la communauté wallonne doit faire un effort pour rattraper son retard et doit arrêter de prendre pour acquis que les Flamands seront toujours là pour payer. À partir de là, la Flandre sera d’accord pour aider les francophones de façon plus équilibrée et moins automatique », explique-t-il. Vient également se greffer ici la question de la langue. « Les Belges, et tous les Belges, devraient être parfaitement bilingues pour qu’un transfert de services entre les deux parties du pays soit possible. » Alors que la presse internationale brandit régulièrement, depuis le début de la crise, la menace d’un éclatement du pays, ce haut responsable assure que la Belgique « ne disparaîtra jamais ». « Le royaume a déjà traversé des crises similaires, mais cette fois-ci, le tapage médiatique est tout simplement plus fort », souligne-t-il. Selon lui, les politiciens des deux bords n’ont, tout d’abord, pas de volonté réelle de scinder le pays. « Les responsables Flamands souhaitent simplement qu’on se dirige plus vers un vrai État fédéral pour avoir une autonomie fiscale. » Ensuite, la « majorité de la population ne veut pas de rupture ». De plus, la présence des institutions européennes sur le territoire belge représente une certaine garantie contre la division du pays. Enfin, le roi Albert II est toujours considéré comme le grand pilier du système belge, un ciment entre les communautés. Il est respecté par tous en tant que personne et en tant qu’institution. « Albert II joue le rôle important de médiateur et d’arbitre suprême. Aujourd’hui, c’est grâce à lui que tout tient toujours ensemble ! » conclut le responsable.
Plus de 100 jours après le début de la crise politique en Belgique, le fossé reste profond entre francophones et Flamands. Alors que les législatives ont eu lieu le 10 juin dernier, une nouvelle coalition gouvernementale n’a toujours pas vu le jour. Les négociations, qui avaient été menées par Yves Leterme, l’homme fort du Parti démocrate-chrétien flamand CDV, sont...