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Une collaboration franco-libanaise entre l’ONG Santé Sud et l’Unapiei « Chacun sa musique », un film qui sensibilise à la prise en charge de l’autisme Anne-Marie EL-HAGE

Ils présentent des troubles de la communication à tous les niveaux, au niveau verbal, comportemental, visuel, gestuel, relationnel. Ils vivent repliés sur eux-mêmes, répétant inlassablement les mêmes mimiques, les mêmes cris, les mêmes gestes, à l’égard des objets et des personnes qui les entourent. Des gestes ponctués de balancements, d’accès de violence parfois sur eux-mêmes ou envers leur entourage. Ce sont les autistes, enfants ou adultes, que dépeint le documentaire « Chacun sa musique », dans un objectif de sensibilisation des professionnels, des parents et de la société libanaise, à la prise en charge de l’autisme. Un documentaire présenté lundi dernier en avant-première au CCF, réalisé dans le cadre de la collaboration entre l’ONG française Santé Sud et 37 associations libanaises regroupées au sein de l’Unapiei-Liban (Union nationale des associations de parents et d’institutions pour enfants inadaptés), avec le soutien de l’Union européenne, du ministère des Affaires étrangères et de fondations privées, notamment l’entreprise Sanofi-Aventis. Chacun sa musique met des mots sur la souffrance de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte autiste, mais aussi sur la souffrance de sa famille. À travers des scènes tournées dans des centres spécialisés ou en milieu scolaire, des témoignages de parents et des interviews de professionnels, ce documentaire met l’accent sur la nécessité d’effectuer un dépistage précoce de l’autisme, d’avoir recours à un spécialiste et de prendre en charge l’enfant autiste de manière adéquate. L’objectif du dépistage précoce est d’aider l’autiste à devenir le plus autonome possible, à développer ses compétences de communication, ses connaissances académiques ou ses savoir-faire et à s’intégrer, dans la mesure du possible, à la société. « Plus l’autisme est dépisté tôt chez l’enfant, plus il sera possible d’aller vers l’enfant et de l’amener à évoluer », tient à préciser la psychothérapeute Muriel Tyan, chargée de mission à Santé Sud, Liban. «Mais il est important de savoir qu’on ne peut pas guérir de cette maladie, du moins peut-on en traiter les symptômes associés », tient à ajouter le psychiatre Sami Richa. Intégration scolaire totale ou partielle Une précision que les parents d’enfants autistes prennent avec d’autant plus de réserve, qu’il leur est difficile, dans un premier temps, d’accepter cette maladie. « Je sentais que mon fils était différent, mais je refusais de le voir », raconte une mère. Difficile aussi pour les parents d’admettre que leur enfant ne pourra peut-être pas parler, ou lire et écrire, comme tous les enfants de son âge, mais qu’il développera d’autres moyens de communication dans des activités qui lui conviennent. Difficile surtout de n’avoir aucune réponse à la question qui les taraude, inévitablement, « qu’adviendra-t-il de notre enfant à l’âge adulte ? ». « Il existe différentes formes et différents degrés d’autisme », explique encore le docteur Sami Richa, ajoutant que l’intégration de l’autiste dans la société est plus ou moins possible en fonction de son degré d’atteinte. Tout aussi relative est l’intégration de l’enfant autiste en milieu scolaire classique. Une intégration qui peut être totale ou partielle, en fonction de l’aptitude de l’enfant à évoluer et à se développer au sein d’un groupe d’enfants « normaux ». Lynne, une fillette autiste de 4 ans, partage le quotidien des enfants de son âge au sein d’une école maternelle classique, accompagnée d’une auxiliaire d’intégration. Quatre fois par semaine, elle doit cependant quitter la classe pour suivre des séances d’orthophonie et de psychomotricité. Mais contrairement à Lynne, l’intégration d’autres enfants autistes ne sera que partielle. Ils ne pourront suivre qu’un cours bien déterminé dans une matière pour laquelle ils ont une aptitude particulière, comme l’arabe, les maths, le dessin ou la peinture... D’autres encore pourront tout juste partager les jeux des enfants normalement scolarisés, durant les heures de récréation, sous l’encadrement d’adultes spécialisés. « Puis-je prévoir le comportement de mon enfant face à un enfant normal et être sûre qu’il n’aura pas de gestes violents envers lui ? » demande ainsi la mère d’un jeune autiste. « Que dire aux parents de cet enfant à qui mon fils aura fait du mal ? » demande-t-elle encore. Les paroles de cette mère reflètent l’inquiétude ressentie par les parents d’enfants autistes concernant les capacités d’intégration de leur enfant. Une inquiétude que confirment les chiffres fournis par les professionnels : « 75 % des enfants autistes ont un quotient intellectuel inférieur à la norme », indique Muriel Tyan, tout en précisant qu’il existe des autistes de haut niveau qui développent d’importantes capacités dans des domaines bien spécifiques. Preuves à l’appui, le documentaire montre en détail les gestes effectués par un jeune adulte autiste accomplissant, sans aide aucune, un travail délicat de menuiserie, à l’aide d’une scie électrique. Tenir compte des progrès réalisés Une fois le diagnostic posé, l’enfant devra être pris en charge par une équipe pluridisciplinaire qualifiée qui l’aide à évoluer à différents niveaux, notamment aux niveaux de l’autonomie, de la communication, du langage, de la motricité, de l’équilibre, mais aussi intellectuellement. Cette équipe devrait être composée notamment d’orthophonistes, de psychomotriciens, d’éducateurs spécialisés, de psychothérapeutes, parfois aussi de neuro-pédiatres… Et la psychothérapeute d’observer qu’il n’existe pas une seule façon de prendre en charge un enfant autiste, car chaque enfant réagit différemment à chaque approche. « Ce qui compte, ce sont les progrès qu’il réalise et son évolution vers l’autonomie et non pas s’il apprend à parler ou à lire », insiste-t-elle à l’intention des parents, tout en affirmant que plusieurs structures et associations apportent aux parents d’enfants autistes le soutien nécessaire pour les aider à trouver la prise en charge la plus adéquate pour leur enfant. D’autant que face à la maladie de leur enfant, les parents présentent souvent un terrible désarroi. « Nous sentions que notre enfant était différent des autres, mais nous ne savions pas à qui nous adresser. Nous étions réellement perdus », observe le couple Halawé. Sans oublier que nombre de parents ne peuvent toujours assumer les coûts financiers qu’implique une prise en charge individuelle de leur enfant, un grand nombre d’autistes étant incapables d’évoluer au sein de groupes : « Avec mon salaire d’infirmière, comment puis-je assumer les séances individuelles qui coûtent au moins 25 dollars chacune ? » demande la mère d’un enfant autiste. Réunis au sein de l’Association libanaise pour l’autisme, sous la présidence de Mme Halawé, les parents s’épaulent et ont créé une véritable chaîne d’entraide. Une façon pour eux de mieux comprendre leurs enfants et de les aider à traverser les différentes étapes de leur vie. Ils peuvent désormais compter sur le soutien d’associations comme l’Unapiei, ainsi que Santé Sud. L’action de cette dernière est d’ailleurs centrée sur la formation de personnels compétents et elle prévoit la création d’un centre pilote d’accueil, de diagnostic et d’orientation précoce et pluridisciplinaire destiné aux enfants autistes. Les interrogations sont, certes, encore nombreuses, mais au moins les choses se mettent en place pour une prise en charge meilleure, et à une échelle plus large, des autistes du Liban.
Ils présentent des troubles de la communication à tous les niveaux, au niveau verbal, comportemental, visuel, gestuel, relationnel. Ils vivent repliés sur eux-mêmes, répétant inlassablement les mêmes mimiques, les mêmes cris, les mêmes gestes, à l’égard des objets et des personnes qui les entourent. Des gestes ponctués de balancements, d’accès de violence parfois sur...