BEIRUT STREET FESTIVAL - Spectacle déambulatoire d’échassiers français Les Orbilys à Hamra : stupeur et amusement !

On aurait vu, ces derniers jours, deux humanoïdes géants se promener dans les rues de la capitale. Signalés pour la première fois vers 18h30, rue de Verdun, le dimanche 9 septembre, ces deux personnages, hauts de trois mètres chacun, à la tête en forme d’orbite oculaire, se sont également exhibés le lendemain, à peu près à la même heure, rue Hamra, où ils ont provoqué stupeur et fascination chez de nombreux badauds. Serions-nous victimes d’une invasion façon Mars Attack ? En quelque sorte. Sauf que dans ce débarquement-là, les extraterrestres semblent bien intentionnés, porteurs de détente et de rire. C’est ce qu’ont démontré les investigations entreprises auprès des « hamraiens » qui ont vite fait d’adopter ces individus étranges venus d’ailleurs. Phénomène urbain Mais qui sont donc ces humanoïdes montés sur échasses qui se font appeler les Orbilys ? Et que sont-ils venus faire chez nous ? Il s’agit de deux membres d’une troupe française, la compagnie d’Outre-Rue, spécialisée dans les spectacles déambulatoires d’échassiers. Leur objectif : surprendre, étonner, amuser, distraire le passant. Lui voler un sourire. Le soustraire le temps d’une performance, d’un regard, d’un passage, à son quotidien, ses tracas, ses soucis. Et, par ce biais, « interroger les humeurs du globe ». C’est à l’invitation du Beirut Street Festival, en partenariat avec la Bank Of Beirut, qu’ils ont débarqué chez nous. Le Liban, cette presque « planète à part », où le citoyen moyen en a tellement vu des vertes et des pas mûres – surtout des pas mûres ! – qu’il devient très difficile de le surprendre encore, de l’étonner, de l’épater ou même tout simplement de le dérider. Et pourtant, c’est avec beaucoup de facilité que les échassiers à tête d’œil géant, et aux extrémités composées de globes oculaires, se sont « connectés » avec les passants de la rue Hamra, petits et grands, piétons et automobilistes (lesquels ont fait preuve, étonnement, de beaucoup de calme, se montrant plutôt amusés qu’impatients !). Particularisme libanais ? Surplombant la foule d’un pas lent et sûr, ils se sont promenés le long de l’artère provoquant à leur suite un attroupement de curieux. S’arrêtant de temps en temps pour faire un brin de causette, en langage « borborygmique », avec les gens massés autour d’eux, ils ont arpenté la rue d’un côté à l’autre, se plantant même parfois au milieu de la chaussée pour régler la circulation, sous l’œil ébahi de l’agent en place – qui du coup en perdait son sifflet ! – Ils ont également visité certains commerces : un chausseur où, visiblement, ils n’ont rien trouvé à leur taille ; le comptoir d’une banque, où ils ont juste salué les employés sans rien dévaliser ; un café-trottoir où ils ont légèrement perturbé le service du garçon par leurs gesticulations au-dessus de sa tête ! Tout au long de leur parcours, qui a fini par ressembler à une procession – est-ce là un trait particulier aux Libanais, cette façon de suivre instinctivement n’importe quel leader ? – les Orbilys se sont amusés à provoquer les regards, taquinant une passante légèrement farouche, donnant l’accolade à une autre en... foulard, posant le bout de leurs échasses métalliques sur le caisson d’un jeune cireur, allant même jusqu’à coincer une jeune femme dans une cabine téléphonique... Et récoltant, par ces gentilles facéties et cette habile proximité avec le public, sourires et commentaires amusés. Un petit spectacle déambulatoire sympathique qui, nonobstant les grincheux qui vous diront qu’« on fait tout un tapage d’une petite exhibition de rue sur laquelle on ne se retourne même pas en Europe », a apporté une bouffée de fraîcheur et d’insouciance dans une rue libanaise si sujette aux attroupements revendicateurs et haineux ! N’est-ce pas là – parallèlement au travail inventif sur les masques portés par les deux acteurs-échassiers, Jean-Paul Jeuniaux et Jean-François Geubel –, une performance en soi ? Zéna ZALZAL