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Actualités - CHRONOLOGIE

LIVRES - « Toute la terre m’appartient - Fragments d’une vie errante » de Christian Delacampagne (éditions Arthaud), à la Librairie Antoine Carnets d’un grand voyageur

Ce livre a certainement été l’un de ses derniers voyages, virtuel et affectif, avant le grand saut vers l’inconnu. Décédé en mai 2007 à 57 ans, Christian Delacampagne a ainsi laissé à ses lecteurs et amis une trace indélébile de ses périples et le souvenir d’un être qui chérissait tendrement, passionnément, les gens, les mots, les pays et les cultures. Christian Delacampagne a aimé le Liban. Pour en avoir aimé une de ses filles, la photographe Ariane, née Atéshian. Il a aimé son peuple, ses contradictions et son histoire, pour l’avoir visité de nombreuses fois, après avoir sillonné toutes ses montagnes et tous ses villages. Il a, très vite, capté ses accents et ses subtilités. La musique de sa langue, le doux son du « maalech », les bruits qui envahissent son silence, la diversité de son peuple. Et, surtout, il en a retenu toutes les émotions. « On l’a compris, écrit-il, il n’est pas de pays où il soit davantage permis de répandre des larmes. Il n’en est pas non plus où il soit utile – et plus urgent – de rire. » Ce sens de l’observation aigu, cette curiosité de l’autre, il les a également goûtés, plus encore savourés, en Arménie, en Turquie, en Espagne, en Chine, en Inde, au Cambodge, au Japon, au Vietnam, au Sri Lanka et aux États-Unis, où il a vécu. Ce philosophe, journaliste, auteur d’une trentaine d’ouvrages de philosophie et d’art, d’essais politiques et esthétiques, né à Dakar, possédait une curiosité des êtres et une soif de liberté. Vouant une passion déclarée pour les voyages et l’écriture, il offre, avec Toute la terre m’appartient, un journal de bord où sont venus, presque naturellement, s’imprimer les souvenirs de ses errances, les rencontres, mais aussi les détails historiques, les odeurs et les couleurs glanées en cours de route. Son regard ayant capté la forme, ses mots se sont chargés, complices, d’en décrire, avec dérision et poésie, le fond. Un testament plein d’humour Le titre du livre est emprunté à la vie légendaire du philosophe Apollonios de Tyane, rédigé par Philostrate au IIe siècle. Ce penseur nomade qui, en découvrant l’Inde, l’Égypte, l’Arménie et la Grèce, en a également ramené l’apprentissage des langues et des philosophies. Et qui, lors de son passage en Arménie, répondit à un soldat lui barrant le passage : « Toute la terre m’appartient et je suis libre d’aller où je veux. » Chacune des escales de Delacampagne fut pour lui aussi l’occasion d’ouvrir une parenthèse historique, une réflexion sur le pays, son présent, ses erreurs, sur les maladresses ou déclinaisons de sa langue. En même temps que se sont glissés, avec l’approbation de l’auteur, des confidences, des souvenirs de moments privilégiés et des images parfaitement retranscrites. Rites espagnols – « L’Espagne, écrit-il, avait été la folie de ma jeunesse » –, la corrida – « l’institution sociale chargée de rappeler aux Espagnols et à la face du monde la nature insaisissable de la réalité ultime » –, le flamenco – « un alcool fort. Un feu qui brûle. Un frémissement de la terre. Une couleur de la nuit ». Histoires d’Arménie, charme et folie de l’Inde, Calcutta, « l’endroit le plus improbable au monde » et Bombay, « l’arrogance de l’Occident ». Absurdité de la Chine, « empire insoupçonné du kitsch », froideur de Tokyo, « la seule ville au monde où tout a été calculé pour réduire à néant ce presque rien qui, partout ailleurs, nous encombre : le temps perdu ». Et, enfin, incohérence de l’Amérique, « une chose étendue, vaguement rectangulaire, coupée de fleuves intarissables, peuplée de gens qui ne prononcent pas les consonnes et située à l’autre bout du monde ». Voyages dans des pays, des moments et voyages dans des langues, Toute la terre m’appartient est également un voyage au pays de Christian Delacampagne. Un pays composé de tous les pays du monde. Et qu’il a quitté prématurément. « C’est fou comme le cancer est démocratique, il prend tout le monde », avait-il précisé avec une légèreté qui lui ressemble. « Le problème, dira-t-il enfin, ce n’est pas de mourir. C’est de comprendre quand il est temps de dire au revoir. » Bibliographie succincte Duende : Visages et voix du flamenco, avec des photographies d’Ariane Delacampagne, éd. L’Archange Minotaure, 2007 Où est passé l’art ? éd. du Panama, 2007 Il faut croire en la politique, éd. de La Martinière, 2006 Apprendre à vivre ensemble, éd. Louis Audibert, 2004 Animaux étranges et fabuleux : un bestiaire fantastique dans l’art, avec Ariane Delacampagne, éd. Citadelles & Mazenod, 2003 Une histoire de l’esclavage, de l’Antiquité à nos jours, éd. Le Livre de poche, 2002 Balthus, éd. Cercle d’art, 2002 La philosophie politique aujourd’hui, éd. Seuil 2000 Le Philosophe et le tyran - histoire d’une illusion, PUF, 2000 Une histoire du racisme, des origines à nos jours, éd. Le Livre de poche, 2000. Carla HENOUD

Ce livre a certainement été l’un de ses derniers voyages, virtuel et affectif, avant le grand saut vers l’inconnu. Décédé en mai 2007 à 57 ans, Christian Delacampagne a ainsi laissé à ses lecteurs et amis une trace indélébile de ses périples et le souvenir d’un être qui chérissait tendrement, passionnément, les gens, les mots, les pays et les cultures.

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