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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Auteur d’un essai virulent « Écrire est un combat », pour Sakr Aboufakhr

Il y a des livres qui ne passent pas inaperçus. Il y a des auteurs dont les propos font bondir. Il y a des mots qui dérangent. Il y a une littérature contestataire et subversive. C’est sans nul doute à cette catégorie d’ouvrages qui sortent du rang qu’appartient l’opus de Sakr Aboufakhr. Rencontre avec un auteur sulfureux pour parler d’« al-Dine, wal douhama’a wal dam » (éditions al-Mouassassat al- arabia lil dirassate wal nachr-287 pages). La religion, le peuple et la violence dans le box des accusés pour un homme de lettres qui fait le procès sans concessions ni compromis du monde arabe. Un monde qu’il voudrait pourtant meilleur, plus évolué, plus tolérant, plus éclairé, plus émancipé, moins aveuglément traditionaliste, moins dictatorial. C’est pour toutes ces doléances et critiques, c’est pour ces arguments clamés haut et fort que cet ouvrage au ton franc et audacieux est frappé d’interdit dans plusieurs pays voisins … « Pas au Liban, dit Sakr Aboufakhr avec un petit sourire illuminant son regard derrière des lunettes de myopie, car nous sommes quand même dans une démocratie, on jouit d’une certaine liberté… » Né à Beyrouth en 1953, Sakr Aboufakhr confie avoir fait des études d’économie pour pouvoir mieux lire et comprendre Marx et Engels. Auteur de plusieurs ouvrages, son engagement politique gauchisant n’a de secret pour personne. Parmi ses écrits, quatre essais et des ouvrages-interviews (traduits déjà en langues étrangères) avec le Dr Sadil al-Adm, Adonis, Karim Mroué et Nabil Choueiri. D’emblée, Sakhr Aboufakhr, en toute simplicité, comme son écriture, fluide et passionnée mais s’adossant sur un raisonnement plus scientifique qu’affectif, s’attaque au vif du sujet : «  C’est la seconde édition de cet ouvrage. Quand on sait combien, dans le monde arabe, la lecture a peu de place dans la vie des gens (à peine deux mille livres se vendent quand on parle de succès), c’est réconfortant de voir qu’un livre est réédité. En effet, c’est un problème complexe que cette question de culture et de lecture… Sur plus de 280 millions d’Arabes, plus de la moitié sont analphabètes ; quant à la seconde moitié, ses préoccupations sont plus prosaïques. Et les préférences des lecteurs arabes sont loin d’être civilisées… Mais de toute façon, il faut toujours voir ce que les lecteurs aiment… Je sais que mon livre est une confrontation avec les gens de religion, les systèmes politiques, les modes de penser, d’agir et de vivre, l’éducation, la répartition des revenus et des biens nationaux. Cela ne va pas sans heurts avec des sensibilités réfractaires aux changements. D’où la violence, née de tant de sentiments d’injustice, dans cette région de la planète. Lire les lignes de la main, consulter les astres, jeter des sorts, expliquer l’univers par des idées soi-disant tirées des concepts religieux, voilà ce qui crée l’obscurantisme et une société rétrograde quand la science a déjà emboîté le pas à un modernisme décapant. Avec la pauvreté, l’ignorance, la cause perdue des Arabes, le manque d’éducation, ce n’est pas étonnant que le terrorisme fasse florès et engendre encore davantage de violence. Par qui je suis influencé ou sous quelle tutelle je place mon écriture ? Je suis à l’ombrelle de l’Égyptien Chebli Chemayel, Taha Hussein et Adonis. Je suis pour un courant de renaissance arabe. Quand j’écris, je suis toujours en combat. Avec la pensée, les mots, les valeurs et la société. Je n’attaque jamais sans référence et source précises. » Après ce flot de paroles comme un paquet de mots libératoires, Sakr Aboufakhr envisage un peu l’avenir. D’autres livres en perspective, des projets d’écriture, des souhaits ? Nouveau sourire, toujours un peu désabusé, et de conclure : « Non, personnellement, je n’ai pas de souhaits car nous vivons dans une société aux rêves brisés. Beyrouth fut dans un temps florissante, avec de la liberté, et le Liban cheminait vers un État démocratique. Nos rêves allaient au-delà du Liban car on pensait que les pays arabes allaient être aussi des démocraties où régneraient les notions de justice et d’égalité. Sans parler de la libération de la Palestine qui est devenue ce que tout le monde connaît… Tout cela est brisé et nos buts sont devenus des rêves ! Sur un autre plan, après avoir écrit un article sur le suicide des artistes, je prépare actuellement un ouvrage (pas de titre encore) sur la folie et le suicide chez les artistes arabes. Dans une société au malaise perceptible, il s’agit bien d’un sujet un peu tabou qu’il faut transgresser pour plus de lumière et de paix, intérieure et extérieure, tout en notant qu’on a répertorié plus de 80 artistes qui se sont déjà donné la mort… » Edgar DAVIDIAN
Il y a des livres qui ne passent pas inaperçus. Il y a des auteurs dont les propos font bondir. Il y a des mots qui dérangent. Il y a une littérature contestataire et subversive. C’est sans nul doute à cette catégorie d’ouvrages qui sortent du rang qu’appartient l’opus de Sakr Aboufakhr. Rencontre avec un auteur sulfureux pour parler d’« al-Dine, wal douhama’a wal dam »...