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L’historien Bruce Cumings analyse pour « L’Orient-Le Jour » le contexte politique de la réunion Nord-Sud prévue en octobre Le prochain sommet intercoréen, une nouvelle chance pour Pyongyang de sortir de son isolement Rania MASSOUD

Sept ans après le sommet historique qui marqua leur rapprochement, les dirigeants de la Corée du Nord et de la Corée du Sud se rencontreront début octobre à Pyongyang pour « promouvoir la paix » dans cette péninsule divisée depuis six décennies. Alors que les responsables des deux pays affichent un très grand optimisme, certains experts ont toutefois mis en doute la portée de cette réunion qui sera, selon eux, plus importante au niveau de la forme que dans le fond, mais qui, en tout état de cause, permettra au régime communiste de sortir de son isolement politique. Initialement prévu du 28 au 30 août, le second sommet intercoréen, très attendu, a été reporté à la demande du Nord en raison des inondations catastrophiques qui ont frappé son territoire. Le président sud-coréen Roh Moo-hyun et le « numéro un » du régime communiste Kim Jong-il vont donc finalement se rencontrer du 2 au 4 octobre à Pyongyang, et la principale question évoquée sera la signature officielle d’un traité de paix qui sortirait la péninsule de sa situation anachronique. Car, techniquement, les deux pays sont toujours en état de guerre faute d’un traité mettant fin au conflit de 1950-1953. « La réunion marquera une nouvelle ère de paix », s’est félicité le Nord. « C’est un sommet pour la paix et la prospérité », a assuré le Sud. Mais malgré cet optimisme affiché des deux côtés, certains experts doutent de la portée de cette rencontre, qui survient quelques mois après l’accord international sur le démantèlement du programme nucléaire nord-coréen. Pour Bruce Cumings, chef du département d’histoire à l’Université de Chicago, le sommet sera davantage destiné à renforcer la popularité du président sud-coréen, Roh Moo-hyun, dont le mandat se termine en décembre, qu’à améliorer véritablement les relations Nord-Sud. « Pour de nombreux Sud-Coréens, le sommet est avant tout politique et vise à garder les partenaires de Roh Moo-hyun au pouvoir », indique à L’Orient-Le Jour l’expert et auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre en Corée. « Pyongyang s’intéresse depuis longtemps aux élections présidentielles sud-coréennes et pense encore pouvoir les influencer, explique M. Cumings. Mais il est difficile de savoir quels seront les effets directs de la rencontre sur le scrutin de décembre. » Lee Dong-bok, du Centre d’études stratégiques et internationales de Séoul, partage cet avis. Dans une entrevue accordée à Reuters, il estime que la survie ou non du gouvernement de gauche en Corée du Sud est une question-clé pour la Corée du Nord. « Le sommet pourrait doper politiquement l’actuel parti au pouvoir », ajoute-t-il. Le premier sommet intercoréen, qui avait eu lieu en 2000, à Pyongyang, avait permis d’apaiser considérablement les tensions dans la péninsule divisée et avait conduit à une coopération sans précédent entre les deux pays. Le rôle du président sud-coréen de l’époque, Kim Dae-jung, lui avait valu le prix Nobel de la paix, mais son Administration a ensuite été soupçonnée d’avoir versé des centaines de millions de dollars au Nord pour garantir la tenue de la réunion. Une nouvelle réalité politique Sept ans plus tard, le second sommet intercoréen intervient alors que le contexte politique dans le Nord semble avoir considérablement changé. Après avoir procédé à son premier essai nucléaire l’année dernière, provoquant un tollé international et exacerbant les tensions dans la région, Pyongyang a finalement accepté, le 13 février dernier à Pékin, de démanteler son programme atomique militaire. Dans un premier geste important, le régime communiste a procédé à la fermeture, à la mi-juillet 2007, du réacteur de Yongbyon, son principal site nucléaire. La Corée du Nord doit, à présent, déclarer l’ensemble de ses programmes et les désactiver. En échange, elle recevra une importante aide énergétique et la perspective d’une normalisation des relations diplomatiques avec Washington. « J’ai été surpris de savoir que la Corée du Nord a enfin décidé de traiter avec le président (Georges W.) Bush après toutes ces années de confrontation », admet M. Cumings qui, dans un article en 1997, avait appelé à la fin des hostilités américano-nord-coréennes et à la normalisation des relations entre les deux pays. « Il y a un an, je n’aurais jamais pensé qu’un accord pourrait être conclu entre Washington et Pyongyang », assure l’historien. « Mais aujourd’hui, une normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays est désormais possible, poursuit-il. Mieux vaut tard que jamais ! » Certains experts estiment que Pyongyang veut voir son nom retiré de la liste noire américaine afin de pouvoir profiter des importantes aides financières internationales. « Comme les troupes américaines sont embourbées en Irak, l’Administration Bush a trouvé aujourd’hui le moment opportun pour conclure un accord avec la Corée du Nord, estime M. Cumings. Je pense que les dirigeants américains n’ont jamais réellement compris la logique nord-coréenne. C’est l’un des régimes les plus nationalistes et militaires au monde. Le meilleur moyen de le changer est de le sortir graduellement de son isolement, et non pas d’avoir recours à la force militaire ou aux menaces de sanctions », affirme-t-il. Plus de soixante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et sept ans après le premier sommet historique entre les deux Corées, Pyongyang verra-t-il ses relations diplomatiques avec Washington et Séoul enfin normalisées ? Une chose est sûre : le second sommet intercoréen représente d’abord un formidable espoir pour toutes les familles séparées par la guerre de Corée, et constituera ensuite une nouvelle étape importante pour sortir Pyongyang de son long isolement politique et diplomatique.
Sept ans après le sommet historique qui marqua leur rapprochement, les dirigeants de la Corée du Nord et de la Corée du Sud se rencontreront début octobre à Pyongyang pour « promouvoir la paix » dans cette péninsule divisée depuis six décennies. Alors que les responsables des deux pays affichent un très grand optimisme, certains experts ont toutefois mis en doute la portée de cette...