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Actualités - OPINION

Un resto libanais, avenue Victor Hugo Karen AYAT

Je me suis toujours sentie trop libanaise aussi bien au Liban qu’à l’étranger durant mes vacances, mes voyages et mes stages en Europe. Je le dis tout le temps, je l’expose, je l’affiche, je le crie. J’aime être cette femme à la fois orientale et ouverte à l’Occident, indépendante mais parfois conservatrice, maîtrisant trois langues au moins mais ayant cet accent libanais qui rend les mots élastiques et bien prononcés. J’aime avoir les yeux grands et bien marron, les cheveux balayés de fausses mèches blondes pour leur donner un éclat de soleil, les ongles bien vernis comme toutes les Libanaises, des habits à la mode et cette attention accrue que l’on donne à notre physique. J’aime être une fille ambitieuse qui veut réussir, qui refuse de se trouver un homme riche et trop vieux, qui ne voit aucune limite à ses études et qui ne remarque aucune des éventuelles restrictions sociales. Je veux être bien dans ma peau, indifférente aux critiques, rebelle aux traditions et aux stéréotypes des études à 23, du travail à 24 et d’un mariage classique à 25 suivi – ou pas – d’un divorce à 30. Je veux être une femme indépendante qui se concentre sur sa carrière sans laisser tomber sa vie amoureuse, qui n’a pas peur de vieillir sans s’être mariée et qui ne se voit pas imposer l’obligation de fonder une famille dans l’immédiat, qui veut former un couple réussi avec tous les préliminaires nécessaires, qui se concentre sur un équilibre professionnel d’abord, ensuite sentimental, ensuite familial… Oui, je veux être différente. Car je ressemble aux femmes de ma génération. Je ressemble beaucoup aux Libanaises que l’on voit à Londres, à Paris, à New York et à Tokyo, à quelques-unes au Liban aussi, qui se savent fortes et réussies, qui apprécient un cocktail entre filles, un voyage entre copines, une cigarette en solo, une promenade avec des inconnus, des rencontres incessantes, des contacts qui ne font que s’élargir, des amis un peu partout, des expériences nouvelles, des nuits tristes, des verres en trop, des matins difficiles, des soirées dans un bureau, des anniversaires passés seules, un salaire trop juste, une robe hors de prix, des talons qui se cassent en courant pour rattraper le bus qui s’en va, un chapeau que l’on ne pourrait mettre au Liban sans échapper à des critiques libanaises trop pathétiques mais trop… libanaises. Oui, je veux être différente. Différente sans oublier d’être libanaise. Je veux une vie réussie qui se résume par carrière, amis, mari, famille… Progressivement. J’aime ma vie de Libanaise épanouie. J’aime pouvoir parler de tout sans avoir peur d’un regard dur et trop oriental. J’aime être à Paris sans devoir abandonner certaines de mes valeurs conservatrices. J’aime changer de vie, d’habitudes, de sorties sans oublier ma famille et mes meilleurs amis, là-bas. J’aime pouvoir explorer de nouveaux horizons, découvrir de nouvelles possibilités et trouver l’éventualité d’une vie au Mexique tout à fait raisonnable. Oui, je veux me débarrasser de ces idées que j’avais cultivées en croyant être moderne, mais en étant au fond une femme libanaise comme les autres qui ne rêve que d’être, un jour, bonne mère. Car je veux avant tout conserver… ma vie de femme. En attendant de me lancer dans de nouvelles études, de trouver un job bien payé, de voyager partout dans le monde, j’apprécie un bon déjeuner en compagnie de trois amies françaises dans un resto libanais, avenue Victor Hugo. Karen AYAT Étudiante Article paru le vendredi 31 août 2007
Je me suis toujours sentie trop libanaise aussi bien au Liban qu’à l’étranger durant mes vacances, mes voyages et mes stages en Europe. Je le dis tout le temps, je l’expose, je l’affiche, je le crie. J’aime être cette femme à la fois orientale et ouverte à l’Occident, indépendante mais parfois conservatrice, maîtrisant trois langues au moins mais ayant cet accent...