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île populaire sur le Danube, le « Lido de Vienne » fête un siècle d’existence

Paradis du « Lumpenprolétariat » de Vienne il y a cent ans, l’île-piscine du Gänsehäufel est aujourd’hui le « Lido » des rives du Danube pour les classes moyennes en mal de clubs de vacances exotiques. À quelques encablures des tours ultramodernes de l’ONU, cette île-piscine de 330 hectares n’était à l’origine qu’un lopin de terre envahi d’herbes sauvages appelé Gänsehäufel (monticule aux oies en allemand) où, dans les dernières années du règne de l’empereur François-Joseph, les classes ouvrières venaient goûter aux plaisirs de la baignade et de la vie au grand air. Les fêtes du centenaire le week-end dernier de cette institution, ouverte le 5 août 1907 et classée monument historique et culturel depuis 1993, ne manquent pas de rendre hommage à celui qui découvrit l’endroit : Florian Berndl. Hippie avant l’heure aux cheveux longs et barbe fournie, ce colosse adepte des médecines traditionnelles et du naturisme y avait installé des huttes où il soignait les pauvres à peu de frais, notamment par des bains de sable chaud sur son île accessible uniquement en barque. En face il avait ouvert une guinguette, le « Nouveau Brésil ». Mais l’establishment viennois s’offusqua bien vite des mœurs dépravées qui y régnaient selon lui et la mairie retira sa concession à Berndl et reprit la main sur l’île en 1907. Fidèle à la pudibonderie de l’époque, elle y imposa la séparation entre les sexes dès l’entrée et sur les plages, l’obligation de porter des costumes de bain recouvrant tout le corps, une « première classe » pour les vestiaires des bourgeois et une « seconde » pour les casiers des ouvriers. La plage des familles était réservée aux couples mariés, avec ou sans enfants. Mais bien vite quelques malins ouvrirent une « bourse aux mariages », permettant aux célibataires de se procurer un document pour batifoler en couple le temps du séjour sur l’île. « Le Gänsehäufel c’était plus qu’une piscine, c’était un microcosme de la société de l’époque », commente Susanne Breuss, directrice d’une exposition consacrée à cette institution en ce moment au Musée de Vienne. Au début du XXe siècle, la ville comptait près de 2 millions d’habitants, et les familles ouvrières après des journées de 15 heures de labeur se partageaient de petits logements insalubres sans salle de bain dans les banlieues. Cette île aux portes de la capitale connut ainsi un engouement extraordinaire pour y faire la fête à peu de frais. Le tram venant du centre-ville ressemblait les week-ends aux trains bondés en Inde avec des grappes de passagers sur les marchepieds, selon les photos de l’époque. Dès l’Anschluss en mars 1938, des croix gammées vinrent orner le portique de l’île-piscine qui fut interdite d’entrée aux juifs, comme en témoigne une vidéo du Musée de Vienne. En 1944 les cabines des vestiaires en béton furent prises pour des casernes militaires par les avions des alliés qui y larguèrent des bombes par dizaines. Mais le Gänsehäufel devait renaître de ses cendres dès 1950, car la municipalité sociale-démocrate élue à Vienne l’avait incluse dans le vaste programme de reconstruction de l’après-guerre. « J’adore le Gänsehäufel, je me fiche de l’Italie », chantait samedi en concert gratuit sur l’île-piscine Rainhard Fendrich, star de l’Austro-pop qui a dédié un tube à ces bains. Au plus fort de la canicule en juillet dernier, près de 30 000 personnes étaient venues y échapper aux plus de 40 degrés en ville. Les installations modernes proposent aujourd’hui 270 000 m2 de plans d’eau entre des zones ombragées grâce à plus de 3 000 hêtres et peupliers centenaires, des terrains de tennis et volley, une ère de biotope écologique et 2 km de plages avec plus de 300 cabanons pour la location desquels il faut s’inscrire 5 ans à l’avance ! Gertrude et Günther Rottensteiner y viennent depuis 1971 : « Nos filles ont appris à marcher ici et on y fête tous les anniversaires. » Gabrielle GRENZ (AFP)
Paradis du « Lumpenprolétariat » de Vienne il y a cent ans, l’île-piscine du Gänsehäufel est aujourd’hui le « Lido » des rives du Danube pour les classes moyennes en mal de clubs de vacances exotiques.
À quelques encablures des tours ultramodernes de l’ONU, cette île-piscine de 330 hectares n’était à l’origine qu’un lopin de terre envahi d’herbes sauvages appelé...