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ÉCLAIRAGE Pour les Russes, l’Occident a perdu son statut de modèle

Alors que Vladimir Poutine est engagé dans un bras de fer avec l’Occident, la marque occidentale est présente comme jamais à Moscou. Mais au gré des crises et des désillusions, la fascination d’il y a 15 ans pour l’Ouest a cédé la place en Russie à l’indifférence et au rejet. Dénudées à l’effondrement de l’URSS en 1991, les rues moscovites n’ont plus rien à envier à celles de l’Occident avec les mêmes magasins, restaurants, voitures ou publicités. Dans le métro, les usagers habillés comme à Paris ou à New York ont définitivement perdu le cachet soviétique. Selon une enquête américaine du Center for Strategic and International Studies publiée mercredi, 62 % des Russes de 16-29 ans estiment que « les jeunes Russes désirent les mêmes choses que ceux d’Europe occidentale ». Parallèlement, pour 78 % d’entre eux, « la Russie se porterait mieux si les étrangers cessaient de (lui) imposer leurs idées » et 64 % considèrent les États-Unis comme un « ennemi » ou un « rival ». « L’attitude la plus positive vis-à-vis de l’Occident remonte au début des années 90. C’était lié aux grandes espérances. L’Occident, l’Amérique étaient perçus comme un modèle. On croyait que la Russie pourrait suivre la voie des démocraties occidentales », rappelle Natalia Zorkaïa, sociologue à l’institut de sondage indépendant Levada. Aujourd’hui, selon une étude de Levada parue le 23 juillet, 46 % des Russes considèrent que les grands pays occidentaux sont des « adversaires de la Russie » et 74 % que leur pays « doit suivre sa propre voie de développement ». « Les Russes consomment comme en Occident mais c’est superficiel. Le discours politique sur la voie particulière de la Russie, les critiques à l’encontre des leçons de l’Occident collent à la vision populaire », poursuit Mme Zorkaïa. Les sentiments des Russes vis-à-vis des Occidentaux ont évolué ces 15 dernières années de l’espoir à la déception, puis au défi. « Au début, il y avait de la fascination. On découvrait les produits de consommation, les gens étaient naïfs, ils pensaient que le système capitaliste et le multipartisme suffiraient à changer la vie », se souvient une enseignante de 44 ans, Liza Levidova. Mais les Russes ont découvert le capitalisme sauvage, qui a entraîné la paupérisation de millions de personnes. « C’est la base du nationalisme de la génération élevée à cette époque », commente un fonctionnaire de 48 ans, Alexandre Kroutchkov. Puis il y a eu 1993 et l’assaut ordonné par le président Boris Eltsine contre un Parlement réfractaire. « Cela a été un choc important car l’Occident a soutenu le coup d’État purement antidémocratique, il n’a pas soutenu l’idée de la démocratie – respect de la loi et volonté du peuple », explique Boris Kagarlitski de l’Institut moscovite de mondialisation. Un autre choc a été le début de la guerre en Tchétchénie en 1994. Certains, dépités de ne pas voir l’Occident réagir, ont « compris que la géopolitique avait pris le pas sur les droits de l’homme », souligne Mme Levidova. Chez d’autres, cela a fait naître un sentiment de repli. La crise financière de 1998 a constitué un tournant en contraignant à un assainissement radical de l’économie qui a finalement ouvert la voie à la croissance. « La bourgeoisie s’est sentie forte. Un nationalisme des élites très capitaliste est né sur l’idée que la force économique permet de dicter ses conditions aux partenaires », explique M. Kagarlitski. Aujourd’hui, 47 % des Russes jugent que le président Poutine, qui s’oppose à l’Occident sur l’expansion de l’Otan, le bouclier antimissile américain ou l’affaire de l’ex-agent russe Litvinenko, devrait durcir ses positions, selon une étude de Levada. « Actuellement, la Russie se sent assez forte pour ne plus se plier aux exigences du monde extérieur mais suivre ses propres exigences », résume Fedor Loukianov, de la revue Russie dans la politique mondiale. Deborah PASMANTIER (AFP)
Alors que Vladimir Poutine est engagé dans un bras de fer avec l’Occident, la marque occidentale est présente comme jamais à Moscou. Mais au gré des crises et des désillusions, la fascination d’il y a 15 ans pour l’Ouest a cédé la place en Russie à l’indifférence et au rejet.
Dénudées à l’effondrement de l’URSS en 1991, les rues moscovites n’ont plus rien à...