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Actualités - OPINION

Indépendance : les interdits Jean ISSA

Lâcher du lest à l’Est, à la Syrie, c’est replonger avec certitude dans les turpitudes. De la servitude. Dans concession, il y a cession. Puis c’est sécession. La java, la valse-hésitation(*), le tango qu’on veut nous forcer à tanguer au (fox) trot, avant et soi-disant pour la présidentielle, finiraient illico presto, ipso facto, en danse macabre. Il y a des gens, tu leur donnes le petit doigt, ils t’arrachent le bras. Ce qui serait normal, car il faut être léprosé pour céder, pour se départir de la chair de sa chair. De ses enfants, qu’on condamne irrévocablement à l’errance. Si l’on trahit son propre foyer. En ses seules espérances de survie. C’est-à-dire en son indépendance. Que cela soit délibérément, comme les porteurs iranisés d’un projet d’autre Liban. Ou, ainsi qu’Œdipe, par un tragique aveuglement, comme ces fils du Cèdre qui ne réalisent pas bien qu’il se trouve présentement attaqué par la vermine. Les gentils animateurs du club de vacances arabo-irano-occidental sont, manifestement, soucieux d’aider. Mais, comme on dit, l’enfer est pavé de bonnes intentions. La pseudo-solution qu’ils glissent à l’oreille des Libanais (à temps plein ou à temps partiel) constitue un arrangement-tampon. Mortellement piégé. Revoyons un peu ensemble, voulez-vous, ce que tourner la page, en suivant le guide de randonnée, voudrait dire. – D’abord, la levée du sit-in. Présentée comme un somptueux cadeau. Par qui, et pour qui, s’il vous plaît ? On oublie un double détail : où serait le dédommagement, du reste impossible en termes de manque à gagner. Et comment admettre que les violateurs de la loi, donc du principe même d’État voire de la nation, s’en tirent avec les honneurs. Sans rendre des comptes, ni matériels ni moraux ou politiques. Prodigalités – Puis, autre présent fastueux et magnanime, l’assurance que les prosyriens ne mettraient pas en place un deuxième gouvernement. Ahurissant. D’autant que s’ils s’y aventuraient ce serait la partition. Au mieux procédée à l’amiable et au pire, précédée d’une guerre civile. Et en tout cas, après la dislocation, on se demande comment leur État, derechef pressuré, submergé par le Syrien, pourrait surnager. Quels services, quelle électricité, quelle justice, quelle administration, quelle sécurité, quel pain quotidien il pourrait assurer à sa population. – Ensuite, la mise en place d’un cabinet dit d’union. D’abord, union sur quoi quand il y a aussi nettement divorce sur le patrimoine, sur l’identité de l’entité. Sur les constantes les plus vitales, les plus sacrées. Comme, retour à la source, cette indépendance dont certains, prosyriens en tête, n’admettent pas l’intangibilité. En outre, et indépendamment (c’est le mot) de tout, un cabinet d’union, comme qui dirait un comité de salut public, pour expédier les affaires courantes, ce ne serait pas un peu trop ? Car d’ici au 25 septembre, il ne pourrait matériellement rien faire d’autre. Et si l’un ou l’autre camp avait des velléités de proposer des décisions d’importance, ce serait l’empoignade, sans coup férir. L’éclatement de la bulle de savon. – Ajournement des partielles du Metn et de Beyrouth. Là aussi, prime à l’illégalisme de la fronde prosyrienne. Et un précédent, un exemple, de plus, de pratique déviationniste syrianisée exercée pour une seule fois. Comme la réélection jadis de Hraoui et la prorogation naguère de Lahoud. – Réouverture du Parlement. Effarante et double absurdité : pour commencer, il n’aurait jamais dû être fermé. Ensuite, il y a le passage obligé de la présidentielle, suivi de la session budgétaire impérative d’octobre. Ce qui implique que l’une des retouches indispensables au règlement intérieur doit porter sur les moyens d’empêcher le soi-disant gardien de l’institution, que cela soit Lahoud à Baabda ou Berry place de l’Étoile, d’en saboter le juste fonctionnement. – Retour aux munificentes aumônes des prosyriens radicaux. Ils s’engageraient à ne pas torpiller la présidentielle. Geste d’autant plus noble, et le prix insensé qu’ils en recevraient serait d’autant plus exorbitant, que d’abord ils ne pourraient pas ! Parce que Bkerké est suivi dans ce cadre pratiquement par tous les chrétiens. Mais aussi, entre autres opposants épisodiquement modérés, par Berry en personne. Le quorum des deux tiers (d’ailleurs techniquement discutable et discuté) semble quasi assuré. Il ne resterait aux fidèles de Damas ou de Téhéran qu’à contester le résultat de l’élection. À mettre en cause la légitimité du nouveau président, comme ils le font si bien pour Siniora. Sans, évidemment, se poser des questions sur Lahoud, aussi disqualifié qu’il soit par la légalité internationale. Critères – En échange de la séance, les prosyriens exigent un président qui ne déplaise pas, ou pas trop, à Damas. Au titre, prétendument, du principe du consensus. À ce propos, l’une des meilleures réponses est à mettre au crédit de Charles Rizk. Il souligne en effet, en substance, qu’il ne faut surtout pas confondre consensus et compromis. Ou, si l’on préfère, compromission. Il ajoute, autre précision de poids, qu’il ne faut pas surdimensionner une présidence que Taëf a amputée de ses principales prérogatives. Ce qui est une façon d’indiquer qu’il ne peut y avoir de président fort, comme certains le demandent ou prétendent pouvoir l’être. Mais il ajoute que le président devrait quand même avoir beaucoup d’autorité, entendre sans doute morale. Un orientateur, porteur selon les termes du ministre, d’une ambition nationale qu’il saurait faire partager à son peuple. En fait, tout ce que le pays attend de son président, c’est qu’il tourne le dos à l’obstructionnisme présent. On ne lui demande même pas d’être positif, mais de ne pas être négatif. Côté indépendance. On peut certes observer, pour le plaisir de pinailler, que la distinction entre consensus et compromis est bien difficile à établir. Mais il n’y aurait pas de mal si un président Liban d’abord, un président vraiment Libanais et rien que Libanais pouvait être accepté par l’opposition. Ce qui semble pour le moins improbable à l’heure où elle traite tout pôle indépendantiste d’agent américain. Voire israélien. Pour conclure, un petit détour supplémentaire du côté des déclarations du ministre de la Justice. Évoquant, ès qualités, le tribunal international, il soutient que si l’on s’en sert « comme d’une arme politique pour s’attaquer à la Syrie, on le paralyse (...). Il faut éviter que le tribunal envenime nos relations avec la Syrie (...). Nous devons la convaincre qu’il est aussi dans son intérêt que justice soit faite ». Étonnant, car M. Rizk ne manque pas de relever qu’en « tournant le dos au tribunal, la Syrie a elle-même alimenté les soupçons contre elle ! ». Elle a même mieux fait, en revendiquant elle-même un statut de suspect. Cela à travers une déclaration de Moallem exigeant que la loi syrienne soit autant prise en compte dans la procédure que la loi libanaise ou internationale. En tout cas, l’essentiel n’est pas là. Il réside, et c’est malheureux, que même chez de vrais, d’authentiques, de profonds Libanais, comme le sont certainement les aounistes, on ne veut toujours pas reconnaître qu’il y a agression. Que tous les autres problèmes, aussi graves qu’ils paraissent ou qu’ils soient, doivent pour l’heure s’en trouver minorisés. Qu’il ne faut rien lâcher devant l’attaquant. Ne pas lui faire risette ou se montrer ouvert à son égard. Ne pas lui tendre une main qu’il risque de couper. Ou, pour se rabattre sur les membres inférieurs, ne pas se laisser marcher sur les pieds. Pour ne pas en avoir un dans la tombe. Jean ISSA (*) Elle n’a dansé qu’un seul été, (Hon dansade en sommer), d’Arne Mattson, 1951, avec Ulla Jacobsson.
Lâcher du lest à l’Est, à la Syrie, c’est replonger avec certitude dans les turpitudes. De la servitude. Dans concession, il y a cession. Puis c’est sécession. La java, la valse-hésitation(*), le tango qu’on veut nous forcer à tanguer au (fox) trot, avant et soi-disant pour la présidentielle, finiraient illico presto, ipso facto, en danse macabre. Il y a des gens, tu leur donnes le...