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Actualités - ANALYSE

Pronostics Liban-Syrie : tout sauf un match nul

Rendez-vous est pris pour fin septembre. La présidentielle, prévue pour le 25, tiendra sans doute lieu de vitrine pour la présentation des vrais deux candidats en lice. À ma droite, le champion de l’indépendance portant label du Cèdre. À ma gauche le challenger bombardier qui tente son come-back. Chaude rencontre ? Décisive ? Peut-être. Il faut cependant prendre garde de ne pas oublier qu’on ne doit en aucun cas composer avec un agresseur constant, persistant, permanent. Tout prête à croire qu’on tente de passer marché en coulisses, dans les vestiaires. Or, c’est évident, un accord de match nul signifierait en réalité la perte de tout espoir de larguer pour de bon l’immixtion. Et la tutelle. Comment les bookmakers de boxe établissent-ils la cote des paris, avant un match ? Via le volume comparé des mises engagées sur les deux adversaires, tant sur l’un, tant sur l’autre. Un montant séparé qui est lui-même fonction de multiples critères d’évaluation, sportifs ou autres. Le palmarès, la forme physique du moment, la préparation, l’état du mental, mais aussi le charisme, le tableau d’avancement, le rendement médiatiques, voire la vie privée, sont pris en compte. Sans oublier que comme, aux courses, les parieurs endurcis ont souvent tendance à reporter leurs billes sur l’outsider, parce que cela leur rapporterait plus gros. Hic et nunc, ici et maintenant, le challenge oppose deux pays voisins, frères ennemis s’il en est. Ou, bien plus exactement, la révolution du Cèdre au régime d’Assad. En un combat multiforme, alliant une épreuve d’endurance à une course frénétique contre la montre. À la pesée, chacun apporte ses atouts et ses handicaps, ses points de force évidemment bonifiés par les faiblesses du vis-à-vis. Il est dès lors plutôt difficile de procéder, sans répétitions fastidieuses, à une évaluation séparée de chances étroitement entremêlées. D’autant qu’une approche journalistique, éloignée des canons académiques, ne peut qu’être sommaire, incomplète, imparfaite. Elle peut cependant suffire pour dégager des données évidentes, importantes, souvent occultées par l’urgence ou l’actualité. Voici donc quelques rappels, quelques coups de projecteur sur le tableau. Le faux contresens L’analyse par analogie est un procédé que, généralement, historiens et politologues condamnent. Tout en admettant qu’il se présente parfois des exceptions qui infirment la règle. Par exemple, il est fréquent que lorsqu’un État baisse son froc, pour parler familièrement, les commentateurs se réfèrent à Munich 38. Quand Chamberlain et Daladier, soi-disant pour sauver la paix, avaient tout lâché devant Hitler. Et l’on connaît la suite. Pour ce qui concerne la Syrie, la règle et l’exception semblent aller de pair. Ainsi, certains augures se fondent sur une prétendue logique de l’histoire pour annoncer la disparition totale du totalitarisme. En se reportant à la chute soudaine du bloc soviétique. Mais le régime baassiste syrien fait mieux que résister. Fort d’une immunité garantie par la hantise d’une dislocation de la région, assuré dès lors du soutien indéfectible de tous les autres régimes arabes, modérés proaméricains en tête, il défie le monde entier ou presque. Après un assez bref passage à vide en 2005 après l’assassinat de Hariri, et au prix de son retrait militaire du Liban, il a vite repris l’initiative. Sortant de la défensive, il est passé à l’attaque, qui est du reste la meilleure des défenses, comme le dit l’axiome. Un point pour lui, donc. Ses autres avantages principaux se présentent en (très) résumé comme suit : – La proximité. En termes de rapports de force sur le terrain, en cas de confrontation, il pourrait tout balayer au Liban avant que le New Jersey n’appareille. Dans le même cadre, il pourrait sans doute tabler sur une notoire collusion israélienne à répétition. Dans ce sens que l’État hébreu préfère encore voir le Syrien au Liban que lui restituer le Golan. D’autant plus que son armée invincible n’a pas gagné la guerre de juillet 2006 contre le Hezbollah et que l’on peut dès lors soutenir qu’elle l’a bien perdue. – À peu près dans le même sens, comme le montre le cycle interminable d’attentats et d’assassinats, le boxeur syrien n’hésite pas à porter des coups sous la ceinture. Sa capacité de nuisance terroriste, via Fateh el-Islam et autres organisations gravitant dans son orbite comme le FPLP-CG, semble pratiquement illimitée sur le plan de la sécurité ou de la déstabilisation de terrain. – Mais elle est tout autant, sinon plus, accentuée sur le plan politique. Évidemment essentiel, car c’est sur ce ring, sur ce ring seulement, que le Liban indépendant livre combat. Contre l’attaquant syrien. Et contre son cheval de Troie. Ce camp du 8 Mars qui se qualifie lui-même de front de blocage. – Autre flanc de force syrien : le Sud et la présence de la Finul. Dans ce sens qu’il mise sur les craintes de la communauté internationale et des Occidentaux, pour tenter de négocier une reprise en main de la carte libanaise. De fait, ces derniers temps, les émissaires n’ont cessé de défiler à Damas. Soi-disant pour y tenir un langage ferme. En réalité, quasi implorants. Quant aux faiblesses intrinsèques du régime syrien, elles tiennent d’abord autant au facteur économique chancelant, source de grogne populaire grandissante, qu’aux contradictions communautaires locales. À terme, mais à long terme faut-il préciser, la répression ne peut suffire pour endiguer la pulsion instinctive vers un retour au cours normal des choses. Bien entendu, il convient d’y ajouter l’isolement international, seule la Russie manifestant encore quelque sympathie pour le client syrien. Ou encore, et c’est peut-être pire, l’alliance avec un dominant, l’Iran qui peut à tout moment trahir les intérêts du cadet, ici ou là. On le voit du reste un peu pour ce qui est du dossier libanais, où les positions iraniennes, plutôt souples, doivent beaucoup déplaire à Damas. Et beaucoup le gêner, dans la mesure où la principale force de l’opposition libanaise, le Hezbollah, est bien plus pro-iranienne que prosyrienne. Le Cèdre dispersé Le coup d’œil rapide sur le challenger syrien permet de condenser, de beaucoup abréger, l’évaluation du défenseur cédrique du titre. Il tire sa force, vitale, (c’est le mot) du bon droit d’une juste cause. C’est ce qui lui vaut, en effet, la protection rapprochée, le mot n’est pas de trop, de la communauté internationale comme de puissances pesant lourd, qui lui font constamment rempart. Une première nuance cependant. Du côté des Arabes, on veut bien aider le Liban et l’on s’y emploie au mieux comme le montrent les missions Moussa. Mais on ne veut pas trop fâcher la Syrie, et les missions Moussa le montrent aussi. Une deuxième nuance, une deuxième réalité évidente : en politique, rien n’est fait pour les beaux yeux de quelqu’un. Les intérêts commandent. Et canalisent souvent le soutien prodigué au Liban de l’indépendance, à l’indépendance du Liban. Il n’y a d’ailleurs qu’à prendre l’actualité : il est peu douteux que les priorités, ou les orientations des Français et des Américains ne sont pas parfaitement identiques. Les uns peuvent vouloir favoriser un arrangement multilatéral, avec contribution iranienne, que les autres récuseraient comme une inadmissible concession dans le cadre de la lutte des axes. Toujours est-il que, renvoi au facteur de force puisée dans la faiblesse de l’adversaire, la majorité indépendantiste libanaise profite donc largement des failles qu’accuse l’armure du régime syrien. Et encore plus, pour compenser un peu l’effet cheval de Troie, des divisions mal camouflées qui déchirent l’opposition. Au sujet, entre autres, d’un deuxième gouvernement, de la présidentielle ou des partielles. Mais elle fait face, par contre, à un élément négatif important, du reste bien exploité et entretenu par l’adversaire : la récession socio-économique. Une plongée aux enfers qui la gêne doublement. D’abord parce qu’étant au pouvoir, elle doit en assumer la responsabilité. D’autre part, parce que l’expansion de la gêne démobilise la population face au combat de survie politique. Or c’est cette seule arme ou presque, rappelez-vous du 14 mars, qui a bouté le Syrien hors du pays. Jean ISSA

Rendez-vous est pris pour fin septembre. La présidentielle, prévue pour le 25, tiendra sans doute lieu de vitrine pour la présentation des vrais deux candidats en lice. À ma droite, le champion de l’indépendance portant label du Cèdre. À ma gauche le challenger bombardier qui tente son come-back. Chaude rencontre ? Décisive ? Peut-être. Il faut cependant prendre garde de ne pas...