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Actualités - OPINION

LE POINT Nouvelle Palestine Christian MERVILLE

Il faut écouter Mahmoud Darwiche. Parce que les poètes sont aussi des visionnaires, qui ont des années-lumière d’avance sur le commun des mortels et qu’ils savent mieux que quiconque dire la souffrance, l’espoir, l’amour, la mort, tout ce qui en somme est supposé constituer l’existence des pauvres terriens que nous sommes. Ce dimanche soir donc, dans un « Auditorium » où se côtoyaient les habitants de la Galilée et les députés arabes à la Knesset, le plus grand troubadour palestinien vivant rappelait aux siens de bien tristes vérités. « Un seul peuple a désormais deux États, deux prisons qui ne se saluent pas. Nous sommes des victimes habillées en bourreaux », disait-il, au pied d’un mont Carmel lourd d’histoire, en plein cœur de Haïfa. Il disait aussi, ce revenant d’un exil de trente-sept ans : « Oui, nous aimons la vie, pour peu que nous puissions y accéder… » Le droit d’être – « Inscris, je suis arabe », Darwiche toujours –, longtemps il leur avait été refusé, sous les prétextes les plus fallacieux, que l’Occident s’empressait de faire siens, parce que cela lui donnait bonne conscience. Et aussi, pourquoi ne pas le reconnaître, parce que, souvent, les intéressés eux-mêmes tendaient à leur bourreau la corde destinée à les pendre. Mais voilà-t-il pas que, depuis quelque temps, les choses se mettent à bouger, alimentant les plus fols espoirs parmi les pacifistes des deux bords ? « Pour ne pas faire obstacle à un projet politique », Zakaria Zoubeidi vient ainsi de déposer les armes, imité en cela par 189 de ses combattants des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, hier encore qualifiées de terroristes par les services de sécurité israéliens. Inimaginable il n’y a pas longtemps : Nayef Hawatmeh et un groupe de ses compagnons ont été autorisés à se rendre à Ramallah, en Cisjordanie, où ils devaient participer vendredi à une réunion du conseil central de l’OLP censée préparer un nouveau scrutin général et déboucher sur une proclamation d’appui à Mahmoud Abbas. S’ils se sont ravisés en dernière minute, c’est parce que les Israéliens ont posé des conditions inacceptables à ce retour, en fixant la durée à deux semaines, susceptibles d’être portées à vingt et un jours. Inimaginable encore : lors de la rencontre de Charm el-Cheikh, le 25 juin dernier, l’État hébreu avait promis, comme gage de sa bonne volonté, de débloquer une partie (118 millions de dollars) des fonds destinés aux Palestiniens et qu’il retenait depuis la victoire du Hamas aux élections législatives de fin 2006. Vendredi enfin, il aura libéré un groupe de 250 prisonniers, « qui n’ont pas du sang sur les mains ». Le geste est parfaitement étudié puisque le groupe est constitué à 85 pour cent de membres du Fateh, les 15 pour cent restants comprenant des fedayine du FPLP de Georges Habache et du FDLP de Hawatmeh. Le coup d’accélérateur a été donné le 15 juin, quand le Mouvement de la résistance islamique a opéré à Gaza un putsch devenu inévitable depuis que l’Occident s’était ligué contre lui, le poussant à la faute alors qu’il s’estimait, sans doute à tort, fort d’un droit puisé dans les urnes mais injustifiable dans la pratique. Les héritiers de cheikh Ahmad Yassine, Khaled Mechaal en tête à partir de son QG de Damas, seraient-ils en retard d’une intifada ? Tout semble l’indiquer, alors même que le gouvernement d’Ehud Olmert paraît décidé, lui, à reprendre le dialogue au point où avait dû l’abandonner un autre Ehud (Barak), il y a sept ans, à Camp David. Sans pour autant être certain que, cette fois, les augures sont meilleurs, en dépit de signes qui se veulent rassurants. En fin de semaine, le Hamas a perdu une bataille dans sa guerre contre l’Autorité quand il n’a pu assurer le quorum pour une réunion du Conseil législatif, prévue à Gaza, qui devait proclamer l’illégalité d’un cabinet à naître, fidèle à Abou Mazen. Au lieu des 80 députés escomptés, sur un total de 132, il n’a pu en réunir que 28, bien loin de la majorité requise de 67. À la manière forte du clan islamiste, les « légitimistes » ripostent en adoptant une politique de grignotage qui semble leur réussir jusqu’à présent et leur assure en tout cas l’appui sans faille de la communauté internationale, exception faite de la Russie. Celle-ci, plutôt que de se limiter à une proclamation de soutien à Abbas, lors de la réunion du quartette, le 19 juillet à Lisbonne, entend en effet soulever en priorité la question de la crise économique à Gaza, une façon pour elle de se démarquer de ses trois alliés, soupçonnés de pratiquer une politique par trop sélective. Comme si la crise, qui en a rebuté plus d’un par le passé, était appelée, pour longtemps encore, à décourager les meilleures bonnes volontés. Souvent pour des points mineurs pour un esprit insensible aux détails qui font la différence. Un exemple ? Hier après-midi, la réunion Abbas-Olmert s’est tenue au domicile de ce dernier, rue… Balfour. Quand on vous disait qu’elle est trop forte, la charge émotionnelle qui se rattache à l’épineuse question du Proche-Orient.
Il faut écouter Mahmoud Darwiche. Parce que les poètes sont aussi des visionnaires, qui ont des années-lumière d’avance sur le commun des mortels et qu’ils savent mieux que quiconque dire la souffrance, l’espoir, l’amour, la mort, tout ce qui en somme est supposé constituer l’existence des pauvres terriens que nous sommes. Ce dimanche soir donc, dans un « Auditorium »...