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Actualités - CHRONOLOGIE

CORRESPONDANCE Tocqueville, encore et toujours Le Français le plus présent dans la mémoire américaine WASHINGTON, d’Irène MOSALLI

Alexis de Tocqueville est une figure dominante de la pensée politique du XIXe siècle, au même titre que Karl Marx et John Stuart Mill, mais aux vues plus prophétiques. Son œuvre-maîtresse, La démocratie en Amérique, ne cesse de faire couler de l’encre des deux côtés de l’Atlantique. Son existence, presque jamais évoquée dans le détail, vient de l’être dans un ouvrage récemment publié aux États-Unis sous le titre Alexis de Tocqueville : une vie. Il porte la signature d’un historien anglais, Hugh Brogan Si ce philosophe est l’un des deux Français les plus présents dans la mémoire américaine (l’autre étant Pierre l’Enfant, l’architecte de la ville de Washington que nous avons récemment évoqué), c’est parce qu’il avait décelé les fondements d’une société différente. Ses concitoyens n’avaient vu dans l’expérience du pays de l’Oncle Sam que la formation d’une civilisation « new look » : mauvaises routes, mauvaise nourriture, crachat de tabac sur le sol. Tout en ne niant pas ces faits, de Tocqueville s’était efforcé de faire savoir que quelque chose d’important se concoctait dans ce qui était une implantation de la civilisation occidentale en une terre si lointaine. « Américains, je vous ai compris » Ce Français, qui aurait pu dire « Américains, je vous ai compris » (comme plus tard de Gaulle et son fameux « Français, je vous ai compris), voyait aussi se profiler, à travers l’esclavage, le conflit Nord-Sud et une éventuelle confrontation entre les États-Unis et la Russie. Ce nouvel ouvrage, axé sur sa vie, explique que si ce Français avait vu si juste, c’est parce qu’il était arrivé aux États-Unis portant le fardeau de la féodalité française et qu’il avait réalisé tout l’avantage que l’Amérique tirait de l’absence d’un tel fardeau. Dans son for intérieur, c’était ce à quoi il aspirait, lui, né (en 1805 et décédé en 1859) dans une famille d’aristocrates normands et qui a été voyageur, magistrat, éminent politicien durant la révolution de 1848 et ministre des Affaires étrangères durant la deuxième République. Par ailleurs, il admirait l’égalitarisme pratiqué aux États-Unis qui, en même temps, le déroutait quelque peu. Élevé dans un environnement catholique, il lui était difficile d’absorber complètement « la logique du protestantisme ». Sa visite à la communauté Shaker avait été particulièrement troublante. De plus, selon l’historien anglais, de Tocqueville aurait rédigé La démocratie en Amérique pour justifier sa rupture avec les espoirs élitistes de sa famille et de son cercle social. Hugh Brogan se réfère également à la dernière œuvre de de Tocqueville, l’Ancien régime et la révolution, pour appuyer son point de vue. C’est là une autre œuvre classique qui porte deux hypothèses caractéristiques du philosophe français : d’abord une profonde nostalgie du monde aristocratique perdu, puis une manière de penser sociologique qui trouve, dans les strates des valeurs culturelles d’une nation, les racines de tous les changements politiques.
Alexis de Tocqueville est une figure dominante de la pensée politique du XIXe siècle, au même titre que Karl Marx et John Stuart Mill, mais aux vues plus prophétiques. Son œuvre-maîtresse, La démocratie en Amérique, ne cesse de faire couler de l’encre des deux côtés de l’Atlantique. Son existence, presque jamais évoquée dans le détail, vient de l’être dans un...