Rechercher
Rechercher

Actualités

À l’initiative d’Icare et du service de psychiatrie de l’hôpital Mont-Liban Le Liban se dote d’une cellule d’urgence médico-psychologique Nada MERHI

Une guerre dévastatrice, des centaines de milliers de personnes déplacées, des attentats en série et des explosions de voitures piégées… Depuis trois ans, le Liban vit au rythme de ces événements qui ne cessent d’entamer l’énergie de son peuple et de le « blesser psychiquement ». Il s’ensuit une angoisse, un stress accompagné d’une importante douleur, des traumas. Des manifestations qui nécessitent une intervention spécialisée pour aider les victimes, mais aussi le personnel impliqué dans les cas d’urgence, à retrouver une sérénité, de la meilleure façon possible. Pour répondre à ces besoins, une cellule d’urgence médico-psychologique a vu le jour. L’idée est née après la guerre de juillet 2006, à l’initiative d’Icare (Institute of Care and Assessment and Research) et du service de psychiatrie de l’hôpital Mont-Liban. Avec pour but principal, non pas d’intervenir auprès des victimes « puisque cela nécessite un dispositif humain important, qu’on n’a pas les moyens de mettre en place », mais auprès du personnel en contact direct avec les victimes de guerre, d’attentats, d’incendie ou de catastrophes naturelles, notamment les pompiers, les secouristes de la Croix-Rouge libanaise, les agents de la Défense civile ou l’équipe médicale dans les services d’urgences. « Malheureusement, on s’occupe toujours des victimes et on oublie le personnel qui développe un trauma vicarier dû à ce contact avec les traumatisés », explique le Dr Wadih Naja, psychiatre, à l’origine de l’initiative et membre fondateur d’Icare. Baptisée « Critical Incident Stress Management Team », cette cellule regroupe trois psychologues et deux infirmières chefs qui ont un rôle essentiellement éducatif, en ce sens qu’ils « forment, sur le plan psychologique, le personnel sur le terrain à se prémunir des traumas vicariers, souligne le Dr Naja. L’équipe doit également être capable de répondre à toute demande émanant de ce personnel et à identifier les premiers symptômes de trauma ». Y a-t-il une possibilité d’élargir l’équipe ? « Il n’y a aucun intérêt quantitatif à le faire, répond le Dr Chawki Azouri, chef du département de psychiatrie à l’hôpital Mont-Liban et membre fondateur d’Icare. En fait, chacun des membres de l’équipe va former dix personnes qui seront en contact direct avec les traumatisés. Ces personnes formeront d’autres, ce qui contribuera à élargir la chaîne. » « Le principe de cette cellule est d’ailleurs le même que celui suivi dans notre service psychiatrique, dans la mesure où nous soutenons les infirmiers, qui sont en contact direct avec nos malades, insiste le Dr Azouri. Parfois, rien qu’en discutant avec eux autour d’une tasse de café, nous les aidons à reprendre du moral. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, tous les mardis matins, je réunis l’équipe de nuit pour une session de formation afin de mieux les habiliter à écouter et à accompagner les patients. Notre présence est importante, d’autant qu’elle est anxiolytique. » L’expérience française Pour pouvoir monter cette cellule, Icare s’est inspirée de l’expérience française de la CUMP (Cellule d’urgence médico-psychologique), créée dans l’Hexagone à l’initiative de Xavier Emmanuelli, secrétaire d’État à l’Action humanitaire d’urgence, sur instruction de Jacques Chirac, suite à l’attentat terroriste de la station RER Saint-Michel à Paris, le 25 juillet 1995. Le Dr Didier Cremniter, directeur de la CUMP de Paris, membre du Comité national de l’urgence médico-psychologique, a ainsi formé l’équipe libanaise « au stress traumatique et aux méthodes que nous utilisons en France pour intervenir et prévenir la survenue de problèmes psychiatriques et pathologies traumatiques suite à des événements catastrophiques ou nucléaires ou suite à des accidents collectifs ». Les mêmes méthodes sont-elles applicables dans toutes les sociétés et pour toutes les cultures ? « Non, répond le Dr Cremniter. C’est la raison pour laquelle nous devons nous enquérir des besoins dans le pays où nous nous trouvons et des personnes qui vont pouvoir transmettre notre message pour toucher la population. Il faudrait pour cela comprendre le fonctionnement de la société, des services médicaux, sociaux et psychologiques afin d’identifier les meilleurs moyens de toucher la population. » Et de souligner : « La CUMP se greffe sur le Samu à tous les niveaux, local et depuis quelques années international, puisque nous avons acquis une grande expérience pour intervenir dans les catastrophes qui surviennent dans le monde entier (crash aérien, tsunami…). Et l’originalité première de cette cellule, c’est une présence extrêmement rapide sur les lieux et une intervention précoce. » Sur le plan libanais, le Dr Cremniter est en quelque sorte familier avec les besoins de la population. « J’ai personnellement coordonné en France l’accueil des Franco-Libanais qui sont revenus durant la guerre, raconte-t-il. Même si certains d’entre eux se faisaient belle figure et montraient qu’ils allaient bien, je me suis très vite aperçu que c’est une population qui n’a pas l’habitude de se plaindre ou qui est plutôt en avant des troubles somatiques, mais qui est assez pudique sur le plan psychologique et qui a de grands besoins sur ce plan. » Soulignant que ces cellules revêtent une double importance pour répondre à l’augmentation significative des catastrophes et des accidents, comme au terrorisme et à l’évolution de la notion de la guerre « qui peut frapper maintenant n’importe où et n’importe comment », le Dr Cremniter insiste sur la nécessité de mettre en place dans les sociétés des cellules qui pourraient « intervenir à tout moment lorsque ces événements surviennent ». « Au niveau du Liban, la guerre de juillet et la destruction massive, en plus de la situation sociale et politique, nécessitent une réflexion à tous les niveaux notamment avec les personnes qui sont en charge des traumatisés, remarque le Dr Cremniter. Après la guerre de 2006, le moment le plus difficile pour une grande majorité des Libanais a été la fin de la guerre, lorsqu’ils ont constaté l’ampleur des dégâts et de la destruction. À chaque événement et à chaque situation, il faut donc avoir une réactivité et une rapidité d’analyses de tous les facteurs qui vont influencer pour savoir où mettre les moyens psychologiques, psychiatriques de façon à les proposer et à les intégrer dans le système. Il est évident que le Liban n’est pas comme la France. Je pense aussi à la structure communautaire et familiale qui peut se caractériser par un élément favorable sur le plan du pronostic. » Formée récemment, l’équipe libanaise d’urgence médico-psychologique commencera à intervenir bientôt sur le terrain.
Une guerre dévastatrice, des centaines de milliers de personnes déplacées, des attentats en série et des explosions de voitures piégées… Depuis trois ans, le Liban vit au rythme de ces événements qui ne cessent d’entamer l’énergie de son peuple et de le « blesser psychiquement ». Il s’ensuit une angoisse, un stress accompagné d’une importante douleur, des...