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Actualités - ANALYSE

Analyse La survie liée à la laïcisation de l’État, dans le respect du pluralisme

D’abord, l’épisode du vendredi saint, puis cette histoire (enfantine) de Charte OCI. Une crise en marge de la crise ? Une crise dans la crise ? À La Celle-Saint-Cloud, va-t-on en parler ? Il semble que non. En tout cas, sur ces remous à relent religieux, les leaders de tête ne pipent mot. Compréhensible : pour les uns il y a l’urgence de défendre l’indépendance reconquise face à un inexorable bellicisme syrien. Pour les autres, seul compte l’impératif de double lutte pour le pouvoir et contre l’américanisation régionalisée. Mais ils ont quand même tort d’ignorer, d’occulter le débat sur le méli-mélo confessionnel. Car il est, il a toujours été, vital et survital. Le Liban, de composition si variée, si foisonnante, si contrastée, constitue en effet, et en soi, qu’on l’admette ou non, une « fédération ». D’où une gerbe touffue de vrais ou faux paradoxes, dont nos chansonniers tirent leur pain blanc depuis Omar Zeenni. Et les artilleurs leur pain noir, depuis 1840. Entre sourires, rires, sanglots et pleurs, on note que tout passe, tout finit par passer comme la « question de la présence palestinienne » qui a déclenché la guerre de 1975. Frontières Ou comme, attendez et vous verrez, les empoignades serrées du temps présent sur le gouvernement, la présidentielle ou même le terrorisme, la sécurité et la Syrie. Tout passe, sauf ce problème de base essentiel : une fois retenus les principes « conventionnels » de coexistence et de démocratie consensuelle, comment les aménager pour qu’ils tiennent vraiment la route. On observera, on répliquera, d’ailleurs à juste titre, que les sujets vedettes de l’heure sont incendiaires, explosifs. Il faut les traiter en urgence absolue, l’évidence saute aux yeux. Mais si un arrangement pompier ne se fonde pas sur un plan visant à ignifuger l’ensemble exposé, le feu peut, et va reprendre à tout moment. C’est là une bombe sinon immédiate du moins à retardement, qu’il faut désamorcer. Également au titre d’une urgence absolue. C’est ce que résume la formule interrogative, mise à dire vrai en exergue par la majorité mais malheureusement pas par l’opposition : quel Liban voulons-nous ? Ce qui induit, en tête de la liste des critères à étudier ou à négocier, la « nature » de l’État, seul bien commun. Et donc, de ses rapports avec une religion omniprésente, par la force des choses, culturellement, socialement. Et politiquement. D’où une déplorable, une récurrente confusion des genres. On pouvait, d’ailleurs au prix très lourd de guerres multiples, s’en accommoder plus ou moins, tant que subsistait, en filigrane, la mentalité du compromis dit « à la libanaise ». Mais les temps changent. À la révolution du Cèdre répond ou correspond la révolution de l’islamisme fondamentaliste. Sous sa forme terroriste, violemment nocive, mais massivement abhorrée et rejetée, donc parable. Comme sous la forme policée, bien plus redoutable in fine, que lui donne le parti de Dieu. Opportunité Dans l’état des différents rapports de force actuels, le projet du Hezbollah est encore loin d’être arrivé à maturation. La récupération, la correction de tir restent du domaine du possible. Si l’on s’y prend à temps. Pour négocier un nouveau Taëf, sans plus s’accrocher à cette coquille vide, comme le font, bien à tort, la plupart des majoritaires. On dira : mais le Hezb, il n’en veut pas, il n’en veut plus, du pacte national, de la parité fifty-fifty, des équilibres harmonisés. C’est là, justement, qu’il est essentiel de repenser la règle du jeu. De gommer le faux postulat qui définit la coexistence en termes de copartage et de calculs arithmétiques. Pour se fonder, ou se refonder, sur une équation logique simple : l’État d’un côté, les communautés et leurs droits, de l’autre. Une notion élémentaire que de grandes figures, comme Camille Chamoun et Rachid Karamé, cultivaient à leur manière. Pendant, et malgré, la guerre, ils avaient étroitement coopéré, l’un en tant que ministre des Finances, l’autre en tant que président du Conseil, pour éviter la faillite financière de l’État ainsi que la désarticulation conséquente de l’Administration. Force est maintenant de relever que le rôle, excessif, dévolu aux « autorités religieuses » de ce pays reste le principal obstacle au redressement des données de fond, au sauvetage final et au progrès. Il y a tout de même d’abord, l’honnêteté la plus élémentaire le commande, à rendre justice à leur justesse de vues « nationales », à leur attitude, à leur action pacifiste autant qu’unificatrice. On ne soulignera jamais assez, notamment, la portée primordiale positive du « recours Bkerké » en diverses matières essentielles. Arsenal : le club Mais c’est là l’un des plus puissants paradoxes évoqués plus haut. Comment se fait-il que le patriarcat ou Dar el-Fatwa, tous deux défenseurs du grand et juste double principe indépendance-souveraineté, ne songent pas, ne veulent jamais, restituer à l’État (au Liban !) leur « armement » propre. Pour qu’il retrouve cette « autorité souveraine », dont ils se font les chantres. Leur armement, quel armement, ils ont des milices ? Non, bien sûr que non, mais ils gardent entre les mains, statut personnel et tribunaux religieux, le glaive d’une justice propre qui prive l’État, qui l’ampute, d’une part interne « survitale » de souveraineté. En d’autres termes, et par raccourci, qui occit la citoyenneté en tant que telle. Ce qui ne se voit dans aucune république digne de ce nom. C’est pire qu’inadmissible : inviable à terme. On peut, par exemple, noter les effets de « régression », de contre-évolution, de marche contre le sens de l’histoire, engrangés sous Hraoui, lors de la « terrible » levée unanime de boucliers religieux face au projet Fakhoury de mariage civil « facultatif » ! Tout comme, pour reprendre un thème d’actualité, déplorer la polémique sur l’adhésion à la Charte des droits de l’enfant musulman. Pour se rappeler, du reste, qu’il est bon, qu’il est légitime de s’étonner que le Liban, l’État libanais « laïc », ait rejoint les rangs de l’Organisation de la conférence islamique. Dans la même logique d’ailleurs, et comme beaucoup le réclament, il vaudrait mieux rebaptiser la Croix-Rouge libanaise en organisation du Cèdre. Vert. Vers quoi, direz-vous, doit-on donc aller ? Vers l’abolition du confessionnalisme politique ? Certes pas, car ce serait de toute évidence la fin de la coexistence et du mariage à la libanaise, avec domination de la loi du nombre. Mais, certainement aussi, vers le réajustement du système. Pour que les communautés conservent, dans l’interaction positive, leurs droits de base, culturels et politiques. Sans pour autant manger le droit de l’État. Jean ISSA
D’abord, l’épisode du vendredi saint, puis cette histoire (enfantine) de Charte OCI. Une crise en marge de la crise ? Une crise dans la crise ? À La Celle-Saint-Cloud, va-t-on en parler ? Il semble que non. En tout cas, sur ces remous à relent religieux, les leaders de tête ne pipent mot. Compréhensible : pour les uns il y a l’urgence de défendre l’indépendance reconquise face à...