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Actualités - REPORTAGE

Propos obscènes, attouchements inappropriés, exhibitionnisme, masturbation en public…les femmes fuient les rues du Caire Le harcèlement sexuel, une menace sérieuse pour les réformes en Égypte Rania MASSOUD

Le harcèlement sexuel, sous toutes ses formes, mais surtout les plus obscènes, est devenu un problème endémique en Égypte à tel point qu’il risque, selon de nombreux observateurs, de freiner le processus de réformes économiques, sociales et politiques dans le pays. Confrontées à ce phénomène alarmant, qui crée de sérieux obstacles à la participation de la femme dans la vie publique en Égypte, plusieurs organisations, comme le Centre égyptien pour les droits de la femme (ECWR), mènent depuis quelques semaines des campagnes de sensibilisation à grande échelle à travers le pays. Selon l’ECWR, le harcèlement sexuel est tout comportement indésirable de nature sexuelle qui rend les femmes insécurisées et mal à l’aise. Il peut prendre différentes formes, allant des mots ou gestes obscènes à l’attouchement inapproprié, à l’exhibitionnisme, à la masturbation en public, jusqu’au viol. En Égypte, ce sont surtout des actes obscènes qui sont perpétrés dans les rues, les transports en commun et même sur les lieux de travail, empêchant ainsi les femmes de mener une vie active normale. « Le harcèlement sexuel ne se limite pas à une catégorie d’âge ou une classe sociale définie. Au contraire, il entrave le développement social de toutes les femmes en Égypte », assure une étude récente de l’ECWR. Selon un sondage réalisé par l’ONG égyptienne auprès de 2 800 femmes, la forme de harcèlement la plus commune est l’attouchement inapproprié (40 %), suivi par des mots obscènes (38%). Près du tiers des sondées affirment être victimes de harcèlement tous les jours. Le phénomène est aujourd’hui tellement répandu que les gens adoptent bien souvent une attitude passive et ne cherchent pas à aider les victimes, allant même jusqu’à les réprimander. Le Centre égyptien pour les droits de la femme avance plusieurs raisons socio-économiques à ce comportement social pervers. « Comme le taux de chômage est très élevé en Égypte, certains ressentent beaucoup d’hostilité envers les femmes qui ont rompu avec leur rôle traditionnel de femmes au foyer pour un emploi », révèle l’ONG égyptienne, financée par l’Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l’homme. Par ailleurs, seulement 12 % des femmes interrogées par l’ONG ont cherché de l’aide auprès de la police. « Ces chiffres démontrent que les Égyptiennes n’ont pas confiance dans le système légal de leur pays ni dans la police », indique l’étude tout en soulignant qu’il n’existe pas en Égypte, jusqu’à ce jour, de lois contre le harcèlement sexuel. Selon de nombreux témoignages récoltés par l’ECWR, les policiers sont souvent eux-mêmes des harceleurs redoutables. « Un soir, alors que je rentrais chez moi, j’ai entendu un homme parlant à voix basse derrière moi, raconte une Américaine de 56 ans résidant au Caire. Et lorsque j’ai tourné la tête pour voir de quoi il s’agissait, j’ai été choquée de constater qu’un policier se masturbait derrière moi ! J’ai commencé à courir en criant à l’aide, mais le policier me poursuivait toujours. Heureusement que je n’étais pas loin de la maison. » Amira, une jeune femme voilée âgée d’une vingtaine d’années, affirme elle aussi avoir été harcelée par un policier dans l’une des rues du Caire, en plein embouteillage. « Pourquoi tu me caches tes seins ? » lui aurait-il demandé. « J’ai fait semblant de ne pas l’avoir entendu, affirme Amina. Mais au fond, j’étais dégoûtée de moi-même, et...de l’Égypte surtout. »
Le harcèlement sexuel, sous toutes ses formes, mais surtout les plus obscènes, est devenu un problème endémique en Égypte à tel point qu’il risque, selon de nombreux observateurs, de freiner le processus de réformes économiques, sociales et politiques dans le pays.
Confrontées à ce phénomène alarmant, qui crée de sérieux obstacles à la participation de la femme dans la vie...