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Actualités - ANALYSE

ANALYSE Alger compte exploiter les dissensions entre islamistes

Les attentats-suicide du 11 avril à Alger ont provoqué au sein de la mouvance islamiste armée des remous que les autorités algériennes comptent mettre à profit pour l’affaiblir. Passés maîtres dans la manipulation des factions islamistes, les services de sécurité algériens vont à coup sûr encourager ces dissensions internes pour tenter de faire éclater l’organisation el-Qaëda au Maghreb islamique (AQMI). Ce mouvement, nouvelle appellation du GSPC, dernier grand groupe armé encore actif issu de l’insurrection islamiste de 1992, a revendiqué le triple attentat-suicide du mois dernier, qui a fait 33 morts, des passants pour la plupart. « Les attentats du 11 avril ont provoqué un double choc : le premier parmi les gens ordinaires, qui en répudient les auteurs et les planificateurs, et le second au sein de l’organisation elle-même », croit savoir le journal el-Watan. « Il règne un climat de méfiance au sein du groupe », écrit ce quotidien francophone, généralement bien informé sur les affaires de sécurité, sous la plume de Salima Tlemcani. Forte d’environ un demi-millier de combattants, la guérilla n’est plus que l’ombre d’elle-même si l’on se réfère à son apogée, au milieu des années 1990, où elle alignait des dizaines de milliers d’hommes voués à la création d’un émirat islamique dans l’ex-colonie française riche en pétrole et en gaz. Mais le recours planifié à des kamikazes – apparemment pour la première fois – et de récentes attaques ciblées contre des commissariats de police et des ressortissants étrangers laissent craindre un retour à ces « années de plomb » qui ont fait jusqu’à 200 000 morts. L’insurrection islamiste a connu plusieurs scissions depuis qu’elle a éclaté en 1992 sous la bannière du Front islamique du salut (Fis) – désormais interdit – qui venait de se voir privé par l’armée de la victoire électorale qui lui était promise. L’une des scissions les plus notoires est celle qui est intervenue en 1998, lorsque des combattants islamistes ont quitté l’Armée islamique du salut, bras armé du Fis dissous, pour protester contre les massacres de civils qu’elle commettait. Ces dissidents ont alors fondé le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), qui a concentré ses coups contre la police et l’armée. Dernier groupe encore actif issu de la rébellion de 1992, le GPSC a fait allégeance l’an dernier à el-Qaëda et a été adoubé par le bras droit d’Oussama Ben Laden, l’Égyptien Aymane al-Zaouahri, avant de se rebaptiser AQMI en janvier. Au-delà de ce changement d’appellation, le mouvement a modifié sensiblement sa tactique, délaissant les coups de main contre la police dans les campagnes pour se concentrer sur des attentats spectaculaires en milieu urbain. Au lendemain des attentats du 11 avril, dont des Algériens ordinaires ont été les principales victimes, un des responsables du GSPC, Brahim Boufarik, a désavoué ce massacre et s’est livré aux autorités. Il s’est vu octroyer une immunité judiciaire. « Plusieurs muftis au sein de notre organisation s’opposent au recours aux attentats-suicide parce qu’ils touchent des civils. Il ne semble pas qu’il y ait de différence d’approche entre Droudkel et le GIA », a confié Boufarik au quotidien Echorouk. Les Groupes islamiques armés (GIA), aujourd’hui décimés par les forces de sécurité, étaient issus d’une autre scission de l’AIS conduite par des éléments encore plus radicaux. Abdelmalek Droudkel est l’actuel chef d’AQMI. Dans un communiqué, Droudkel a nié tout désaccord au sein d’AQMI à propos des attentats-suicide, assurant qu’il existe « un accord unanime parmi les chefs et les combattants du groupe sur l’ouverture de cette grande porte d’accès à l’engagement avec l’ennemi ». Selon des analystes, même si certains journaux exagèrent en évoquant une scission, la tendance aux luttes intestines s’est tellement ancrée au fil des années au sein des maquis islamistes que les possibilités de dissensions graves sont crédibles. Hors d’AQMI, d’autres groupes armés, comme Houmat Daoua Salafia, présent dans l’ouest du pays, ont exprimé leur désaccord avec les attentats d’Alger. « Ils vont dissuader les gens de nous rejoindre et affaiblir notre soutien populaire », a déploré le chef d’HDS, Salim Daoua Salafia. La « vieille garde » du GSPC, y compris son fondateur Hassan Hattab, disent que les théologiens qui les inspirent répudient le recours aux kamikazes parce que ce sont les civils qui en sont généralement les victimes. Dans une lettre ouverte au président Abdelaziz Bouteflika publiée par un quotidien algérois, Hattab a condamné l’action du 11 avril et dénoncé AQMI comme « un groupuscule qui cherche à transformer l’Algérie en un nouvel Irak », où l’essentiel des victimes sont précisément des civils. « Contrairement à l’Irak et à l’Afghanistan, il n’y a pas d’occupation étrangère ici. Considérer les Algériens comme des étrangers n’a pas de sens », fait valoir un responsable de la sécurité algérienne. Pour la vieille garde du GSPC comme Hattab, l’Algérie est divisée en trois : les rebelles, les autorités et le peuple. Les deux premiers sont des belligérants, pas le troisième, qui ne doit donc pas être pris pour cible. En revanche, l’idéologie du groupe de Droudkel permet à un musulman d’en dénoncer un autre comme un renégat, ou un mécréant, et donc de le supprimer. Dans cette optique, l’Algérie n’est divisée qu’en deux : les combattants religieux et les autres. Lamine Chikhi (Reuters)



Les attentats-suicide du 11 avril à Alger ont provoqué au sein de la mouvance islamiste armée des remous que les autorités algériennes comptent mettre à profit pour l’affaiblir. Passés maîtres dans la manipulation des factions islamistes, les services de sécurité algériens vont à coup sûr encourager ces dissensions internes pour tenter de faire éclater l’organisation...