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Actualités - OPINION

LE POINT Ministre de l’injustice Christian MERVILLE

Tous ceux qui ont eu à le prononcer s’en souviennent encore, avec une émotion demeurée intacte. « Je jure fidélité au drapeau des États-Unis d’Amérique et à la République qu’il représente, une nation sous Dieu, indivisible, et pour tous liberté et justice», dit le serment d’allégeance. Alberto Gonzales aura commis l’erreur, impardonnable, d’ignorer la dernière partie de ce texte, préférant politiser le ministère dont il a la charge, ce Department of Justice traditionnellement imperméable aux influences extérieures, ainsi que l’avaient voulu les Pères fondateurs, dans leur souci de faire strictement appliquer les lois en vigueur. Ces dernières semaines, l’attorney général a vu l’abandonner deux de ses principaux adjoints : Kyle Sampson, en mars, puis Paul McNulty, il y a neuf jours. Motif officieux : le tollé dans l’opinion publique, furieuse d’apprendre que les deux hommes avaient préparé une charretée de neuf procureurs généraux, renvoyés à leurs études il y a cinq mois et remplacés par des féaux de la présente Administration. L’explication de cette décision, sans précédent, il convient de la chercher dans une note confidentielle adressée à la Maison-Blanche : « Nous voulons des personnes fidèles au président » (« Loyal Bushies »). Les journaux américains ont été bien inspirés de fouiller dans les papiers du ministère. Ils ont appris ainsi que les D.A. limogés étaient en poste dans des circonscriptions âprement disputées entre candidats des deux grands partis lors des élections générales de novembre dernier. Grand manitou de la présidence, Karl Rove est soupçonné d’avoir joué un rôle de premier plan dans cette affaire. Soupçonné seulement – mais fortement… – car il existe une chaîne parallèle de mémos qui lui étaient adressés et dont les enquêteurs attendent toujours de prendre connaissance. Mais dès février, McNulty révélait à une commission de la Chambre des représentants que le District Attorney de l’Arkansas, Bud Cummings, avait été poussé vers la sortie afin de céder la place à Tim Griffin, un ancien lieutenant de Rove. Dans une vaine tentative de se dédouaner, le ministre cherche aujourd’hui à renvoyer la patate chaude à son ancien coéquipier. D’abord la fleur : « Paul a accompli un travail formidable. » Puis la vacherie : « Il était le supérieur direct des procureurs, dont il connaissait parfaitement les états de service. C’est lui qui a signé l’ordre de licenciement ; je n’ai fait qu’approuver. » Pas très élégant, le procédé. Ni très efficace, semble-t-il, puisque l’épée de Damoclès est toujours là, menaçante. Les démocrates ne sont pas seuls à réclamer le départ du successeur de John Ashcroft, démissionnaire il y a trois ans pour son interprétation par trop restrictive des libertés publiques. Six sénateurs républicains les ont ralliés, bientôt rejoints, dit-on, par des collègues du Grand Old Party. Intervenant dans le cadre du programme de la chaîne ABC Face the Nation, le représentant de la Pennsylvanie Arlen Specter croit savoir que plutôt que de faire l’objet d’un vote de destitution assuré d’obtenir une large majorité, Gonzales pourrait opter pour la démission. George W. Bush pour sa part craint de voir l’opposition refuser d’entériner le choix d’un successeur avant de lui arracher la promesse de nommer un enquêteur spécial chargé de faire toute la lumière sur le dossier des US District Attorney. Curieux personnage que cet Alberto Gonzales, deuxième des huit enfants d’un modeste ouvrier du bâtiment, Pablos, dont les parents étaient entrés illégalement aux États-Unis. Premier Hispanique à détenir un poste de première importance dans l’Administration, ce diplômé de la prestigieuse faculté de droit de Harvard a quitté la firme de Houston qui l’avait engagé pour devenir l’un des conseillers de Bush. C’est d’ailleurs à celui-ci qu’il doit une ascension fulgurante. Secrétaire d’État puis membre de la Cour suprême du Texas, il avait suivi son mentor à la Maison-Blanche avant d’être nommé à son poste actuel le 3 février 2005, réussissant bien vite l’exploit inédit jusqu’alors de se situer à l’extrême droite de son prédécesseur dans la lutte contre le terrorisme, un mot d’une extensibilité quasi illimitée dans son vocabulaire (très) personnel. C’est lui, un exemple entre cent, qui a couvert les méthodes musclées en vigueur à Guantanamo et qui, à l’occasion, s’en vante. L’avant-dernier mot de la fin a été prononcé par le représentant démocrate du Michigan, John Conyers, qui a fini par lâcher, excédé par les innombrables « Je ne m’en souviens pas » de ce drôle de témoin : « En somme, vous ne savez rien, mais tous les indices convergent vers le 1 600 Pennsylvania Avenue » (siège de la Maison-Blanche). Où le dernier carré de fidèles se réduit comme peau de chagrin. Combien de partisans, la défaite ?..
Tous ceux qui ont eu à le prononcer s’en souviennent encore, avec une émotion demeurée intacte. « Je jure fidélité au drapeau des États-Unis d’Amérique et à la République qu’il représente, une nation sous Dieu, indivisible, et pour tous liberté et justice», dit le serment d’allégeance. Alberto Gonzales aura commis l’erreur, impardonnable, d’ignorer la...