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Actualités - CHRONOLOGIE

Le recours à la mammographie comme outil de dépistage précoce sauve la vie de milliers de femmes en Occident Au Liban, quelque 60 à 80 % des cancers du sein sont détectés à un stade avancé Rubrique réalisée par Nada Merhi

Les appels à un dépistage précoce du cancer du sein se multiplient depuis quelques années, incitant les femmes à mieux connaître leur corps et à ne pas rater leur rendez-vous annuel avec la mammographie. Ils invitent de même les autorités concernées à développer une stratégie nationale pour un meilleur dépistage des tumeurs au sein, d’autant que la guérison est possible chez 90 % des femmes dont la masse a été détectée à ses débuts. De passage à Beyrouth, le Dr Nagi Khouri, professeur associé d’oncologie et de radiologie et directeur du département de radiologie mammaire à l’hôpital Johns Hopkins aux États-Unis, réitère cet appel. Il exhorte les autorités concernées à mener des campagnes de sensibilisation en ce sens et insiste par la même occasion sur l’importance d’une prise en charge pluridisciplinaire des patientes. Conférencier ayant pris part à un séminaire dédié aux « concepts récents dans la gestion pluridisciplinaire du cancer du sein », dans le cadre des travaux de la XLIe Assemblée médicale du Moyen-Orient (MEMA), organisée récemment à l’Université américaine de Beyrouth, avec la participation de médecins de Johns Hopkins et de l’AUB, le Dr Khouri souligne que « 60 à 80 % des cancers du sein sont détectés au Liban à un stade non guérissable, contrairement à plusieurs autres pays occidentaux où seules 20 % des tumeurs du sein sont détectées à un stade avancé ». Cela est principalement dû, selon le médecin, au recours à la mammographie pour un dépistage précoce du cancer du sein, « ce qui permet d’entamer le traitement rapidement », mais aussi « au taux d’éveil observé au sein de la population féminine et de la communauté médicale ». « Intervenir tôt, lorsque la tumeur est inférieure à un centimètre et en l’absence d’envahissement de ganglions, permet de garantir de plus fortes chances de survie à la patiente », insiste le Dr Khouri, soulignant que depuis quelques années, la mammographie classique a cédé la place dans certains grands centres du monde à la mammographie numérique. « Cette dernière technique a l’avantage d’être plus sensible et plus précise chez les femmes de moins de 50 ans, qui ont des seins de densité hétérogène ou extrêmement denses, ainsi que chez les femmes préménopausées, explique le Dr Khouri. L’avantage de cette technique réside aussi dans la possibilité de sauvegarder sur ordinateur les images électroniques de chaque patiente. Celles-ci peuvent également être imprimées sur film, stockées, copiées ou interprétées à distance. Le gros inconvénient de cette technique demeure toutefois dans le coût de la machine, qui est au moins cinq fois supérieur à la mammographie classique. » Et les marges d’erreurs ? « Les marges d’erreurs existent si le radiologue n’est pas suffisamment compétent, répond le Dr Khouri. Mais la sensibilité d’une mammographie classique à attraper un cancer est de 70 à 80 %, avec une bonne interprétation, d’où l’importance de l’examen clinique et de l’autopalpation. La femme doit être donc familière avec ses seins et informer son médecin du moindre changement. Dans 25 % des cas restants, le cancer n’est pas détecté parce que les seins sont denses ou encore parce que le cancer s’est manifesté entre deux mammographies (près de 7 % des cas). D’où l’importance du rendez-vous annuel pour cette radiographie, dès l’âge de 40 ans, en l’absence d’un antécédent familial. Dans le cas contraire, la mammographie doit commencer cinq ans plus tôt que le plus jeune âge au cours duquel la tumeur a été diagnostiquée dans cette famille. » Oui à la chirurgie conservatrice La chirurgie conservatrice demeure la deuxième importante avancée dans la prise en charge d’un cancer du sein, notamment lorsqu’il est détecté à un stade précoce, ainsi que les nouvelles techniques de biopsie. « La biopsie chirurgicale est rarement pratiquée dans la médecine moderne de sénologie, souligne le Dr Khouri. La science met aujourd’hui à la disposition des spécialistes des aiguilles spéciales (le mammotome, à titre d’exemple) qui permettent d’obtenir des prélèvements du sein avec la même exactitude que la chirurgie sous guidance des ultrasons ou radiographie stéréotactique. Il s’agit de procédures indolores qui se font en moins d’une demi-heure. » Des progrès sont également observés dans le traitement chirurgical du cancer du sein. « La mastectomie était auparavant le seul traitement chirurgical de la tumeur au sein, remarque le Dr Khouri. Aujourd’hui, dans un contexte approprié, on peut potentiellement offrir à la femme le choix de faire une lumpectomie, qui consiste en une ablation de la tumeur du sein avec le tissu proche, ou une quadrantectomie, qui consiste en une ablation de la tumeur ainsi que près de 25 % du tissu mammaire. Les résultats de cette intervention sont les mêmes que ceux observés dans la mastectomie, avec l’avantage de préserver le sein. Malheureusement, il s’agit de techniques qui ne peuvent être pratiquées que lorsque les lésions sont petites et uniquement par des chirurgiens spécialisés. » Comportement différent L’incidence du cancer du sein chez les femmes âgées de moins de 40 ans est nettement supérieure au Moyen-Orient et dans plusieurs pays d’Afrique à celle observée chez la même population de femmes dans les pays européens, américains et australiens, où uniquement 5 % des cas touchent les femmes de moins de 40 ans. « Malheureusement, nous ne disposons pas de statistiques exactes au Moyen-Orient, mais nous estimons que près de 25 % des cas de cancers du sein affectent des femmes de moins de 40 ans dans cette région du monde », observe le Dr Khouri, qui souligne que les causes de cette incidence élevée sont encore ignorées. Insistant sur « la nécessité d’être vigilant lorsqu’une masse est soupçonnée ou détectée dans le sein de toute femme quel que soit son âge », le Dr Khouri note que « le comportement du cancer du sein diffère d’une région à une autre, ce qui ouvre la porte à des recherches génétiques et cliniques ». Il appelle, par ailleurs, le gouvernement à « développer une stratégie nationale qui bénéficierait surtout aux femmes issues des milieux les plus défavorisés ». Et le Dr Khouri de conclure en insistant sur la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire du cancer du sein, impliquant le radiologue, le chirurgien, le médecin de famille, le pathologue et l’oncologue. « Aujourd’hui, cette prise en charge nécessite une implication directe entre ces différents partenaires au-delà de la simple lecture d’un rapport », dit-il.
Les appels à un dépistage précoce du cancer du sein se multiplient depuis quelques années, incitant les femmes à mieux connaître leur corps et à ne pas rater leur rendez-vous annuel avec la mammographie. Ils invitent de même les autorités concernées à développer une stratégie nationale pour un meilleur dépistage des tumeurs au sein, d’autant que la guérison est...