Un mélange de fête et d’atmosphère studieuse

Le rideau s’ouvrira demain sur la 60e édition du Festival de Cannes, événement qui sera fêté sagement et dignement tant l’équipe dirigeante entend plus que jamais mettre à l’honneur les créateurs, leurs films, et aussi le lieu privilégié de révélation des œuvres, la salle obscure. Comme le souligne la directrice générale Catherine Démier, l’accent sera mis cette année sur « l’envie de rendre hommage aux artistes, rassembler ceux qui ont fait confiance au Festival, ceux que Cannes a découverts et accompagnés ». Un premier signe de cette volonté est perceptible dans l’affiche de ce 60e Festival : neuf personnalités du septième art y apparaissent, d’humeur plutôt espiègle et photographiés en plein saut, alors que l’affiche de la manifestation est traditionnellement plus abstraite. Une autre preuve en est Chacun son cinéma – To Each His Own Cinema, le film du 60e festival –, « deux heures et 33 petits bouts de film », résume le président Gilles Jacob, pour préciser le nombre de cinéastes du monde entier qui auront participé à sa réalisation. « La mise en valeur des créateurs, l’écrin où montrer leur œuvre la plus récente, a toujours été au cœur de mes préoccupations, cette année plus que jamais », affirmait Jacob en avril, à l’occasion de la conférence de presse donnée pour la présentation de la sélection. « D’où cet hommage aux metteurs en scène que constitue le film du 60e anniversaire et l’importance accordée à la salle de cinéma. » Fil rouge L’implantation d’une nouvelle salle de cinéma dans le complexe festivalier, pris entre le port de Cannes et le début de la Croisette, est le troisième pilier de ce 60e millésime, et même son « fil rouge », de l’aveu de Jacob. Car si la Croisette sera à la fête, il n’en va pas forcément de même, durant toute l’année, pour le septième art, en tout cas un certain cinéma, le cinéma d’auteur. « Le Festival œuvre toujours pour la défense d’une certaine idée orgueilleuse du cinéma », rappelait Jacob. Mais, complétait Catherine Démier, « le constat est cruel : il est de plus en plus difficile, même pour les grands auteurs, de trouver les moyens de faire un film ». Les cinéastes confirmés, qui ont une autre ambition pour le cinéma que d’en faire un divertissement grossier, et les nouveaux venus ayant donc pour point commun de se retrouver dans les mêmes galères financières, le Festival tient plus que jamais, dit Jacob, à « mêler héritage et modernité, grandes signatures et jeunes pousses ». De fait, la liste des 22 films en compétition officielle fait cohabiter comme à l’habitude grands noms et petits nouveaux. Ces derniers sont 13 cette année, et pour certains des cinéastes déjà reconnus et confirmés. Vingt-deux films presque miraculés, si l’on songe que le comité de sélection aura vu cette année 1 615 longs-métrages, soit 11 % de plus qu’en 2006. Apparemment, 2007 est une année « assez riche », a dit le délégué artistique et responsable de la sélection, Thierry Frémaux, « mais une année dont on a voulu qu’elle soit comme l’année dernière, la poursuite d’une politique de renouvellement ». Patrimoine et avenir Le Festival aura certes ses traditionnelles et nombreuses soirées, mais l’heure sera aussi à la réflexion. Une rencontre mobilisera les professionnels le jour de l’ouverture, demain, pour réfléchir au rôle des réalisateurs, producteurs, distributeurs à l’ère du numérique, face aux nouveaux médias et aux nouvelles habitudes du public. Cela pour la modernité. Quant au patrimoine, il sera au cœur de la World Cinema Foundation. Cet organisme, né dans l’esprit de Martin Scorsese, verra le jour à Cannes le 22 mai. Son objectif est d’aider financièrement la préservation, la restauration et la diffusion des films du monde entier.