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Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITION - Il expose ses huiles à la galerie Alice Mogabgab jusqu’au 5 mai L’art de l’apparition de Takayoshi Sakabé

C’est toute une culture, une philosophie de vie, une façon d’être, de marcher, de danser et de penser, de s’exprimer enfin, que Takayoshi Sakabé a ramené avec lui de son Extrême-Orient. Pour sa deuxième exposition dans cet espace devenu familier, il affiche la même attente, la même tension et, paradoxalement, la même sérénité face à la vie, qui n’est à ses yeux – bridés – que survie… Étrange petit bonhomme totalement et naturellement introverti, qui parle le français avec l’accent de son pays, pour avoir partagé sa vie durant trente ans entre le Japon et la France. Aujourd’hui, c’est à Istanbul qu’il a déménagé l’autre moitié de lui. « Je m’y suis tout de suite senti chez moi, avoue-t-il. Nos langues sont proches et puis les gens, là-bas, sont bruts et extraordinaires. » Difficile d’imaginer Takayoshi Sakabé chez les Turcs. Tout en lui respire le silence, la retenue, l’émotion contenue. Et pourtant, c’est là-bas qu’il va puiser une autre énergie. Lui qui tient, en permanence, à renouveler cette « sensation vitale de l’instant » qui le motive. Longtemps influencé par Balthus, les fresques de Giotto et la Renaissance italienne, ses études aux Beaux-Arts de Paris et sa recherche artistique l’ont mené vers un travail épuré, où les ocre, gris et beige de ses fonds, avec une touche de rouge orangé, côtoient les visages de femmes en attente ou endormies, les animaux aux aguets et les paysages éthérés. « Je suis dans ces couleurs depuis 15 ans. La tradition animalière est très importante dans notre culture, précise-t-il. J’aime le dépouillement, je jette tout ce qui n’est pas nécessaire. » Un goût d’inachevé Les toiles de Sakabé peuvent sembler familières. Elles ont cette magie intacte qui plonge le visiteur dans une atmosphère de sérénité. Un brouillard poétique où tous les sens, attentifs, sont interpellés. Ses sujets de prédilection, animaux, pigeons, branche, personnages, et son traité particulier reviennent, comme un refrain qui ramène à l’essentiel. « Je compose une toile comme si je faisais une mosaïque, très lentement et morceau par morceau, souligne Takayoshi Sakabé. D’abord je réalise mes châssis, aux dimensions que je souhaite, toujours des carrés. Je pose la toile, en lin écru brut, que je prépare moi-même des deux côtés. J’enduis la surface de pigments épais, comme un maçon. La matière qui enduit ma toile est si présente, que les couleurs sont aussitôt absorbées. » La texture de ses fonds, volontairement mats, où se mêlent le blanc, les ocres et surtout l’or, donne au tableau un caractère à la fois intemporel et ponctuel. Comme si le personnage allait apparaître ou disparaître entièrement. Comme si l’histoire n’était pas finie, que tout pouvait encore arriver. « Il ne faut jamais finir une toile. Le non-dit est essentiel, c’est vous qui allez le terminer. » En effet, les pigeons sur le point de s’envoler, le chien tendrement attentif, le singe et son enfant dégagent ce même rythme, cette danse intérieure si proche de l’art du Buto. « Je pratique cette danse contemporaine depuis de nombreuses années », dit-il, avant de se lever pour une petite démonstration. « Vous comprendrez mieux l’essence de mon travail. » Alors, le peintre, comme venu d’une autre planète, comme parti rejoindre une autre sphère, ferme les yeux et se met, lentement, les gestes décomposés et saccadés, les muscles tendus vers l’infini, à marcher, s’avancer et vivre pleinement chacun de ces mouvements et de ces sens. Il en va ainsi de la peinture et de l’existence de Takayoshi Sakabé, vécues comme un équilibriste, sur un fil, tentant de toucher, en savourant l’instant, le ciel et son immensité. Carla HENOUD

C’est toute une culture, une philosophie de vie, une façon d’être, de marcher, de danser et de penser, de s’exprimer enfin, que Takayoshi Sakabé a ramené avec lui de son Extrême-Orient. Pour sa deuxième exposition dans cet espace devenu familier, il affiche la même attente, la même tension et, paradoxalement, la même sérénité face à la vie, qui n’est à ses yeux...