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Malgré ses 56 jours d’hôpital, Hala n’est pas au bout de ses peines

Hala Mazloum, 18 ans et demi, n’a jamais intégré un parti politique. Toujours alitée après avoir quitté l’hôpital il y a une dizaine de jours, elle veut lancer un message à tous : « Arrêtez de vous disputer à cause de votre appartenance politique. Regardez-nous, nous les victimes du bus… Il y en avait de tous les courants, mais aucun leader, aucun dirigeant ne s’est vraiment préoccupé de notre sort. » Hala Mazloum n’arrive toujours pas à se lever. Elle habite Beit Chabab et avait pris le bus à Bickfaya avec son ami d’enfance, Michel Attar, qui a péri dans l’attentat. Ils avaient avec eux un troisième camarade, Alain Khoury, 18 ans et demi. Ils étaient assis à l’arrière du véhicule et se rendaient à Achrafieh, à la faculté de gestion de l’Université libanaise, où ils suivaient les cours de première année. Hala avait été secourue par son oncle maternel qui travaille à Aïn Alak et qui avait vite accouru sur les lieux de l’explosion pour trouver sa nièce grièvement atteinte. La jeune fille a eu les tympans crevés par le souffle de l’explosion. Ses pupilles se sont dilatées et sa myopie s’est aggravée de quelques degrés supplémentaires. L’une de ses incisives s’est brisée. Son visage a brûlé, ses pieds aussi et elle a eu les deux jambes cassées, la gauche surtout, qui a été broyée par la ferraille. Les médecins ont réussi à la sauver grâce notamment à des greffes de peau, la pose de lambeaux musculaires et d’un fixateur, sa fracture étant toujours ouverte. C’est en raison de cette plaie à la cuisse gauche qu’elle a contracté un virus à l’hôpital. « Ma fille est restée 56 jours à l’hôpital, elle a subi en tout 12 interventions chirurgicales. Maintenant, les médecins me disent de prier pour que le virus ne se propage pas jusqu’aux os… », révèle Thérèse, la mère de Hala. « Même si tout se passe bien, elle devra encore retourner dans deux mois à l’hôpital », ajoute-t-elle. À l’instar des autres blessés du double attentat de Aïn Alak, Hala a été hospitalisée aux frais du ministère de la Santé. Mais, depuis sa sortie de l’hôpital, c’est sa famille qui assume les frais des médicaments et des pansements effectués à l’hôpital. Elle s’y rend toutes les quarante-huit heures et chaque pansement coûte 20 dollars. Chaque jour, Hala a besoin également d’une piqûre dont le coût s’élève à 22 dollars. Comme les autres blessés qui doivent subir une deuxième intervention chirurgicale, Hala ne sait pas si sa deuxième hospitalisation sera prise en charge par le ministère de la Santé. Deux tubes de pommade par jour En l’espace d’une semaine, depuis que la jeune fille est rentrée à la maison, sa famille a déboursé 300 dollars rien que pour les médicaments. Alitée dans sa chambre, Hala montre en souriant trois petits tiroirs consacrés à ses médicaments. « Pour ma jambe, j’ai besoin entre autres de deux tubes de pommade par jour », dit-elle. Comment la famille se débrouille-t-elle surtout que le père de la jeune fille n’assume plus les dépenses du foyer depuis qu’il est parti ? « J’ai cinq enfants, quatre filles et un garçon. Les aînés, qui poursuivent leurs études, travaillent pour assurer leur argent de poche. Hala, par exemple, donnait des leçons particulières avant l’explosion. Depuis l’année dernière, moi-même je ne travaille plus à cause d’un accident de santé », raconte Thérèse. Puis elle éclate en sanglots : « Mon fils aîné, Élie, est parti à l’étranger quelques semaines après l’attentat. Il téléphone tous les jours… Il lui restait encore un semestre pour décrocher son diplôme de gestion, mais il a eu une offre d’emploi en Afrique, au Ghana. Il n’a que 24 ans. Il avait décidé de partir afin de subvenir aux besoins de la famille. Il a été très bouleversé par l’explosion. » Puis Thérèse s’insurge : « Arrive-t-il aux enfants de politiciens de mettre un terme à leurs études et de partir travailler pour aider leur famille ou un proche, victime d’une explosion ? Mis à part le député de Beyrouth, Atef Majdalani, Mmes Joyce Amine Gemayel et Patricia Pierre Gemayel, qui se sont rendus une fois au chevet de Hala, personne n’a demandé de nos nouvelles… Personne ne s’est occupé de nous. Ma fille n’a pas été blessée dans un accident de la route. Elle a été victime d’un attentat terroriste ! » Thérèse tient cependant à remercier la direction de l’hôpital, le corps médical et surtout « les religieuses, infirmières et médecins qui étaient à nos soins durant 57 jours, ainsi que les secouristes de la Croix-Rouge ». « J’envie Michel, il ne souffre plus » Même si elle pleure quand elle est seule dans sa chambre, Hala semble plus sereine que sa mère. La jeune fille indique que cette épreuve a renforcé sa foi en Dieu : « Un jour, j’avais subi une greffe, j’avais très mal aux jambes, j’ai prié pour que saint Charbel allège mes peines. Je l’ai vu en rêve poser un livre de prières sur les quatre points les plus endoloris de mon corps et ce sont ces quatre points qui ont guéri le plus vite. » « Dans cet attentat, j’ai perdu mon ami le plus cher, Michel Attar, il était assis à côté de moi… Aujourd’hui, je l’envie : il est mort, il est au ciel, il ne souffre plus », ajoute Hala, qui a aligné sur sa table de chevet quelques photos de son camarade d’école. Jusqu’à présent, la jeune fille refuse de recevoir sa famille. Hala et Michel étaient les meilleurs amis du monde. D’ailleurs ils avaient choisi d’entrer à la même faculté pour être ensemble. Tous les matins, ils prenaient le bus sauf les mardis. Ce mardi-là, jour de l’attentat, était une exception. « Ce jour-là, nous voulions aller exceptionnellement à l’université. Mon frère avait proposé de m’accompagner en voiture, j’avais refusé. Michel avait aussi insisté pour prendre le bus », note-elle. « Michel sentait qu’il allait partir. La veille, il m’avait serré très fort dans ses bras en disant : «C’est étrange, mais je sens que quelque chose va m’arriver». De plus, il nous avait donné les clés du club des jeunes de la paroisse en disant : «Pour le cas où quelque chose arriverait» », ajoute Hala. « Avant l’explosion, j’étais une personne peureuse, un rien m’inquiétait. Maintenant tout est différent. C’est comme si plus rien ne peut m’atteindre. Je pense que je suis devenue de loin plus forte », dit-elle. « C’est vrai, j’ai perdu un an de ma vie, mais le monde n’a pas arrêté de tourner », poursuit-elle. Puis, tentant de se donner courage, elle dit : « L’année prochaine, j’irais mieux, je pourrais me rendre à l’université poursuivre mes études. » Depuis l’attentat, Hala ne parvient pas à se concentrer, à regarder la télévision ou à lire un livre. Pourtant, elle pense aux examens qu’elle doit présenter en juillet et en septembre. Elle conclut résolue : « Je vais étudier à la maison, comme Alain Khoury, qui était dans ma classe et qui a été également blessé dans l’explosion. Mais la direction de l’université aurait pu nous dispenser de quelques matières pas très importantes pour que nous ne rations pas l’année. Après tout, nous n’avons pas demandé à être dans ce bus. »

Hala Mazloum, 18 ans et demi, n’a jamais intégré un parti politique. Toujours alitée après avoir quitté l’hôpital il y a une dizaine de jours, elle veut lancer un message à tous : « Arrêtez de vous disputer à cause de votre appartenance politique. Regardez-nous, nous les victimes du bus… Il y en avait de tous les courants, mais aucun leader, aucun dirigeant ne s’est...