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Le pacte national de 1943 Joseph CODSI

Je m’adresse ici aux personnes qui sont nulles en sciences politiques. Il n’est évidemment pas question de donner des leçons aux experts en la matière. Le Liban est devenu indépendant en 1943. Le président de la République de ce temps-là, Béchara el-Khoury, et le Premier ministre, Riad el-Solh, ont senti le besoin de régler un point important qui se rapportait à la question centrale suivante : « Comment faut-il concevoir la coexistence des chrétiens et des musulmans dans la République libanaise ? » Ce serait normalement le rôle de la Constitution de régler les questions les plus fondamentales qui concernent notre projet national. Le besoin d’improviser à la dernière minute une entente nationale s’explique par le fait qu’aux yeux des personnes qui avaient la charge de gouverner le pays la Constitution ne répondait pas à la question qu’ils se posaient. La Constitution de 1926 fait du Liban une République qui, contrairement au principe républicain, tolérait notre système communautaire, mais sans lever la contradiction flagrante entre ces deux conceptions des choses. Tant que les autorités mandataires avaient le dernier mot, la contradiction restait abstraite. La France se chargeait de régler tout ce qui diviserait les Libanais. Avec l’indépendance, la France disparaissait de la scène, laissant aux Libanais le soin de se préoccuper de la contradiction nationale. Comment réconcilier le système républicain qui voit dans nos communautés une sorte de « peste » (le mot est de Maxime Rodinson) avec l’attachement profond des Libanais à leurs communautés respectives ? C’est dans un tel contexte qu’il convient de situer le pacte national de 1943. Le savoir politique de Béchara el-Khoury et de Riad el-Solh en restait au stade du sentiment vague et imprécis, qu’il s’agissait de traduire dans une formule nationale qui ne pouvait être à son tour que bien vague et imprécise. Les deux leaders libanais sentaient le besoin de s’entendre sur une formule de coexistence islamo-chrétienne, formule que la Constitution se gardait bien d’aborder. Il serait bon de rappeler ici que la communauté sunnite avait boudé la République tout au long du mandat. Elle ne pouvait pas se résigner à se voir réduite à une simple communauté, tout comme les « dhimmis » (minorités non musulmanes vivant sous un régime musulman). C’est l’indépendance qui fut pour elle l’occasion d’accepter le fait libanais et d’entrer dans le jeu communautaire. La science politique ne s’improvise pas. Elle commence par être bien tâtonnante. Le pacte national de 1943 porte les stigmates de ce défaut. La question qu’il fallait régler était claire. Les chrétiens avaient des liens avec le monde occidental et les musulmans avec le monde oriental. Laissés à leurs tendances naturelles, ces deux groupes tiraient le Liban dans des sens opposés. Le besoin s’est alors fait sentir de conjurer les démons libanais en demandant à chaque camp de renoncer à ses démons. Que les chrétiens renoncent aux liens qui les rattachent au monde chrétien et occidental, et que les musulmans en fassent autant par rapport au monde musulman et oriental. Nous connaissons la boutade de Georges Naccache : Deux négations ne font pas une nation. Il y a du vrai dans cette boutade, mais nous ne pouvons pas nous en contenter. La négation est parfois nécessaire pour dire ce que nous ne sommes pas et ce que nous ne devrions pas être en tant que nation. Ce que je trouve aberrant, toutefois, c’est de demander aux chrétiens de renoncer aux sentiments qui les rattachent au monde chrétien, et aux musulmans de renoncer aux sentiments qui les rattachent au monde musulman. « Chassez le naturel, il revient au galop. » Dans les temps de crise, le pacte national ne pouvait que tomber à l’eau, tout simplement parce qu’il ne respecte pas la nature des choses. Notre histoire confirme ce point. Une guerre catastrophique nous a amenés à réviser le pacte de 1943. Nous en avons produit un autre qui porte le nom de Taëf. La question qu’il convient de nous poser en 2007 est la suivante : « À juger l’arbre à son fruit, l’arbre de Taëf a-t-il porté de meilleurs fruits que celui de 1943 ? » Joseph CODSI Universitaire Article paru le Vendredi 6 Avril 2007 Prochain article : « Pas d’indépendance sans neutralité »
Je m’adresse ici aux personnes qui sont nulles en sciences politiques. Il n’est évidemment pas question de donner des leçons aux experts en la matière.
Le Liban est devenu indépendant en 1943. Le président de la République de ce temps-là, Béchara el-Khoury, et le Premier ministre, Riad el-Solh, ont senti le besoin de régler un point important qui se rapportait à la question...