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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - « À qui appartient la terre, à qui appartient Dieu », de Hoda Naamani De la passion des mots à l’expérience mystique…

De Washington à Londres, en passant par Le Caire, les voyages et le ballet des valises déballées ont fait partie intégrante du paysage quotidien de Hoda Naamani. Aujourd’hui, après les bourrasques de la guerre et du déracinement, la voilà établie dans son bel appartement face à l’hippodrome de Beyrouth, dans une ruelle gardant tout le charme pittoresque des quartiers préservés de la capitale libanaise. Une femme poète qui a à son actif plus de onze recueils de poésies arabes et dont le dernier opus, intitulé très à propos Limann al-Arad, Limann allah (À qui appartient la terre, à qui appartient Dieu -159 pages), sort actuellement en librairie, joliment édité par Dar Hoda al-Naamani. C’est le dernier maillon et l’aboutissement d’une pensée et d’une écriture dont le parcours prend racine presque quarante ans plus tôt. Rencontre avec une femme de lettres dans son cadre familier, entre précieuse collection de bibelots et un éventail de toiles peintes accrochées aux murs. Des toiles qu’elle a signées quand le pinceau, sous l’impulsion et les conseils de Paul Guiragossian, a fait un brin de complicité et de compagnonnage à sa plume. Monde à la fois feutré et véhément, bruissant de vibrations sonores, empruntant des éclats à l’élégance de la «Quassida» arabe mêlée au tachisme «rorschachien» rehaussé de quelques pépites d’une feuille d’or. Un monde habité du foisonnement des mots et des couleurs, pour exprimer les remous intérieurs et l’inspiration d’une femme qui a longtemps hésité entre plusieurs expressions artistiques et littéraires. C’est avec infiniment de sérieux que Hoda Naamani, cheveux noirs de jais envahissant le visage, mine marquée par le temps et un regard perçant, déclare, sans sourciller: «C’est très jeune que j’ai vu le Simorgue… Et je sais que Dieu m’a créée pour écrire. D’ailleurs, depuis mon grand-père Abdel Ghani el-Nabilsi, disciple de Ibn al-Arabi, dans ma famille, l’écriture est une institution qu’on vénère…» Voilà, elle est lâchée, sans fard ni voile, cette dévotion sans limites à la poésie. Une poésie impliquant vision et mysticisme, qui sont la pierre angulaire de l’œuvre de l’auteur de Azkourou Kintou Niktat, Kintou Daerat (Je me souviens être un point, un cercle…). Une écriture poétique moderne et libre Tout a commencé vers 1968 au Caire, lorsque, entre deux langues, le français et l’anglais, Hoda Naamani affinait sa plume pour publier, en fin de compte, en arabe, un premier roman, Kittat Iram (Les chattes d’Iram), qu’elle retire du marché. Elle se voulait surtout poète en découvrant les fascinantes beautés de la langue arabe qu’elle maîtrise après treize ans de combat acharné avec la langue d’al-Moutanabbi. Et commence alors la carrière d’une femme de lettres éprise d’une écriture poétique à la fois moderne et libre dans sa métrique, sa prosodie et sa versification. Elle publiera successivement, entre autres, Ilayk (à toi), Anamili Lam (Pas mes doigts….), Kassidat Hob (Poème d’amour), Roeyat Ala Arch (Vision sur un trône), Khatabani Wa Kal, Hoda Ana Alhak (Il m’a parlé et dit, Hoda je suis la vérité)… De l’amour de Dieu à celui des hommes, des visions mystiques aux acerbes critiques politiques, de l’interprétation des rêves et des sentiments aux expériences de l’amour, des préoccupations terrestres aux nourritures célestes, de la grandeur du Bien à l’abjection du Mal, Hoda Naamani a toujours les mots justes et la musicalité adéquate pour traduire les débordements et les agitations du cœur des vivants. Des mots tirés de l’histoire la plus ancienne, du roi Salomon à Sarah, en passant par un mysticisme oscillant entre tourmente et sérénité, qui englobe, en toute généreuse tolérance, les divers courants des religions monothéistes. Une activité intellectuelle qui ne laisse pas de répit, car le poème de Hoda Naamani est un travail d’orfèvre dans sa quête de perfection formelle, sa précision des vocables et ses sonorités rythmiques amples et originales. La poésie, affaire d’une vie, c’est quoi pour Hoda Naamani? «La poésie, dit-elle, n’est pas seulement la recherche de la beauté, mais un message. Un message que Dieu m’a fait porter, sans que je le demande. Un message qui demande trop de dépense d’énergie, de solitude… Ma poésie est un appel à l’amour, à la compréhension, à la fraternité, à la paix. Le verbe est la rédemption, le salut de l’humanité. Un mot devient un arbre. De ses efflorescences poussent des lettres qui s’aiment comme les gens, se groupent, s’appellent, s’interpellent. C’est comme les couleurs qui ont des affinités et des correspondances qui nous dépassent…» Férue de Nizar Kabbani et de Mahmoud Darwich, lisant les philosophes al-Ghazali, al-Mouarri et Ibn al-Arabi, écoutant aussi bien Mozart et Beethoven qu’Oum Kalsoum et Abdel Wahab, aimant en littérature arabe le mot d’Allah d’abord, Hoda ensuite, cette femme poète a un singulier rapport avec la prière. «Prier, confie-t-elle, c’est ce besoin d’être en relation avec Dieu, de le comprendre, de rendre hommage à sa force. Car même en priant, on oublie Dieu… Et puis quand on touche l’amour de Dieu, on aime tout le monde, d’où ce feu intérieur vers l’union avec la personne aimée, la nature, le cosmos… D’ailleurs ma poésie le clame tout haut. Ma poésie est cet appel urgent et tranchant pour fondre dans l’univers. On doit tout arrêter pour une transparence cautionnée par la lumière. À Dieu la lumière! À Dieu la terre! Dieu est pour tous. Et nous sommes tous pour Dieu!» Edgar DAVIDIAN

De Washington à Londres, en passant par Le Caire, les voyages et le ballet des valises déballées ont fait partie intégrante du paysage quotidien de Hoda Naamani. Aujourd’hui, après les bourrasques de la guerre et du déracinement, la voilà établie dans son bel appartement face à l’hippodrome de Beyrouth, dans une ruelle gardant tout le charme pittoresque des quartiers...