Politiciens et discrets ?...

L’autre jour, je circulais sereinement dans une des rues d’Achrafieh quand la voiture qui roulait devant moi s’arrêta net. Pour m’immobiliser in extremis, je dus actionner les freins dans un crissement de pneu retentissant. Que se passait-il donc ? Je regarde plus loin devant moi et je vois que des hommes en civil nous avaient tout simplement barré la route. Dans la rue adjacente, d’autres hommes s’activaient au contraire à accélérer le flux de la circulation. Ils faisaient signe aux automobilistes de se dépêcher, sans condescendre à adresser un seul mot d’explication à quiconque. Cinq bonnes minutes passent avant qu’une berline finisse sa course folle à l’intersection des deux rues. Trois hommes en complet veston et lunettes noires, à la carrure impressionnante, en descendent et s’empressent d’ouvrir les portières d’une deuxième limousine qui les talonnait. En débarquent, comme des stars, deux politiciens si fringants qu’ils croyaient peut-être mettre pied sur la Croisette. Je jette un coup d’œil à ma montre. Il était 13h30. Je regarde du côté de ma droite, c’est-à-dire à l’endroit où se dirigeait le duo de célébrités. Il s’agissait d’un restaurant, apparemment branché. Eh oui ! Nos deux personnalités venaient déjeuner. Ils pénètrent, flanqués de deux de leurs gardes du corps. Le troisième nous fait enfin signe de démarrer, sans même nous accorder un regard. Il fallait comprendre que la chaussée est un bien privé. Des hommes qui ignorent tout des rapports avec les gens s’arrogent le droit de boucler des quartiers et d’y semer le désordre et la panique. Avec l’assentiment tacite – ou les instructions explicites – de leurs chefs, ils se donnent le feu vert pour imposer des ordres à de paisibles automobilistes. Et tant pis pour les victimes de tachycardie ou d’affolement. Des scènes comme celle-ci ont beau se répéter sous nos yeux, l’effet de surprise est toujours le plus fort Messieurs les politiciens, si vous avez envie de vous mêler au vulgum pecus que nous sommes, soyez donc discrets. Cela nous épargnera non seulement bien de désagréments, mais aussi cela servirait peut-être mieux les objectifs de sécurité personnelle que vous recherchez – si c’est bien de cela qu’il s’agit… Et si vraiment, lors de vos activités mondaines, vous vous trouvez incapables de vous comporter comme tout le monde, alors de grâce restez chez vous. Après tout, c’est grâce à nos voix que vous êtes devenus quelqu’un. Claude ASSAF