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Actualités - OPINION

Aphorismes Le champ d’entraînement irakien

Dans un ouvrage paru à l’automne dernier et intitulé Les frontières du jihad, le diplomate et chercheur français Jean-Pierre Filiu avance l’hypothèse selon laquelle les jihadistes présents sur le théâtre des opérations irakien ne voudraient surtout pas que Washington retirât ses troupes d’Irak. À des âmes simples comme les nôtres, une telle assertion peut sembler saugrenue. Après tout, objecterions-nous, le but de toute guerre est de vaincre l’ennemi et quelle plus belle victoire, pour les jihadistes, que celle de contraindre les Américains à quitter l’Irak ? L’argument est logique, mais il n’est pas subtil. En effet, à y regarder de plus près à la lumière des enseignements du passé, il se pourrait que l’hypothèse de Filiu soit fondée. Ainsi, lorsqu’un roi de Sparte promit aux éphores, qui détenaient la réalité du pouvoir dans la cité-État, de supprimer totalement la ville rivale d’Argos, responsable de nombreux ennuis que les Spartiates avaient eus, les éphores ne le permirent pas, lui déclarant : « Ne va pas supprimer ni détruire d’aucune façon la pierre où s’aiguisent nos jeunes ! » Et lorsqu’un étranger demanda aux Spartiates pourquoi ils n’avaient pas anéanti les Argiens, qui leur faisaient constamment la guerre, lorsqu’ils les tenaient à leur merci, on lui répondit : « Nous ne les anéantirons pas davantage à l’avenir, afin de toujours disposer d’un champ d’entraînement pour notre jeunesse. » Je rappellerai que l’armée spartiate demeura invaincue sur terre jusqu’au milieu du quatrième siècle avant notre ère. Preuve, s’il en fallait, que Sparte avait eu raison d’épargner Argos et d’en faire le champ d’entraînement de ses jeunes. C’est dire que les jihadistes devaient être ravis de voir George W. Bush envahir l’Irak en 2003. Ils durent par la suite se féliciter de sa réélection en 2004, trembler, à l’automne de 2006, lorsqu’il essuya une défaite électorale cuisante, pousser un soupir de soulagement lorsqu’il décida, peu après, de dépêcher de nouveaux renforts en Irak, paniquer, au printemps de 2007, lorsque la Chambre des représentants exigea de lui de retirer les troupes américaines d’Irak avant mars 2008 et prier fort afin qu’il opposât son veto à cette résolution. À présent, ils doivent croiser les doigts pour qu’un nouveau George W. Bush soit élu à la Maison-Blanche l’an prochain. Car l’Irak est pour eux le plus beau des champs d’entraînement : un champ d’entraînement militaire, certes, mais aussi un champ d’entraînement géopolitique sur lequel ils comptent pour entraîner le reste de la région. Percy KEMP

Dans un ouvrage paru à l’automne dernier et intitulé Les frontières du jihad, le diplomate et chercheur français Jean-Pierre Filiu avance l’hypothèse selon laquelle les jihadistes présents sur le théâtre des opérations irakien ne voudraient surtout pas que Washington retirât ses troupes d’Irak. À des âmes simples comme les nôtres, une telle assertion peut sembler...