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Le rôle de la presse : informer et réformer

Au Liban, l’État tombe dans la catégorie de ce qu’on appelle aujourd’hui les États fragiles. Dans les États mûrs, le rôle de la presse est d’informer et d’exposer les abus de pouvoir. Dans les États fragiles, son rôle est forcément différent. L’information reste sa fonction première. C’est sa fonction seconde qui est différente. Elle consiste à réformer les institutions et les mœurs politiques. Critiquer les personnes qui sont au pouvoir n’est suffisant que quand le système politique et les institutions sont encore d’une grande fragilité et les mœurs « primitives », il ne sert à rien de critiquer les personnes. En effet, le changement des personnes n’introduira aucun changement au niveau des structures. Tous les gouvernements qui se succèdent restent impotents, puisque l’État reste tout aussi fragile. L’histoire du Liban illustre bien ce point, surtout quand on s’en tient aux années qui ont suivi l’accord de Taëf. À quoi sert de changer les personnes, si les institutions restent identiques et si les mœurs politiques demeurent tout aussi aberrantes ? Les États fragiles sont le produit d’idéologies totalitaires qui ne peuvent coexister que dans une guerre permanente des esprits. Les idéologies totalitaires sont, de par leur nature même, incapables de faire des compromis. Elles cherchent à éliminer l’autre ou, à tout le moins, à la réduire à l’impuissance. La mentalité orientale est encore de cet ordre. Je la considère primitive, parce qu’elle n’arrive pas à évoluer dans le sens du monde moderne. Elle n’arrive pas à comprendre les nouvelles exigences de la démocratie qui consistent précisément dans le rejet des relations de maître à esclave qui sont caractéristiques des systèmes primitifs. Au Liban, nous comprenons tous la démocratie de travers, parce que nous souffrons tous de la mentalité orientale primitive. Cela est le cas dans la mesure même où, ne nous contentant pas de rejeter l’idéologie que les autres cherchent à nous imposer, nous cherchons à leur imposer la nôtre. Qu’elles soient religieuses ou politiques, les idéologies sont l’opium des nations. Elles sont les colonnes vertébrales inflexibles de tout État fragile. C’est, en effet, l’inflexible idéologique de nos deux grands camps qui cause la fragilité de notre projet national. Nous sommes passés maîtres dans l’art de nous critiquer les uns les autres. Ce qui nous fait grandement défaut, c’est le courage et l’intelligence de jeter un regard critique sur notre propre intransigeance et les contradictions de notre système politique. Nous avons les gouvernements que nous produisons, tout comme nous avons l’intelligentsia que nous méritons. C’est ce qui fait que même la presse, qui a la charge d’exposer nos défauts, a du mal à remplir sa fonction. Il ne s’agit pas là d’une mauvaise volonté de sa part, mais d’une contamination inévitable du mal national. En effet, nous sommes tous solidaires en bien ou en mal de nos héritages traditionnels. Ce qui est parfaitement dans l’ordre sur le plan communautaire et sectaire devient aberrant quand il est transposé sur le plan national. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une presse capable de s’ouvrir à une nouvelle intelligence des choses, et de permettre à cette nouvelle intelligence de s’exprimer en toute franchise, même si cela lui faisait courir le risque de s’entendre dire : « Ces paroles sont trop dures. Qui peut les supporter ? » Joseph CODSI Professeur d’université
Au Liban, l’État tombe dans la catégorie de ce qu’on appelle aujourd’hui les États fragiles.
Dans les États mûrs, le rôle de la presse est d’informer et d’exposer les abus de pouvoir. Dans les États fragiles, son rôle est forcément différent. L’information reste sa fonction première. C’est sa fonction seconde qui est différente. Elle consiste à réformer les...