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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - Tatiana Primak Khoury rend hommage à Béchara el-Khoury L’appel des absents au clavier

Un monde sonore que les mélomanes libanais découvrent la main sur le cœur… Hommage est rendu au compositeur libanais Béchara el-Khoury, vivant à Paris depuis 1979, par la pianiste Tatiana Primak Khoury qui vient de montrer, si besoin en est encore, que son brillant talent de championne du clavier ne s’arrête pas aux frontières des partitions de Mozart, Beethoven ou Chopin. Complicité d’interprète avec un compositeur libanais qui vient d’avoir de très beaux enregistrements à Naxos d’une œuvre saluée avec respect et admiration par la presse et le public étrangers. Au menu, trié au volet, des œuvres d’un lyrisme intense, usant avec brio et subtilité d’un langage pianistique à la fois moderne et sous influence russe et française, comme une lointaine parenté avec Chostakovitch et Debussy… Les cheveux courts, plus mince que jamais, figure de madone, poigne de fer avec mains de velours pour des doigts de fée, Tatiana Primak Khoury a subjugué à la salle Batlouni (Hôpital Saint-Georges, à Achrafieh) un auditoire disséminé (faut-il constater avec tristesse et amertume que nul n’est prophète dans son pays?) prêtant oreille attentive à une œuvre qu’il découvre avec curiosité et ravissement. Ouverture avec la Sonate n°1 op 35 en ses trois mouvements (allegro ma non troppo, liberamente et presto) où, dès les premiers accords, la poésie s’installe aux lignes de front. Une poésie aux tons âpres, haletants, hachés comme l’appel pressent des absents pour retrouver la lumière des autres… Des premières notes qui glissent comme une pluie solitaire jusqu’aux moments denses et révoltés où l’aspect virtuose et furieux des phrases l’emporte, l’univers de Béchara el-Khoury est fait de tourmente, de sérénité et d’un regard constamment tourné vers des cieux cléments où règne la mansuétude de Dieu. On retrouve en seconde étape les Fragments oubliés op 66 où lyrisme et mystère planent sur une narration toute chaotique en remous intérieurs. Les pages blanches se remplissent du noir de l’encre et la vie revient sur des rives désertées… Comme ces Vagues (op 60) qui oscillent entre le flux et le reflux de la méditation, de la légèreté et de l’énergie d’une agitation tissée des ombres contradictoires et secrètes… Petit entracte et reprise avec deux opus empreints d’une singulière lumière, comme échappée à une inspiration «messianique»… Jésus, l’Enfant du Soleil op 67 évoque des images impalpables où l’esprit et l’immatérialité ont des résonances souverainement belles dans leur transparence et leur élévation. Tout en n’ignorant pas que la souffrance humaine a des profondeurs insoutenables, telles ces tonalités tranchantes comme des tessons plantés au cœur de la chair… Dans le même registre est cette Sonate n°2 op 61 qui, entre sérénité et fureur déchaînée, entre lenteur majestueuse et célérité d’enfer, la musique, drue et sourde dans ses accords fougueux intempestifs, ou légère comme une caresse d’amante transie d’amour, atteint la fragilité et l’incandescence des beautés qui clouent au sol. La part d’orientalité ou de poésie de Béchara el-Khoury (on n’a jamais retrouvé à Beyrouth ses écrits poétiques de jeunesse!) est non dans l’énoncé ou le style adopté, mais dans ce lyrisme à la fois débridé et moderne, attestant d’une grande maturité. Une maturité jaillie de ces ancestrales sagesses levantines faites de paroles de consolation, de verbe imagé et d’un souffle de défi à l’éternité. À défaut de découvrir l’imposante œuvre symphonique d’un musicien à la sensibilité d’écorché vif, on découvre ici, par le biais de ce concert, avec infiniment de plaisir, une œuvre pour piano personnalisée, jouant avec intelligence et finesse de toutes les appartenances et de tous les aléas de la vie. Un beau moment où la musique a des accents à la fois déchirants et sûrs. Rien que pour cela, le mérite de Tatiana Primak Khoury est bien grand, d’autant que c’est une Libanaise d’adoption, de cœur. Mérite de partager le bonheur d’aimer la voix d’un compositeur libanais à la célébrité plus établie à l’étranger que dans son pays d’origine! Mérite qui s’érige comme un frémissant gage d’amitié, de dévotion et de reconnaissance. Edgar DAVIDIAN

Un monde sonore que les mélomanes libanais découvrent la main sur le cœur… Hommage est rendu au compositeur libanais Béchara el-Khoury, vivant à Paris depuis 1979, par la pianiste Tatiana Primak Khoury qui vient de montrer, si besoin en est encore, que son brillant talent de championne du clavier ne s’arrête pas aux frontières des partitions de Mozart, Beethoven ou Chopin....