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Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE - Quelque 500 bombes atomiques ont été testées dans cette région du nord-est du Kazakhstan Le cauchemar des victimes du polygone de Semipalatinsk

Aïguerim Chynbergen est née quatre ans après les derniers essais nucléaires menés dans le nord-est du Kazakhstan, à l’époque soviétique, mais les retombées radioactives polluent encore Sarjal, son village, faisant d’elle une infirme. Chaque pas est synonyme de douleur pour la jeune fille de 14 ans qui souffre d’une « double dislocation congénitale des hanches », une malformation qui la condamne à passer ses journées à la maison, une télévision pour seul divertissement. « C’est dur pour moi de marcher trop longtemps. Je ne peux même pas faire de travaux ménagers et (...) je ne peux plus aller à l’école », raconte-t-elle à un journaliste de l’AFP. Seule une opération pourrait soulager Aïguerim, mais ses parents n’ont pas les moyens de la financer, la pension d’invalidité de leur fille suffisant tout juste à l’achat de médicaments pour calmer la douleur. « On n’a au dispensaire que des médicaments pour les urgences (...) et l’hôpital a été fermé en 1991 », explique la pédiatre de Sarjal, Laura Medetkyzy. Pourtant, le cas d’Aïguerim est loin d’être exceptionnel. Les quelque 2 000 habitants de Sarjal souffrent d’une interminable liste de maladies liées aux essais nucléaires réalisés entre 1949 et 1989 sur un site distant d’une vingtaine de kilomètres seulement. Au total, quelque 500 bombes atomiques ont été testées sur le polygone de Semipalatinsk – principal site d’essais nucléaires soviétique, fermé en 1991 –, mais les conséquences les plus graves sont dues aux 160 explosions exécutées en plein air jusqu’en 1962. « Les gens ont des malformations, des cancers, des anémies, des cataractes, des maladies rénales, pulmonaires ou cardiaques (...) C’est rare que l’on vive au-delà de 60 ans ici », explique la pédiatre. Les maux de ce petit village perdu dans la steppe concernent au total 1,2 millions de personnes, soit près de 10 % de la population de ce pays d’Asie centrale. « Pour cette population, les cas de cancers sont de 300 % à 400 % supérieurs » à la moyenne, explique Boris Galitch, directeur adjoint de l’Institut des radiations de Semipalatinsk, l’ancienne capitale régionale. Ces victimes perçoivent des pensions d’invalidité, une fois accompli un long parcours bureaucratique avec passages réguliers devant diverses « commissions spéciales », mais les méprises sont courantes. Irina, 58 ans, qui souffre d’un cancer de la gorge, ne bénéficie plus depuis janvier du statut officiel de « victime » des essais dont elle a été témoin enfant, lorsqu’elle admirait le spectacle effrayant des champignons radioactifs s’élevant dans le ciel. En décembre 2006, « mon médecin traitant a dit que je devais me faire opérer. Cela aurait fait une troisième opération. Où va-t-on ! J’ai refusé (...) On m’a dit alors que je n’étais plus malade et on m’a retiré mon invalidité », souffle-t-elle la voix cassée, ses cordes vocales ayant été abîmées lors d’une intervention chirurgicale. Pour faire valoir ses droits, Irina s’est adressée à l’ONG Ekho Polygone. « Il y a moins de problèmes maintenant que lors de l’indépendance du Kazakhstan (en 1991) quand l’État n’avait pas d’argent. Mais il y a toujours des insuffisances », note Nadejda Issanova, qui dirige l’organisation. Et le cauchemar de la population de la région est loin d’être fini, car chaque jour des enfants tombent malades ou naissent avec des malformations. Et pour ces « nouvelles générations » de victimes, le système de compensation est réduit au strict minimum.
Aïguerim Chynbergen est née quatre ans après les derniers essais nucléaires menés dans le nord-est du Kazakhstan, à l’époque soviétique, mais les retombées radioactives polluent encore Sarjal, son village, faisant d’elle une infirme. Chaque pas est synonyme de douleur pour la jeune fille de 14 ans qui souffre d’une « double dislocation congénitale des hanches », une...